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03/10/2013 | FRANCE | N°11NC01880

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 octobre 2013, 11NC01880


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 novembre 2011, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Cosich, avocat ;

M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000127 en date du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 1

9 261 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à une somme de 3 000 euros au titre de l'a...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 novembre 2011, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Cosich, avocat ;

M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000127 en date du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 19 261 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que si la Cour n'est pas tenue de surseoir à statuer, une bonne administration de la justice le justifie en l'espèce, compte tenu des nombreuses approximations dans les constatations opérées par l'administration fiscale, révélées par les procédures pénales en cours ;

- que la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle se réfère aux propositions de rectification adressées aux SEP, qui ne sont pas assorties de pièces justificatives et ne sont pas suffisamment motivées pour avoir valeur probante dans les instances civiles et commerciales ;

- que c'est à tort que l'administration fiscale retient que la société SGI n'a présenté aucun élément permettant d'établir l'existence matérielle du bien, la réalité de la livraison et la réalité du prix demandé ; qu'en effet, contrairement aux dires de l'administration, la société SGI a présenté, pour chacun des investissements effectués, la facture du fournisseur, le procès verbal de réception et le contrat de location ; que l'existence de ces documents permet de présumer l'existence matérielle du bien et la réalité de sa livraison ; que, sur la réalité du prix, l'administration fiscale ne peut ignorer le fonctionnement du mécanisme de défiscalisation ; que le matériel investi par les SEP Palmier 2 et 3 a été livré et exploité ;

- que le principe général du droit communautaire de proportionnalité, qui s'applique en l'espèce contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, s'oppose à ce que l'administration leur applique des redressements, alors qu'elle inflige aux autres intervenants des amendes qui lui permettent d'obtenir plusieurs fois le remboursement des réductions d'impôt accordées, que ces amendes sont telles que les autres intervenants ne seront pas en mesure de restituer leurs apports aux investisseurs, qui ont subi un préjudice en raison de la fraude de tiers et dont la sécurité n'est en conséquence pas correctement assurée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la Cour n'est pas tenue de surseoir à statuer ;

- que la proposition de rectification est suffisamment motivée en droit comme en fait et comporte en annexe l'ensemble des pièces de nature à permettre la présentation d'observations de manière utile ;

- qu'il est établi que les investissements des SEP Palmier 1 à 5 sont fictifs ; que la société SGI a d'ailleurs reconnu l'existence d'infractions, à savoir l'absence de livraison des matériels facturés ou parfois une surfacturation de leur prix ;

- que le contribuable n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance par l'administration du principe général du droit communautaire de proportionnalité à l'encontre de cotisations de taxe professionnelle uniquement régies par la loi fiscale interne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2013 :

- le rapport de M. Commenville, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) SGI, qui a son siège à La Réunion et a pour objet de permettre à des particuliers de bénéficier des avantages fiscaux instaurés par le code général des impôts en faveur des investissements réalisés Outre-mer, a créé de nombreuses sociétés en participation (SEP) dont elle assurait la gestion ; que chaque SEP était chargée de la réalisation d'une opération et devait acheter à un fournisseur un matériel qu'elle devait ensuite louer à un artisan ou entrepreneur dans des conditions ouvrant droit aux avantages instaurés par les articles 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies du code général des impôts ; que M. et MmeA..., qui ont apporté des fonds aux SEP Palmier 1, 2, 3, 4 et 5, dont ils sont devenus associés, ont bénéficié des réductions d'impôt correspondant à leurs investissements dans ces SEP ; que, toutefois, l'administration a remis en cause ces avantages fiscaux au motif que les opérations réalisées par ces SEP ne remplissaient pas, en réalité, les conditions exigées par les articles susmentionnés du code général des impôts ; que les requérants interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires établies par l'administration de ce chef ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation...." ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 18 avril 2007 adressée à M. et MmeA..., précise de façon détaillée les règles de droit applicables, la nature, le montant et les motifs des redressements établis à la suite de la vérification de la comptabilité des SEP Palmier 1, 2, 3, 4 et 5, dont les contribuables détiennent des parts ; qu'elle fait en outre notamment référence aux propositions de rectification adressées à cette société ainsi qu'aux fournisseurs et locataires du bien concerné, qui indiquent précisément les faits, les motifs et la nature des redressements à l'origine des litiges et dont les extraits pertinents sont joints en annexe ; qu'ainsi, les contribuables ont été mis à même de présenter de manière entièrement utile leurs observations ; que, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui n'exigent pas que l'administration joigne aux propositions de rectification les pièces qu'elle a utilisées pour établir les redressements, doit être rejeté ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. Considérant, en premier lieu, que l'article 199 undecies B du code général des impôts prévoit que la réduction d'impôt qu'il instaure est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : "La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit bail " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions spécifiques que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans le département ou territoire d'outre-mer concerné ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SGI n'a pas été en mesure, lors du contrôle opéré par l'administration, de démontrer la matérialité de la livraison des biens acquis par les SEP Palmier 1 à 5 ; qu'il ressort de la plainte avec constitution de partie civile, déposée devant le Tribunal de Grande instance de la Réunion, que la société SGI a reconnu les infractions reprochées par l'administration et notamment l'inexistence de l'ensemble des matériels de boulangerie industrielle achetés par les SEP Palmier 1, 2, 3, 4 et 5 pour les donner en location ; que si l'un des locataires des matériels acquis par les SEP Palmier 2 et 3 fait valoir qu'ils ont été livrés par la Société Clima Run, il résulte pourtant des contrôles effectués sur place par l'administration que la boulangerie de ce locataire n'existait pas ; que les requérants ne produisent par ailleurs aucune pièce permettant d'établir l'existence des matériels supposément achetés et livrés ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration s'est fondée sur ces motifs pour estimer que les investissements n'avaient pas été réalisés en 2004 et n'ouvraient pas droit à réduction d'impôt au titre de cette année ;

6. Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent qu'en remettant en cause, du fait d'agissements réalisés à leur insu, les avantages fiscaux qu'ils ont obtenus sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, alors qu'ils sont de bonne foi, l'administration a méconnu le principe communautaire de proportionnalité ; que, selon ce principe, les Etats membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d'atteindre efficacement l'objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation communautaire en cause ; que, toutefois, ce principe, qui fait partie des principes généraux de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que lorsque la situation dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les avantages en litige ne sont pas établis dans le cadre des pouvoirs que les directives communautaires confèrent aux Etats membres et qu'aucune violation d'une liberté instaurée par le traité CE n'est invoquée ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce principe ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à l'issue des procédures pénales, que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme A...la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.

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11NC01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NC01880
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Bernard COMMENVILLE
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : COSICH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-10-03;11nc01880 ?
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