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10/03/2016 | FRANCE | N°15NC00257

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 mars 2016, 15NC00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Biblisheim a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 mai 2013 portant modification du régime d'exploitation du centre de transit, regroupement et tri de déchets exploité par la société Transmetaux à Biblisheim, en vue de le soumettre au régime d'autorisation.

Par un jugement n° 1305706 du 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par un re

cours sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 5 février et 5 novembre 2015, le ministre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Biblisheim a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 mai 2013 portant modification du régime d'exploitation du centre de transit, regroupement et tri de déchets exploité par la société Transmetaux à Biblisheim, en vue de le soumettre au régime d'autorisation.

Par un jugement n° 1305706 du 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par un recours sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 5 février et 5 novembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305706 du 3 décembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Biblisheim.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de motivation suffisante ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les prétendues insuffisances de l'étude d'impact ont nui à l'information complète du public tant en ce qui concerne les enjeux de sécurité publique que les conditions de remise en état.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juin 2015 et le 28 janvier 2016, la commune de Biblisheim représentée par MeA..., conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel est irrecevable faute de production d'un mémoire ampliatif ;

- les moyens sont insuffisamment développés ;

- les insuffisances de l'étude d'impact, quant aux effets sur la faune et la flore, l'analyse des eaux superficielles sont de nature à entacher d'illégalité l'arrêté préfectoral contesté ;

- l'étude de danger est insuffisante ;

- l'article L. 512-1 du code de l'environnement est méconnu faute de mesures permettant d'éviter les dangers et inconvénients pour la sécurité des voies de desserte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la commune de Biblisheim.

Considérant ce qui suit :

1. La société Transmétaux exploite à Biblisheim un centre de transit, de regroupement et de tri de déchets, qui était initialement soumis à déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, mais pour lequel elle a dû déposer une demande d'autorisation en raison d'un changement de la législation. Après avoir opposé un refus à la société le 9 mars 2010, le préfet du Bas-Rhin a fait droit à une nouvelle demande de la société par l'arrêté contesté du 22 mai 2013. Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, sur demande de la commune de Biblisheim, annulé cet arrêté au motif notamment que l'étude d'impact ne comportait pas de précisions sur les conséquences du projet sur la circulation routière et la sécurité publique et que cette omission n'avait pas permis à la population de bénéficier d'une information complète à ce sujet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif qui a détaillé les raisons pour lesquelles l'étude d'impact jointe à la demande de la société Transmétaux comportait des lacunes relatives à la sécurité de la circulation routière et a exposé en quoi ces lacunes étaient de nature à nuire à l'information du public, a suffisamment motivé son jugement qui n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. (...) ". Aux termes du II de l'article R. 112-5 du même code : " - L'étude d'impact présente : (...) / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) ".

4. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact en litige a été réalisée postérieurement à l'arrêté du 5 août 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin avait rejeté la précédente demande de la société Transmétaux. Aux termes de son arrêté, le préfet avait retenu que la société n'avait pas fait de proposition concrète pour limiter l'augmentation du trafic de ses camions, qu'aucun des neuf itinéraires d'accès au site n'était adapté au trafic des poids lourds pour des raisons de sécurité en raison d'une largeur insuffisante des voies, la seule chaussée ne permettant parfois pas le croisement de deux poids lourds en agglomération, de la présence de cyclistes, de piétons, d'élèves d'établissements d'enseignements et que le nombre de camions en circulation augmenterait les dangers pour la sécurité publique et inconvénients dans les secteurs les plus sensibles.

6. L'étude d'impact jointe à la nouvelle demande de la société Transmétaux ne comporte, au titre de l'état initial du site, qu'une liste des voies de circulation routière situées aux alentours de l'exploitation, sans décrire leurs caractéristiques et fait seulement état de l'intensité du trafic journalier en 2009.

7. Dans la partie consacrée à l'analyse des effets de l'installation sur l'environnement, l'étude d'impact mentionne que "tous les approvisionnements et les expéditions de la société Transmétaux sont et seront réalisés par voie routière, à partir de la RD 772" et chiffre le trafic journalier à une quantité de l'ordre de cinquante camions, trafic auquel s'ajoutent trente rotations pour les véhicules du personnel, soit au total quatre-vingts véhicules par jour représentant cent soixante allers-retours. Après avoir indiqué sans autre précision que "le réseau départemental local est suffisamment développé pour permettre aux camions quittant le site de rejoindre aisément la RD 27 ou la RD 263 puis l'autoroute A4/A35 via les voies routières périphériques de l'agglomération d'Haguenau", l'étude d'impact précise que le trafic lié à l'entreprise se situe aux heures de fonctionnement de l'établissement, qu'il représente respectivement 0,6 et 1,3 % du trafic moyen journalier mesuré en 2009 sur la RD 263 et la RD 27, rappelle que ces voies routières étaient déjà empruntées par les camions liés à l'activité de la société METAC, ancien occupant du site industriel de Biblisheim pour conclure que "l'exploitation du site de Biblisheim n'aura donc pas d'impact significatif sur le trafic routier local".

8. En se bornant aux éléments mentionnés ci-dessus, l'étude d'impact ne comporte aucune analyse précise des caractéristiques des voies qui, comme la RD 772, desservent directement le site occupé par la société Transmétaux, ni des portions de ces voies qui traversent les communes proches et notamment celles de Walbourg et de Biblisheim, en ce qui concerne la capacité d'absorber le trafic induit par l'activité de l'établissement.

9. L'étude ne contient pas davantage d'étude des modalités de circulation sur ces voies, de l'intensité du trafic, de la présence de cyclistes, de piétons, ni de l'impact de la circulation des camions desservant la société Transmétaux sur ces utilisations des voies ni la sécurité des différents usagers. Elle n'indique pas quelles circonstances justifieraient que les dangers invoqués par les populations intéressées lors de l'instruction de sa précédente demande, et qui tenaient aux risques encourus pour la sécurité publique en raison de l'étroitesse des voies, ne seraient plus d'actualité.

10. Lors de l'instruction de cette nouvelle demande d'autorisation, la direction départementale des territoires a d'ailleurs émis un avis assorti de réserves au motif qu'il n'existait aucun accès au site de Biblisheim adapté à un trafic de poids lourds soutenu et que la sécurité de la population, notamment des communes de Biblisheim et Walbourg ne pouvait être assurée du fait de l'exiguïté des voies de circulation. De même l'autorité environnementale a noté qu'"au regard des enjeux relevés et faute d'une analyse suffisante des capacités de liaisons routières, le projet ne prend pas suffisamment en compte l'enjeu de sécurité routière aux abords du site" et que l'étude d'impact est incomplète en ce qui concerne la "capacité des infrastructures routières situées en périphérie immédiate du site, à accueillir le trafic de poids lourds généré par l'exploitation dans des conditions de sécurité satisfaisante".

11. La circonstance que la société Transmétaux ne génère pas un trafic routier supérieur à celui résultant de l'exploitation du site antérieur qu'elle tente même de réduire et que le réseau départemental plus éloigné soit de nature à absorber ce trafic ne suffit pas à combler les lacunes de l'étude d'impact quant à la circulation sur les voies situées à proximité du site et qui devaient nécessairement être empruntées, alors que rien n'indiquait que les circonstances de fait avaient été modifiées depuis le précédent refus.

12. Pour soutenir, toutefois, que ces lacunes n'ont pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie soutient que les enjeux étaient connus depuis le précédent arrêté préfectoral, que le public avait une bonne connaissance des lieux et que dans la mesure où dans son avis du 1er juin 2012 joint au dossier d'enquête relatif à l'arrêté d'autorisation contesté, l'autorité environnementale avait indiqué que l'étude d'impact était insuffisante en ce qui concernait la sécurité de la circulation publique, le public était ainsi mis en mesure de faire des remarques, qu'il avait d'ailleurs présentées.

13. Toutefois, dans la mesure où la population ne disposait pas d'éléments précis sur la quantité et la composition du trafic existant à l'origine, sur les conséquences du trafic des véhicules desservant la société Transmétaux, compte tenu de sa nature, des heures de circulation, par rapport notamment aux horaires des établissements d'enseignements, aux moments de forte présence de piétons sur les trottoirs ou de cyclistes sur les voies cyclables que les camions doivent parfois emprunter pour se croiser, ni sur les mesures que la société ou les autorités entendaient éventuellement prendre pour limiter ces risques, les lacunes de l'étude d'impact ont nui à l'information complète du public qui a pu, certes, présenter des observations, sans être exhaustivement informé de la situation.

14. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu ce motif pour annuler la décision contestée. En outre, il résulte également de l'instruction que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ajoutant à titre subsidiaire que, si l'étude d'impact comportait un chapitre sur les conditions de remise en état du site, elle se bornait à les énumérer de manière abstraite et en reproduisant le texte de l'article R. 512-18.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Biblisheim au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la commune de Biblisheim une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la commune de Biblisheim.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00257
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ZIND

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-10;15nc00257 ?
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