Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2014, présentée pour la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois, ayant son siège 17 rue du Vieux Marché aux Grains à Strasbourg (67000), par Me B... ;
La société civile immobilière 15 Francs Bourgeois demande à la cour
1°) d'annuler le jugement n° 1001593 du 8 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté urbaine de Strasbourg et de la compagnie GAN assurances IARD à lui verser la somme de 96 321 euros en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture de canalisation d'eau potable, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2010, ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'inaction de la collectivité publique ;
2°) de condamner solidairement la communauté urbaine de Strasbourg et la compagnie GAN assurances IARD à lui verser la somme de 115 189,25 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2010, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture d'une canalisation d'eau potable ;
3°) de condamner solidairement la communauté urbaine de Strasbourg et la compagnie GAN assurances IARD à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'inaction de la collectivité publique ;
4°) de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la communauté urbaine de Strasbourg et de la compagnie GAN assurances IARD, ainsi qu'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- sa demande présentée devant les premiers juges était recevable dès lors qu'elle est l'unique propriétaire de l'immeuble situé 15 rue des Francs Bourgeois à Strasbourg, lequel ne relève pas du régime de copropriété ;
- elle a nécessairement qualité pour demander, au nom de son gérant, l'indemnisation des préjudices subis par ce dernier dès lors que celui-ci a lui-même qualité pour la représenter en justice ;
- le juge administratif est compétent pour examiner la demande présentée par la victime d'un dommage contre l'assureur du responsable dès lors que le contrat d'assurance est passé avec une personne morale de droit public ;
- la rupture d'une canalisation d'eau potable située rue du Saumon, intervenue le 10 mai 2009, a entrainé une inondation du 2ème sous-sol de l'immeuble dont elle est propriétaire, lui occasionnant des préjudices d'un montant estimé à 80 003 euros, vétusté déduite et à 96 321 euros hors taxes, soit 115 189,25 euros toutes taxes comprises, valeur à neuf ;
- la réalité des désordres dont elle demande réparation est établie par le rapport d'expertise du 21 décembre 2008, ainsi que par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 14 avril 2011, devenue définitive, qui lui alloue une provision de 40 000 euros ;
- elle est fondée à demander une indemnisation de 96 321 euros hors taxes dès lors qu'elle doit être rétablie dans la situation qui était la sienne avant le sinistre ;
- aucune somme ne doit être laissée à sa charge dès lors que le dysfonctionnement de la pompe de relevage résulte du court-circuit provoqué par l'inondation et qu'il n'est pas établi que les supports et revêtements présentaient des défectuosités avant l'inondation ;
- la désinvolture de la collectivité publique est à l'origine d'un préjudice évalué à 5 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2014, présenté pour la communauté urbaine de Strasbourg et la compagnie GAN assurances IARD, par la société d'avocats M et R Avocats, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à leur verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles font valoir que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande comme irrecevable dès lors que la société requérante n'établit pas être propriétaire de l'immeuble au titre duquel elle demande réparation ;
- en tout état de cause, elle n'a pas intérêt à agir dès lors qu'elle a été indemnisée par son assureur ;
- si la société requérante a, devant les premiers juges, porté de 80 003 euros à 96 321 euros hors taxes le montant de sa demande d'indemnisation, cette majoration constitue une demande nouvelle irrecevable ;
- il n'est pas contesté que la société requérante n'a pas qualité pour agir au nom de son gérant en vue d'obtenir réparation des dommages personnellement subis par ce dernier ;
- il n'est pas établi que le préjudice invoqué serait imputable à un ouvrage public ;
- l'assureur de la société requérante leur a remboursé le montant de la provision accordée par le juge des référés ;
- le préjudice doit, pour son évaluation, faire l'objet d'une déduction pour vétusté ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2015, présenté pour la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2015 :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois, et de MeA..., pour la communauté urbaine de Strasbourg et la compagnie GAN assurances IARD ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 2ème sous-sol de l'immeuble situé 15 rue des Francs Bourgeois à Strasbourg a fait l'objet, le 10 mai 2009, d'une inondation à l'origine de dégradations affectant les sols et les murs des locaux, les deux ascenseurs desservant ce niveau du bâtiment, les installations d'électricité, de climatisation et de chauffage, ainsi que les équipements d'entrainement sportif entreposés dans ce sous-sol ; que la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois, estimant que ces dommages sont imputables à la rupture d'une canalisation d'eau potable située à proximité de l'immeuble, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en vue d'obtenir la condamnation solidaire de la communauté urbaine de Strasbourg et de la compagnie GAN assurances IARD, assureur de cette collectivité publique, à lui verser la somme de 96 321 euros en réparation de ses préjudices matériels et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que, par un jugement du 8 novembre 2013 dont elle fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du procès verbal de constatations établi le 21 décembre 2009 entre les représentants des assureurs des parties, et qu'il n'est pas contesté par la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois, que les équipements sportifs dégradés au cours de l'inondation litigieuse appartiennent au gérant de la société requérante ; que la circonstance que ce dernier ait qualité pour agir au nom de la société n'a pas pour effet, en l'absence de mandat accordé par l'intéressé à la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois, de donner à celle-ci un intérêt lui donnant qualité pour agir en réparation des préjudices personnellement subis par son gérant ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par la société en vue d'obtenir une indemnisation à raison de la perte de ces équipements ;
3. Considérant, en second lieu, que, pour rejeter les conclusions de la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois tendant à la réparation des désordres affectant les sols, les murs et les installations techniques du 2ème sous-sol de l'immeuble, les premiers juges ont estimé que la société ne justifiait ni de sa qualité de propriétaire, ni d'une autorisation du syndic de copropriété ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de l'acte d'acquisition signé le 20 décembre 2007 par la société requérante, complété par une attestation établie le 7 janvier 2008 par le notaire chargé de l'opération d'acquisition, que la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois a acquis, à la date d'établissement de l'acte, un immeuble cadastré en section 60 sous le n° 188/23, pour une contenance de 6,25 ares, situé 15 rue des Francs Bourgeois à Strasbourg ; que si cet acte de propriété précise que " ladite copropriété consiste en un immeuble entier, élevé sur deux sous-sols de parkings annexes, d'un rez-de-chaussée à usage de magasins et de sept étages à usage de bureaux ", il ne ressort pas des autres mentions de ce document que la société requérante se serait portée acquéreur d'une partie seulement de l'immeuble et que celui-ci serait soumis au régime de la copropriété ; que la société requérante produit en appel un extrait du livre foncier, dont les défendeurs ne démontrent pas le caractère non probant, qui mentionne la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois comme seule propriétaire de l'immeuble visé par l'acte d'acquisition ; qu'ainsi, cette société justifie de ce qu'elle est propriétaire, en totalité, de l'immeuble litigieux et notamment de son 2ème sous-sol où se sont produits les dommages précités ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à la réparation de ces dommages ; que, dès lors, son jugement en date du 8 novembre 2013 doit, dans cette mesure, être annulé ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il statue à nouveau sur les conclusions de la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois tendant à la réparation des désordres affectant les sols, les murs et les installations techniques du 2ème sous-sol de l'immeuble dont elle est propriétaire ; que la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté urbaine de Strasbourg et de la compagnie GAN assurances IARD une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de cette société, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la communauté urbaine de Strasbourg et la compagnie GAN assurances IARD demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1001953 du 8 novembre 2013 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois tendant à la réparation des désordres affectant les sols, les murs et les installations techniques du 2ème sous-sol de l'immeuble situé 15 rue des Francs Bourgeois à Strasbourg.
Article 2 : La société civile immobilière 15 Francs Bourgeois est renvoyée devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il soit statué sur les conclusions visées à l'article précédent.
Article 3 : La communauté urbaine de Strasbourg et la compagnie GAN assurances IARD verseront la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière 15 Francs Bourgeois, à la communauté urbaine de Strasbourg et à la compagnie GAN assurances IARD.
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N° 14NC00183