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10/03/2016 | FRANCE | N°15NC00826

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 mars 2016, 15NC00826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 décembre 2012 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial en faveur de son neveu.

Par un jugement n° 1300414 du 25 mars 2015 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Moselle de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par MmeD....

Procédure devant la cour :

Par un

e requête et un mémoire enregistrés le 5 mai et le 10 juillet 2015, le préfet de la Moselle dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 décembre 2012 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial en faveur de son neveu.

Par un jugement n° 1300414 du 25 mars 2015 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Moselle de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 mai et le 10 juillet 2015, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300414 du 25 mars 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeD....

Il soutient que :

- sa décision ne méconnaît pas la condition de ressources prévue par l'article 4 de l'accord franco-algérien ;

- l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant n'est pas méconnu ;

- la décision ne porte pas atteinte au droit au respect à la vie privée et familiale de l'enfant et de Mme D...;

- la décision contestée n'est pas entachée de défaut de motivation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 juin et le 1er septembre 2015, Mme D..., représentée par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit ordonné au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne l'atteinte à la vie privée et familiale de l'enfant et de M. et Mme D...;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant ;

- M. et Mme D...disposent de ressources suffisantes pour accueillir l'enfant ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., de nationalité algérienne et titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 25 février 2021, a déposé auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une demande de regroupement familial en faveur de son neveu RayaneB.... Le préfet de la Moselle a, par une décision du 4 décembre 2012, refusé de faire droit à cette demande. Il relève appel du jugement du 25 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 4 décembre 2012 et l'a enjoint à faire droit à la demande présentée par Mme D... dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue du troisième avenant à cet accord : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...) / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France /(...) ". Aux termes du titre II du protocole annexé à l'accord franco-algérien dans sa rédaction issue du troisième avenant : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi dans le cas où est demandé, sur le fondement des stipulations précédemment citées de l'accord franco-algérien, le regroupement familial en vue de permettre à un enfant de rejoindre en France un ressortissant algérien qui en a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard aux stipulations de l'accord franco-algérien, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait de demeurer en Algérie auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur les motifs énumérés à l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

4. Mme D...s'est vu confier la garde de son neveu, Rayane B...par acte de kafala judiciaire le 16 novembre 2011, qui a d'ailleurs ensuite fait l'objet d'une ordonnance d'exequatur par le tribunal de grande instance de Sarreguemines le 6 juin 2012.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour s'opposer à la demande de regroupement familial présentée par Mme D...pour son neveu, le préfet s'est exclusivement fondé sur l'insuffisance des ressources de l'intéressée, sans rechercher si les conditions d'accueil de l'enfant seraient, compte tenu notamment du montant de ces ressources, contraires à son intérêt et si le refus de regroupement serait de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant comme de MmeD.... Ainsi, sa décision est entachée d'erreur de droit. Par suite, le préfet de la Moselle, qui se borne à invoquer la circonstance que les ressources de la demanderesse était inférieures aux stipulations de l'accord franco-algérien, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté contesté par Mme D....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que Mme D...demande en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la demande de Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme D...une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouseD..., au préfet de la Moselle et au ministre de l'intérieur.

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N° 15NC00826


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00826
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GENY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-10;15nc00826 ?
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