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02/07/2015 | FRANCE | N°14NC01819

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14NC01819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL des Chazeaux a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2012 par lequel le préfet du Jura lui a refusé l'autorisation d'exploiter des parcelles situées sur le territoire de la commune de Censeau, ainsi que la décision du 14 février 2013 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1300440 du 21 juillet 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 sep

tembre 2014, l'EARL des Chazeaux, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL des Chazeaux a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2012 par lequel le préfet du Jura lui a refusé l'autorisation d'exploiter des parcelles situées sur le territoire de la commune de Censeau, ainsi que la décision du 14 février 2013 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1300440 du 21 juillet 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2014, l'EARL des Chazeaux, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300440 du 21 juillet 2014 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 5 octobre 2012 constitue une décision de retrait d'un accord implicite né quatre mois après la demande d'autorisation dès lors que l'EARL n'a pas eu connaissance d'une prolongation de délai ; ce retrait est illégal car intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 ;

- la décision de refus du 5 octobre 2012 est insuffisamment motivée ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société a été avisée par lettre recommandée avec accusé de réception de la prolongation du délai d'instruction ; en conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;

- la décision du 5 octobre 2012 est suffisamment motivée ;

- elle s'appuie sur des faits exacts ;

- elle n'est pas entachée d'erreur de droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL des Chazeaux a demandé le 15 mai 2012 l'autorisation d'exploiter les parcelles d'une superficie de 14 ha 40 a 90 ca cadastrées ZC 80, 93, 94, 95, 96 et 155 situées dans la commune de Censeau. Par un arrêté du 5 novembre 2012, le préfet du Jura a opposé un refus à sa demande au motif que l'EARL Les Grangettes était prioritaire.

2. Aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " I. Le préfet dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande. / Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'un autre département. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. / III. (...) A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse ".

3. Si le ministre fait valoir que le délai d'instruction de la demande présentée le 15 mai 2012 par l'EARL des Chazeaux a été prolongé de quatre à six mois par une lettre du 13 juillet 2012, il indique également ne pas être en mesure de démontrer l'envoi de ce courrier à l'EARL des Chazeaux, notamment par lettre recommandée avec accusé de réception ainsi que l'exige l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, alors que l'EARL des Chazeaux a toujours soutenu n'avoir jamais reçu cette lettre et n'en avoir pas eu connaissance. Ainsi, à la date du 2 novembre 2012 à laquelle le préfet du Jura a opposé un refus à la demande de l'EARL, celle-ci devait être regardée comme titulaire d'une autorisation implicite d'exploitation née quatre mois après le dépôt de sa demande.

4. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ".

5. Pour retirer l'autorisation implicite dont bénéficiait l'EARL des Chazeaux, au motif que l'EARL des Grangettes était prioritaire, le préfet a nécessairement été conduit à porter une appréciation sur les faits et ne se trouvait donc pas en situation de compétence liée. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision de retrait a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, est opérant. Il n'est pas contesté et il résulte des pièces du dossier que l'EARL des Chazeaux n'a pas été mise à même de présenter des observations avant la décision de retrait en contravention avec l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

6. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le demandeur d'une autorisation d'exploiter. Dans les circonstances de l'espèce, l'EARL des Chazeaux n'a pas, au cours de l'instruction, été mise en mesure de connaître l'existence d'un autre candidat à l'exploitation des mêmes terres et de faire valoir ses observations. Ainsi, elle a été effectivement privée de la garantie prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et la décision de retrait prise par le préfet est entachée d'irrégularité. Le rejet du recours gracieux de l'EARL est, par voie de conséquence, également illégal.

7. Il résulte de ce qui précède que l'EARL des Chazeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, une somme de 1 500 euros à payer à l'EARL des Chazeaux au titre des frais de procédure qu'elle a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon et les décisions des 2 novembre 2012 et 14 février 2013 du préfet du Jura sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'EARL des Chazeaux une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL des Chazeaux et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera adressée à l'EARL Les Grangettes et au préfet du Jura.

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N° 14NC01819


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01819
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : FV JURICONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;14nc01819 ?
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