La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2014 | FRANCE | N°13NC01638

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 03 juillet 2014, 13NC01638


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2013, complétée par mémoire enregistré le 6 juin 2014, présentée pour la SARL Euro Bengale Organisation (EBO), dont le siège est situé La Halerie à Sauville (08390), par MeA... ;

La SARL Euro Bengale Organisation demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200945 du 16 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération de la commission permanente du conseil général des Ardennes en date du 13 janvier 2012, qui a abrogé la dél

ibération en date du 8 septembre 2006 décidant de lui céder des terrains, ensemble...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2013, complétée par mémoire enregistré le 6 juin 2014, présentée pour la SARL Euro Bengale Organisation (EBO), dont le siège est situé La Halerie à Sauville (08390), par MeA... ;

La SARL Euro Bengale Organisation demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200945 du 16 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération de la commission permanente du conseil général des Ardennes en date du 13 janvier 2012, qui a abrogé la délibération en date du 8 septembre 2006 décidant de lui céder des terrains, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 29 mars 2012 ;

2°) d'annuler la décision de rejet de son recours gracieux en date du 29 mars 2012 ;

3°) d'enjoindre au président du conseil général des Ardennes de régulariser l'acte de vente dont la signature a été autorisée par délibération de la commission permanente du 8 septembre 2006, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge du département des Ardennes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision de la commission permanente du conseil général des Ardennes du 13 janvier 2012 aurait dû être suivie d'une décision du président du conseil général des Ardennes ;

- la délibération du 13 janvier 2012 a violé les dispositions de l'article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales ; la commission permanente ne disposait pas d'une délégation du conseil général ;

- la délibération a été prise en méconnaissance de l'accomplissement des formalités et procédures auxquelles était assujettie l'abrogation de la délibération du 8 septembre 2006 et la remise en cause du projet de vente ;

- l'intérêt public local ne pouvait justifier que la commission permanente du conseil général des Ardennes abroge l'autorisation de lui céder des terrains afin qu'elle y implante un site de stockage d'artifices de divertissement ; son projet était compatible avec celui du développement du domaine des Poursaudes ; le commissaire-enquêteur, désigné dans le cadre de l'enquête publique ouverte par arrêté du 17 octobre 2007 du préfet des Ardennes, a admis " que l'implantation du site ne risque pas de nuire au maintien et au développement de l'activité touristique à proximité " ; il a émis un avis favorable ; les servitudes d'utilité publique définies par le préfet par arrêté du 18 décembre 2008 n'empêchaient pas le développement du domaine des Poursaudes ; le département des Ardennes connaissait les deux projets quand il a décidé de lui vendre les terrains ; au surplus, le projet porté par la société Paulmar Invest n'a aucune chance de voir le jour ;

- elle possédait les autorisations préfectorales pour exercer son activité ; par arrêtés du 19 décembre 2008, le préfet des Ardennes les lui a délivrées ; elle n'est pas responsable de leur caducité ; en tout état de cause, elle peut obtenir de nouvelles autorisations ;

- la commission permanente et le président du conseil général ont commis une erreur de droit en ne respectant pas la hiérarchie des normes juridiques entre la commission permanente, d'une part, et les pouvoirs du président du conseil général qui a régularisé l'acte de vente, d'autre part ;

- il y a lieu pour la cour d'enjoindre au département des Ardennes de régulariser la vente des terrains avec elle ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu, enregistré le 14 mars 2014, le mémoire en défense, présenté pour le département des Ardennes, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la société Euro Bengale Organisation la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la société Euro Bengale Organisation ne demande que l'annulation du rejet de son recours gracieux ; les moyens soulevés à l'appui de la délibération du 13 janvier 2012 sont donc inopérants ;

- la commission permanente disposait d'une délégation du conseil général en date du 29 avril 2011 qui lui avait été consentie conformément aux dispositions de l'article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales ; la commission permanente et le président du conseil général n'ont pas méconnu la hiérarchie des normes juridiques entre la commission permanente, d'une part, et les pouvoirs du président du conseil général, d'autre part ;

- les autorisations préfectorales délivrées à la société Euro Bengale Organisation sont désormais caduques ; de plus, l'estimation réalisée en 2006 par les services fiscaux quant au prix de vente des terrains n'est plus pertinente ;

- l'intérêt public local commande de ne plus permettre l'implantation d'un site de stockage de feux d'artifice dans cette zone ; un projet de développement du golf des Poursaudes, situé à proximité, a été engagé à compter de 2009 ; même si la société Paulmar Invest n'a pu mener à bien son projet, le département poursuit le développement touristique du secteur ; il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt général ;

- le conseil général des Ardennes a proposé à la société appelante d'autres terrains lui permettant d'implanter son site de stockage ;

- en tout état de cause, la cour ne peut faire usage de ses pouvoirs d'injonction ; un autre projet de développement local est en cours ; le rétablissement de la situation initiale porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; par ailleurs, seule l'annulation du rejet du recours gracieux étant sollicitée, les conclusions à fins d'injonction seront rejetées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Mokhtar, avocat du département des Ardennes ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 juin 2014, présentée pour la société Euro Bengale Organisation ;

1. Considérant que, par délibération du 8 septembre 2006, la commission permanente du conseil général des Ardennes a autorisé son président à vendre à la société Euro Bengale, entreprise spécialisée dans les feux d'artifice, un terrain de 25 hectares sis à Singly et appartenant au domaine privé du département ; que la société a obtenu le 19 décembre 2008 du préfet des Ardennes l'autorisation d'y établir une installation classée de stockage de feux d'artifice ; que, cependant, le département n'a pas donné suite au compromis de vente signé le 9 janvier 2007 et les tribunaux judiciaires, en dernier lieu la Cour de cassation le 20 octobre 2011, ont constaté la nullité de ce compromis et rejeté les demandes de la société Euro Bengale ; que, par la délibération litigieuse du 13 janvier 2012, la commission permanente du conseil général des Ardennes a abrogé la délibération du 8 septembre 2006 ;

Sur la légalité de la délibération de la commission permanente du conseil général des Ardennes du 13 janvier 2012 et du rejet du recours gracieux dirigé contre cette délibération :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Ardennes ;

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3121-8 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil général établit son règlement intérieur dans le mois qui suit son renouvellement. Le règlement intérieur peut être déféré devant le tribunal administratif " ; qu'aux termes de l'article L. 3211-2 du même code : " Le conseil général peut déléguer une partie de ses attributions à la commission permanente, à l'exception de celles visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15 ", lesquels portent sur l'adoption du budget et des comptes, l'arrêté des comptes, la transmission du compte administratif au représentant de l'Etat, l'adoption de mesures de redressement en cas d'exécution en déficit du budget et l'inscription au budget de dépenses obligatoires ; qu'eu égard tant à son objet, qui est d'assurer la continuité des fonctions de l'organe délibérant du département, qu'à sa portée, qui ne dessaisit pas le conseil général de ses attributions, la délégation ainsi prévue permet au conseil général d'habiliter la commission permanente à statuer sur toute affaire étrangère aux attributions visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15 ;

3. Considérant que, par délibération du 29 avril 2011, le conseil général des Ardennes a adopté son règlement intérieur ; qu'aux termes de l'article 9 dudit règlement : " (...) La commission permanente reçoit délégation notamment pour : (...) 12°) Statuer sur les locations, achats, ventes, aliénations, mise à disposition à titre gratuit ou onéreux ou modifications de statut des biens départementaux immeubles ou meubles (...) " ; que, la délibération litigieuse du 13 janvier 2012 statuant sur la vente de biens départementaux, la commission permanente était compétente pour l'adopter ;

4. Considérant, d'autre part, que si la SARL Euro Bengale Organisation prétend que la décision de la commission permanente du conseil général des Ardennes du 13 janvier 2012 aurait dû être suivie d'une décision du président du conseil général des Ardennes et que " la décision a été prise en méconnaissance de l'accomplissement des formalités et procédures auxquelles était assujettie l'abrogation de la délibération du 8 septembre 2006 et la remise en cause du projet de vente ", elle n'assortit pas ces moyens de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétence que la loi lui attribue (...) " ;

6. Considérant que début 2010, le département des Ardennes a signé avec la SARL Paulmar Invest un compromis pour la vente du domaine des Poursaudes situé à proximité immédiate des terrains litigieux, sur le territoire de la commune de Villers-le-Tilleul, et comprenant un golf de 68 ha, une ferme et des terrains en nature de pâtures d'une superficie de presque 40 hectares ; que la SARL Paulmar Invest avait un projet d'exploitation du golf existant et d'aménagement de la zone afin de créer un pôle touristique et sportif conduisant à la construction d'importantes capacités d'hébergement de diverses natures ; que quand bien même les terrains d'assiette des constructions envisagées, notamment des villas, étaient extérieurs aux zones frappées de servitudes d'utilité publique en application de l'arrêté du préfet des Ardennes en date du 19 décembre 2008 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 515-8 du code de l'environnement, la présence d'un site de stockage d'artifices de divertissement d'une capacité maximale de 182 tonnes, installation classée pour la protection de l'environnement référencée au n° 1311 de la nomenclature, dont l'exploitation est soumise à autorisation, à proximité immédiate du projet de la SARL Paulmar Invest constituait un inconvénient majeur pour la réussite de ce dernier, quand bien même le commissaire-enquêteur, désigné dans le cadre de l'enquête publique ouverte par arrêté du 17 octobre 2007 par le préfet des Ardennes, avait admis leur possible coexistence dans son rapport daté du 11 janvier 2008 ; que, par suite, la commission permanente a pu, le 13 janvier 2012, sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'intérêt général, décider de privilégier le projet de développement touristique et sportif et abroger la délibération du 8 septembre 2006 décidant la vente des terrains à la SARL Euro Bengale Organisation ; que la circonstance que, postérieurement à cette décision, le projet de la société Paulmar Invest ait été au moins momentanément abandonné est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

7. Considérant, d'autre part, que si la SARL Euro Bengale Organisation soutient que la décision litigieuse est entachée d'illégalité en ce qu'elle serait fondée, en application des dispositions de l'article R. 512-74 du code de l'environnement, sur la caducité des autorisations que lui a délivrées le préfet des Ardennes par arrêtés du 19 décembre 2008, un tel moyen, à le supposer fondé, n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la délibération attaquée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la commission permanente du conseil général du département des Ardennes aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'intérêt général local ;

8. Considérant, enfin, que si la SARL Euro Bengale Organisation soutient que " la commission permanente et le président du conseil général ont commis une erreur de droit en ne respectant pas la hiérarchie des normes juridiques entre la commission permanente d'une part et les pouvoirs du président du conseil général qui a régularisé l'acte de vente d'autre part ", elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Euro Bengale Organisation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; que le présent arrêt n'impose aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Euro Bengale Organisation doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Ardennes, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Euro Bengale Organisation au titre des frais qu'elle a exposés au cours de la présente instance ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Euro Bengale Organisation la somme que le département des Ardennes demande au titre des frais qu'il a exposés pour se défendre devant la cour ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Euro Bengale Organisation est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Ardennes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Bengale Organisation et au département des Ardennes.

''

''

''

''

2

13NC01638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01638
Date de la décision : 03/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine privé - Régime.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle restreint.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-07-03;13nc01638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award