Vu la décision n° 351605 du 25 juillet 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie et des finances, annulé les articles 1 à 3 de l'arrêt n° 10NC01290 de la Cour administrative d'appel de Nancy en date du 23 juin 2011 statuant sur la requête de M.B..., et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la Cour ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 août 2010, et les mémoires complémentaires enregistrés les 24 janvier et 23 mai 2011, présentés pour M. A...B...demeurant..., par MeC...;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702458 en date du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 59 495 euros, qu'il avait acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 mai 2007 ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le délai de réclamation prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales méconnait l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, le délai de contestation prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne peut lui être opposé dès lors qu'il n'est pas mentionné sur les formulaires de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a souscrits ;
- le refus d'exonérer les ostéopathes sans tenir compte de la qualité des soins prodigués méconnait l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 et le principe de neutralité fiscale ;
- postérieurement à la période en litige, il a obtenu le droit d'user définitivement du titre d'ostéopathe ;
- les soins qu'il prodigue étant d'une qualité identique en ostéopathie à ceux pratiqués par un médecin ou un masseur kinésithérapeute, il devait être exonéré de TVA pour l'ensemble de la période en litige ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2011, complété par un mémoire enregistré le 17 mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- M. B...ayant présenté sa réclamation le 23 mai 2007, sa demande portant sur les années 2002 à 2004 était tardive ;
- les dispositions de l'article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé sont sans influence en matière fiscale ;
- la reconnaissance de l'ostéopathie par la loi ne lui confère pas le caractère d'une profession médicale ou paramédicale réglementée ;
- le requérant ne démontre pas que les actes qu'il a pratiqués étaient équivalents à ceux d'un médecin au cours de la période en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n°77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 :
- le rapport de Mme Bonifacj, président,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B..., qui exerce l'activité d'ostéopathe, a demandé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 23 mai 2007, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que par un arrêt du 23 juin 2011, la Cour de céans a partiellement fait droit à la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 juillet 2010 qui avait rejeté sa demande, et lui a accordé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 mai 2007 ; que, par une décision n° 351605 du 25 juillet 2013, le Conseil d'Etat a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie et des finances, annulé les articles 1 à 3 de l'arrêt de la Cour n° 10NC01290 du 23 juin 2011 et lui a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
4. Considérant, toutefois, que conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;
6. Considérant que le décret n°2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret n°2007-437 du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; qu'ainsi, durant la période du 1er janvier 2006 au 27 mars 2007, les actes d'ostéopathie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les masseurs-kinésithérapeutes, en vertu de la réglementation de leur profession, notamment des articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique, tandis que durant la période du 28 mars 2007 au 23 mai 2007, le décret n°2007-435 mentionné ci-dessus interdisait certains actes d'ostéopathie aux praticiens justifiant d'un titre d'ostéopathe et en soumettait d'autres à un diagnostic médical préalable ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour obtenir la restitution partielle des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés sur ses prestations d'ostéopathie, pour la période antérieure au 28 mars 2007, M. B... doit démonter qu'il disposait, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies selon le cas par un médecin ou par un masseur-kinésithérapeute ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance que l'intéressé a pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret n 2007-435 du 25 mars 2007 en vue d'autoriser l'usage du titre professionnel d'ostéopathe par les praticiens en exercice à la date de publication de ce décret ;
7. Considérant qu'il appartient, dès lors, à M. B..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;
8. Considérant que M. B... se borne à se prévaloir de la formation suivie dans une école d'ostéopathie, de la délivrance, à la suite de cette formation d'un diplôme en d'ostéopathie, de l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe qui lui a été délivrée ; qu'il n'a toutefois produit aucun élément relatif à sa pratique professionnelle de nature à apprécier la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été pour la période en litige ; qu'ainsi l'intéressé n'établit pas que ces actes d'ostéopathie auraient pu être considérés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués, selon le cas, par un médecin ou par un masseur-kinésithérapeute pratiquant l'ostéopathie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, les moyens tirés de la violation du principe de neutralité fiscale, de l'article 13 de la directive et des objectifs définis par ledit article ne peuvent qu'être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 mai 2007 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 13NC01604