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23/07/2015 | FRANCE | N°14NC01550

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14NC01550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 26 octobre 2009 par laquelle le préfet du Bas-Rhin lui a opposé un refus d'exploiter une parcelle de 5,49 ares à Epfig, ainsi que la décision du même préfet du 30 décembre 2009 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1000971 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 26 octobre 2009 et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 juillet 2014 et le 24 juin 2015, M. A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 26 octobre 2009 par laquelle le préfet du Bas-Rhin lui a opposé un refus d'exploiter une parcelle de 5,49 ares à Epfig, ainsi que la décision du même préfet du 30 décembre 2009 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1000971 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 26 octobre 2009 et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 juillet 2014 et le 24 juin 2015, M. A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000971 du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du 30 décembre 2009 rejetant le recours gracieux ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision lui accordant l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée section 25 n° 206 de 5,49 ares à Epfig.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 30 décembre 2009 est entachée d'irrégularité de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis de la CDOA qui s'est fondée à tort sur l'ordre de priorités établi par le schéma directeur inapplicable ;

- la décision est fondée sur un schéma directeur départemental des structures agricoles trop imprécis et contraire à l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme ;

- c'est à tort que le préfet a considéré que la viabilité de l'exploitation du preneur en place était en danger, ce qui suffit à entacher d'illégalité la décision contestée ;

- sa demande répondait aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles dans la mesure où il entendait conforter une exploitation d'avenir et n'avait pas un objectif exclusivement patrimonial, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, alors que le gérant de l'EARL Domaine Kobloth exerce également une autre activité ;

- il a une activité viticole réelle.

Par un mémoire enregistré le 12 novembre 2014, l'EARL Domaine Kobloth, représentée par Me B..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin du 26 octobre 2009 ;

- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 26 octobre 2009, dès lors que le schéma directeur départemental des structures agricoles ne prévoit pas que l'ordre de priorité qu'il établit s'applique uniquement en cas de demandes concurrentes ;

- en jugeant que cette décision était fondée sur le seul motif tiré de l'ordre de priorité établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles, le tribunal administratif a commis une erreur de fait ;

- l'administration aurait pris la même mesure que celle figurant dans la décision du 30 décembre 2009 si elle ne s'était pas fondée sur le motif tenant à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, qui se fonde lui-même sur plusieurs motifs et aurait été de même sens s'il ne s'était pas fondé sur le motif tenant à l'ordre de priorité ;

- le schéma directeur départemental des structures agricoles est suffisamment précis ;

- la décision du 30 décembre 2009 n'est entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour de rejeter la requête de M. A...dans toutes ses conclusions et de mettre à sa charge une somme de 1 428 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête de M. A...sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Verdin, avocat de M. A...et de Me Coissard, avocat du domaine Kobloth.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 26 octobre 2009, confirmée le 30 décembre 2009 sur recours gracieux, le préfet du Bas-Rhin a refusé à M. A...l'autorisation d'exploiter une parcelle de 5 ares 49, cadastrée section 25 n° 206 à Epfig, appartenant à sa mère et donnée à bail à l'EARL Domaine Kobloth. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 26 octobre 2009 et a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 30 décembre 2009. M. A...interjette appel du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 décembre 2009 et l'EARL Domaine Kobloth forme appel incident contre le jugement en tant qu'il a annulé la décision du 26 octobre 2009.

Sur l'appel principal relatif à la décision du 30 décembre 2009 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Si le préfet du Bas-Rhin s'était fondé, pour prendre la décision du 26 octobre 2009 qui statuait en partie en fonction des priorités établies par le schéma directeur départemental des structures agricoles, sur l'avis du même jour de la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui tenait également compte de ces priorités, il ne ressort ni des termes de la décision du 30 décembre 2009 qui ne mentionne pas ces priorités, ni des pièces du dossier que le préfet aurait pris sa décision au vu de l'avis de cette commission qu'il n'était pas tenu de prendre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'avis de la commission départementale d'aménagement foncier était irrégulier ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place (...) 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées (...) ".

4. L'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles pour le Bas-Rhin prévoit : " Les orientations de la politique d'aménagement des structures d'exploitation (...) sont : / - Maintenir les agriculteurs sur des structures viables sur tout le territoire par l'installation et la confortation des exploitations d'avenir. / - Favoriser l'utilisation économique par rapport à la valeur patrimoniale du foncier et des droits ".

5. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploiter de M.A..., le préfet du Bas-Rhin a ainsi motivé la décision contestée : " L'EARL Kobloth est une structure de production, viable et d'avenir avec une surface agricole utile (SAU) viticole de 19 ha 94, cinq actifs permanents dont Arnaud Kobloth, 30 ans, installé avec les aides en 2002. Votre parcours professionnel, la structure foncière et la surface de votre exploitation relèvent d'une démarche essentiellement patrimoniale ".

6. En retenant les circonstances mentionnées ci-dessus relatives à l'EARL Domaine Kobloth, exploitation viticole économiquement viable, qui procède à la transformation et à la revente de ses produits et permet à plusieurs familles de vivre, alors que M. A...a une activité professionnelle de mécanicien en plus de l'activité d'exploitant viticole qu'il exerce seul, qu'il ne disposait à la date de la décision contestée, ainsi qu'il l'indique dans ses écritures, que d'une superficie totale exploitable de 19 ares 87, le préfet n'a pas méconnu l'orientation du schéma directeur départemental des structures agricoles tendant à maintenir des structures viables par la confortation des exploitations d'avenir. Si M. A...fait valoir qu'il entendait accroître son exploitation agricole pour en faire son unique activité, il n'apporte aucun élément en ce sens et, en tout état de cause, l'ajout d'une parcelle de 5 ares ne lui permettait pas de réaliser ce projet. De même, si M. A...soutient que le retrait d'une parcelle de 5 ares à l'exploitation de l'EARL Domaine Kobloth n'est pas de nature à mettre en péril son activité, il ressort des plans versés au dossier de première instance que la parcelle n° 206 en litige forme un îlot de 18 ares avec une autre parcelle n° 207 à laquelle elle donne accès à un chemin rural et que sa suppression rendrait difficilement exploitable la parcelle n° 207 pour l'EARL. Ainsi, la décision contestée permet le maintien de l'exploitation viable et dont l'avenir n'est pas menacé du Domaine Kobloth et favorise l'utilisation économique de ses terres par cette entreprise alors que l'exploitation de cette parcelle par M. A... ne serait pas de nature à améliorer de façon significative l'utilisation économique de ses biens, mais plutôt à accroître la valeur patrimoniale du foncier et de ses droits. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît, en contradiction avec ce que prévoient les dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, les orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles du Bas-Rhin doit être écarté.

7. Enfin, si M. A...fait valoir que l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles comporte une rédaction trop imprécise, contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, il ressort en tout état de cause des termes de cet article que les orientations qu'il mentionne sont définies avec suffisamment de précisions pour en permettre l'application.

8. Il ressort de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 décembre 2009.

Sur l'appel incident portant sur la décision du 26 octobre 2009 :

9. Pour annuler la décision du 26 octobre 2009, le tribunal administratif s'est fondé, sans se prononcer sur les autres moyens de la requête, sur la circonstance que le préfet, se fondant sur le 1° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, avait illégalement observé l'ordre des priorités du schéma départemental alors que celui-ci ne trouve à s'appliquer que lorsqu'il y a des demandes concurrentes, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agissait de comparer la situation d'un demandeur unique à celle du preneur en place.

10. S'il est vrai que dans les motifs de la décision du 26 octobre 2009, le préfet du Bas-Rhin mentionne l'ordre de priorité prévu à l'article 6 du schéma directeur départemental des structures agricoles, le préfet en conclut que M.A..., qui avait demandé l'autorisation d'exploiter et le Domaine Kobloth, exploitant en place, relevaient du même ordre de priorité. En outre, dans son article 1er, le refus d'autorisation opposé à M. A...se fonde uniquement sur les orientations prévues à l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles du Bas-Rhin et notamment celle tenant au maintien des agriculteurs sur des structures viables et non sur les priorités prévues par l'article 6. Dans ces conditions, le préfet n'a pas irrégulièrement fondé sa décision sur les priorités de l'article 6 du schéma, alors que M. A... était le seul à solliciter une autorisation d'exploiter. En conséquence, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de droit. L'EARL Domaine Kobloth est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur une telle erreur de droit pour annuler le refus d'autorisation du 26 octobre 2006.

11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet d'évolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés en première instance et en appel par M. A....

12. La décision litigieuse indique avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

13. Comme dit au point 6 ci-dessus, le préfet n'a pas méconnu les orientations du schéma directeur ni commis d'erreur d'appréciation en refusant la demande de M. A...au motif qu'il convenait de privilégier le maintien de la structure viable exploitée par la société Domaine Kobloth, et ainsi l'exploitation économique des terres, plutôt que l'agrandissement d'une propriété exploitée par une personne qui n'est agriculteur qu'à titre secondaire.

14. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Domaine Kobloth est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 26 octobre 2009.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent jugement, qui rejette la demande d'annulation présentée par M.A..., n'impose aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fins d'injonction présentées par M. A... doivent également être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. A...la somme que celui-ci demande au titre des frais de procédure qu'il a exposés.

17. Il n'y a pas lieu, au titre des mêmes dispositions, de mettre une somme à la charge de M. A...au titre des frais exposés par l'Etat pour sa défense. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A... le paiement à l'EARL Domaine Kobloth d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour sa défense.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin du 26 octobre 2009. La demande de première instance de M. A...est rejetée.

Article 3 : M. A...versera à l'EARL Domaine Kobloth une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à l'EARL Domaine Kobloch.

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N° 14NC01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01550
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-23;14nc01550 ?
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