Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 août 2010, complétée par un mémoire enregistré le 24 janvier 2011, présentée pour M. Hervé A demeurant ... par Me Planchat, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702458 en date du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 59 495 euros qu'il avait acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 à sa réclamation en date du 23 mai 2007 ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajouté relative à la période allant du 1 janvier 2002 au 31 décembre 2005 :
- que l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'oppose à ce que le droit à restitution de la taxe sur la valeur ajoutée indûment perçue soit limité par le délai de réclamation prévu par l'article R. 196-1du livre des procédures fiscales, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée en litige constitue une créance dont il dispose et qui constitue un droit substantiel né du droit communautaire ;
- qu'en vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, le délai de contestation prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne peut lui être opposé dès lors qu'il n'est pas mentionné sur les formulaires de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a souscrits ;
En ce qui concerne l'ensemble de la période en litige :
- que l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive et le principe de neutralité fiscale sont méconnus, dès lors que la législation française et l'administration devaient tenir compte de la qualité des soins qu'il prodiguait au regard de la formation qu'il avait suivie en ostéopathie, laquelle était d'un niveau équivalent à celle des médecins et masseurs kinésithérapeutes titulaires, ainsi que le démontrent les circonstances que la loi ait ultérieurement reconnu la profession d'ostéopathe et qu'il ait, en application de cette loi, obtenu le droit d'user définitivement du titre d'ostéopathe ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2011, complété par mémoire enregistré le 17 mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la sixième directive n° 77-388 CEE du Conseil du 17 mai 1977 alors en vigueur ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le décret n° 81-539 du 12 mai 1981;
Vu le décret n° 93-345 du 15 mars 1993 ;
Vu le décret n° 2002-194 du 11 février 2002 ;
Vu le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 ;
Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;
Vu le décret n°° 2007-734 du 25 mars 2007 ;
Vu l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2011 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée versée au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative: Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; que les formulaires de déclarations de taxe sur la valeur ajouté ne sont pas des décisions ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les délais de recours ne lui étaient pas opposables faute d'avoir été mentionnés sur les formulaires de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a souscrits ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions et amendes ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes des stipulations de l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne fait pas obstacle au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que, dans ces conditions, l'existence d'un délai de réclamation ne porte pas, en elle-même, une atteinte disproportionnée au respect des biens du contribuable au sens de cet article ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 23 mai 2007 à laquelle M. A a demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée spontanément acquittée, le délai prévu au b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales était expiré en ce qui concerne la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 ; qu'ainsi, la réclamation par laquelle l'intéressé avait demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée était à cet égard tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée acquittée pendant la période du 1er janvier 2006 au 23 mai 2007 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Lorsqu'ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d 'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ; qu'il en est ainsi en l'espèce, dès lors que M. A a spontanément soumis les prestations qu'il a dispensées en qualité d'ostéopathe à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 dont les dispositions sont reprises à l'article 132 paragraphe 1 de la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2006 : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par les articles13, A paragraphe 1 et 132, paragraphe 1, sous c) précités des directives susmentionnées, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, les directives renvoient à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les directives susmentionnée serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
Considérant que l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît l'usage professionnel du titre d'ostéopathe aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique en la matière ; qu'il prévoit que les praticiens en exercice à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe dans les conditions qu'il définit et qui seront précisées par décret ; que deux décrets en date du 25 mars 2007 ont été pris pour l'application de ces dispositions législatives, l'un relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, l'autre relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ; que le premier décret, relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, énonce les conditions dans lesquelles peut être délivrée l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe ; qu'il dispose, en son 4, que : L'usage professionnel du titre d'ostéopathe est réservé : (...) 3° Aux titulaires d'une autorisation d'exercice de l'ostéopathie ou d'user du titre d'ostéopathe délivrée par l'autorité administrative en application des articles 9 ou 16 du présent décret ; que l'article 16 du même décret dispose : A titre transitoire et par dérogation aux dispositions de l'article 4, l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe est délivrée après avis de la commission mentionnée au II : 1° Par le préfet de région du lieu d'exercice de leur activité, aux praticiens en exercice à la date de publication du présent décret justifiant de conditions de formation équivalentes à celles prévues à l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 visé ci-dessus ou attestant d'une expérience professionnelle dans le domaine de l'ostéopathie d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années. Si aucune de ces deux conditions n'est remplie, la commission peut proposer des dispenses de formation en fonction de la formation initialement suivie ; que le second décret prévoit que : Le diplôme d'ostéopathe est délivré aux personnes ayant suivi une formation d'au moins 2 660 heures ou trois années comportant 1 435 heures d'enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie et 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie (...). Le contenu et la durée des unités de formation ainsi que les modalités de leur validation sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Le diplôme est délivré par les établissements agréés mentionnés aux articles 5 à 7 du présent décret ou par l'un des établissements universitaires mentionnés à l'article 9 ; que ces dispositions doivent être regardées, au regard du présent litige, comme définissant les conditions devant être remplies par les personnes pratiquant des actes d'ostéopathie pour que ces actes soient regardés comme accomplis avec des garanties équivalentes à celles constatées pour des actes de même nature accomplis par des médecins ou masseurs-kinésithérapeutes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a suivi un enseignement d'ostéopathie à l'European school osteopathy de Maidsone au Royaume Unis qui lui a délivré un diplôme d'ostéopathie en juillet 2000 ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par l'administration que cette formation, sanctionnée par la délivrance de ce diplôme, était équivalente à celle exigée par le décret susmentionné du 25 mars 2007, l'intéressé ayant d'ailleurs reçu l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe par décision du préfet de la région Champagne Ardenne le 25 avril 2008 ; qu'il suit de là que les actes accomplis par M. A pendant la période en litige, alors que son activité n'était pas encore réglementée, étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été dès lors exonérés, sans que le ministre puisse utilement faire valoir dans ces conditions que le requérant n'apporterait pas la preuve qu'il s'est abstenu d'accomplir des actes d'ostéopathie aujourd'hui interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes portant sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période allant du 1er janvier 2006 au 23 mai 2007 ;
Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à M. A au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. A pendant la période du 1er janvier 2006 au 23 mai 2007 lui seront restitués.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 8 juillet 2010 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.
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10NC01290