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07/11/2013 | FRANCE | N°12NC01004

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 12NC01004


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, complétée par mémoire enregistré le 23 mai 2013, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par la SCP d'avocats Ledoux-Ferri-Yahiaoui-Riou ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900783-0901607 du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a, au nom de l'Etat, ordonné l'interruption des travaux de construction engagés sur la p

arcelle cadastrée AB 168-332-360, située rue Mercier et, d'autre part, à l'ind...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, complétée par mémoire enregistré le 23 mai 2013, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par la SCP d'avocats Ledoux-Ferri-Yahiaoui-Riou ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900783-0901607 du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a, au nom de l'Etat, ordonné l'interruption des travaux de construction engagés sur la parcelle cadastrée AB 168-332-360, située rue Mercier et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices générés par le retard à réaliser leur projet de construction ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a, au nom de l'Etat, ordonné l'interruption des travaux de construction engagés sur la parcelle cadastrée AB 168-332-360, située rue Mercier ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 40 000 euros en réparation des différents préjudices générés par le retard occasionné à la réalisation de leur projet ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ; il ne vise pas précisément le procès-verbal relevant une des infractions prévue à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme ; le tribunal n'a pu écarter ce moyen comme étant inopérant, le maire n'étant pas en situation de compétence liée ;

- l'arrêté du 27 février 2009 n'est pas légalement fondé ; ils n'avaient pas entrepris des travaux de construction de leur maison d'habitation ; ils se sont bornés à apposer un panneau d'affichage sur leur terrain ; or, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, les infractions relatives à l'affichage des permis ne peuvent justifier un arrêté ordonnant l'interruption des travaux ; un constat d'huissier établit qu'aucun commencement de travaux n'a été entrepris ;

- l'arrêté querellé ne pouvait intervenir alors qu'ils étaient titulaires d'un permis de construire tacite depuis le 28 septembre 2008 ; aucune demande de pièces complémentaires ne leur a été adressée suite au dépôt de la demande de permis de construire n° 0821 208 A 007 ; les demandes de pièces manquantes, qui leur ont été adressées le 23 août 2008, ne concernaient pas cette demande de permis ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il ne leur appartient pas de démontrer qu'une demande de pièces complémentaires ne leur aurait pas été adressée ; d'ailleurs, le maire d'Harcy ne leur a pas indiqué que leur demande de permis était incomplète lorsqu'ils ont sollicité, le 29 octobre 2008, la délivrance d'un certificat attestant l'acquisition d'un permis de construire tacite ; au surplus, la demande de pièces complémentaires n'était pas justifiée, soit que ces dernières aient déjà été produites, soit qu'elles ne faisaient pas partie de la liste des pièces à joindre à une demande de permis ;

- l'arrêté du 27 février 2009 est illégal et fautif ; la réalisation du projet de construction a été retardée de plusieurs années ; il en est résulté un préjudice matériel, un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence qui seront justement indemnisés en condamnant l'Etat à leur payer une somme de 40 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 18 avril 2013, le mémoire en défense présenté pour le ministre de l'égalité des territoires et du logement, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les appelants ne peuvent se prévaloir d'un permis de construire tacite qui serait intervenu le 27 septembre 2008 ; ils n'ont pas produit les pièces complémentaires sollicitées par l'administration le 22 août 2008 en application du b) de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ; en vertu de l'article R. 423-39 du même code, les appelants se sont vus opposer un refus tacite ; à supposer que l'enveloppe qui leur a été adressée le 22 août 2008 ne contenait pas la demande de pièces complémentaires, il leur appartenait d'accomplir les diligences pour connaître le contenu du pli ;

- l'arrêté est fondé sur la réalisation de travaux en l'absence d'autorisation de construire et non sur une infraction aux formalités d'affichage de l'autorisation d'urbanisme ;

- le tribunal a jugé, à bon droit, que le maire d'Harcy était en situation de compétence liée dès lors qu'il s'est borné à constater que la construction en cours n'avait pas fait l'objet d'une délivrance d'autorisation de construire ;

- les appelants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat dès lors que l'arrêté litigieux du 27 février 2009 du maire d'Harcy n'est pas illégal ; à supposer qu'il le soit, les préjudices invoqués par M. et Mme B...ne trouvent leur origine que dans le fait qu'ils ne sont titulaires d'aucune autorisation de construire ; au surplus, les différents chefs de préjudice invoqués ne sont pas justifiés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

Sur la légalité de l'arrêté du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a ordonné l'interruption des travaux :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. (..) / Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) " ;

2. Considérant, d'une part, qu'il est constant que l'arrêté en date du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a ordonné à M. et Mme B...d'interrompre les travaux entrepris sur les parcelles n° AB 168-332-360, située rue Mercier, ne vise pas précisément le procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, et ne répond pas aux exigences de motivation prévues par les dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du même code ; que, d'autre part, il ressort des termes mêmes dudit arrêté, que pour l'adopter, le maire d'Harcy ne s'est pas borné à constater que les appelants ne disposaient pas d'une autorisation de construire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme mais a porté une appréciation sur les faits de l'espèce, contestée par les requérants, pour savoir si les travaux avaient commencé sur les parcelles sus-indiquées à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été adopté et si les époux B...étaient ou non titulaires, à cette même date, d'un permis de construire tacite ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le maire ne se trouvait pas, pour prescrire l'interruption des travaux, en situation de compétence liée, et le moyen tiré du vice de forme dont est entachée l'arrêté du 27 février 2009 n'était pas juridiquement inopérant ; que dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux, qui est fondé, doit être accueilli ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des trois constats d'huissier établis les 23 janvier, 4 et 24 mars 2009, produits par M. et MmeB..., qu'à la date où le maire d'Harcy a adopté l'arrêté litigieux, les appelants s'étaient bornés à apposer sur le terrain d'assiette de la future construction, en application des dispositions combinées des article R. 600-2 et R. 424-15 du code l'urbanisme, un panneau d'affichage du permis tacite qu'ils prétendaient avoir obtenu le 28 septembre 2008 ; qu'ainsi, dès lors que l'apposition d'un tel panneau ne vaut pas commencement de travaux au sens des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et qu'aucun commencement de travaux n'était intervenu, le maire d'Harcy n'a pas pu légalement adopter l'arrêté litigieux ;

4. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code l'urbanisme, l'autre moyen soulevé devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, repris à hauteur d'appel et tiré de l'illégalité de l'arrêté du 27 février 2009 du fait de la détention par M. et Mme B...d'un permis de construire tacite en cours de validité, ne paraît pas, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a, au nom de l'Etat, ordonné l'interruption des travaux de construction engagés sur la parcelle cadastrée AB 168-332-360, située rue Mercier ;

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes " ; qu'aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R.423-38 précise : a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B...ont déposé le 28 juillet 2008, parmi plusieurs dizaines d'autres demandes, une demande de permis de construire n° 008 212 08 A007 ; qu'il ressort des pièces du dossier, que par courrier recommandé daté du 22 août 2008, dont il a été accusé réception le lendemain, le directeur départemental de l'équipement des Ardennes a demandé aux appelants de produire des pièces manquantes dans le dossier de demande de permis de construire ; que tant la demande de permis en cause que les pièces complémentaires à fournir, en l'espèce " l'avis favorable du SPANC ou du maire autorisant l'ensemble septique " et le " projet complet en quatre exemplaires avec signature et cachet de l'auteur du projet (architecte) ", étaient clairement identifiées conformément aux dispositions précitées de l'article R. 423-38 du code l'urbanisme ; que si M. et Mme B...soutiennent que la demande de justifications concernant la demande n° 008 212 08 A007 n'était pas au nombre de celles qu'ils ont réceptionnées le 23 août 2008, ils n'en rapportent pas la preuve, alors d'ailleurs qu'ils en produisent eux-mêmes la copie ; que la circonstance que le maire d'Harcy n'ait pas répondu à leur demande datée du 29 octobre 2008 de délivrance d'un certificat attestant l'acquisition d'un permis de construire tacite est sans influence sur l'existence alléguée de ce permis de construire tacite dès lors qu'au surplus, les appelants ont été informés par courrier daté du 27 janvier 2009 du directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture des Ardennes qu'à défaut d'avoir répondu à la demande de l'administration, ils ne détenaient pas de permis de construire tacite ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., les pièces complémentaires demandées faisaient partie de la liste des pièces à joindre à une demande de permis de construire ; que s'ils allèguent qu'elles avaient été produites lors du dépôt de la demande, ils n'assortissent pas leur assertion de précisions ; que, par suite, M. et Mme B...n'ayant pas apporté de réponse à la demande de production de pièces manquantes reçue le 23 août 2008 et formée en application des dispositions de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme, leur demande a fait l'objet d'une décision tacite de rejet en application de l'article R. 423-39 du même code ; qu'ils avaient d'ailleurs été avertis des effets de leur silence par le courrier du 22 août 2008 ; qu'ainsi, ils ne peuvent soutenir qu'ils disposaient d'une autorisation de construire tacite à compter du 28 septembre 2008 ; qu'il s'ensuit, que quand bien même l'arrêté du 27 février 2009 est entaché d'illégalité, les préjudices qu'invoquent M. et Mme B...et qui sont liés au retard à réaliser leur projet de construction trouvent leur origine dans l'absence du permis de construire dont ils prétendent à tort être titulaires et non dans l'arrêté interruptif de travaux ; que, dès lors, les appelants ne sont pas fondés à demander à être indemnisés ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande indemnitaire ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'ils ont exposés dans la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 avril 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions d'annulation formées par M. et MmeB....

Article 2 : L'arrêté en date du 27 février 2009 par lequel le maire d'Harcy a, au nom de l'Etat, ordonné l'interruption des travaux de construction engagés par M. et Mme B...sur la parcelle cadastrée AB 168-332-360, située rue Mercier est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.

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