La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2013 | FRANCE | N°12NC01517

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 06 mai 2013, 12NC01517


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant ...par Me Kere, avocat ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100699 du 26 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2011 par lequel le maire de la commune de Jarville-la-Malgrange a ordonné l'évacuation des déchets de nature alimentaire entreposés dans son logement situé dans cette commune au 22, rue Léo Delibes, ainsi que la suppression de tous les branchements

lectriques de nature à représenter un risque d'incendie et a interdit l...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant ...par Me Kere, avocat ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100699 du 26 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2011 par lequel le maire de la commune de Jarville-la-Malgrange a ordonné l'évacuation des déchets de nature alimentaire entreposés dans son logement situé dans cette commune au 22, rue Léo Delibes, ainsi que la suppression de tous les branchements électriques de nature à représenter un risque d'incendie et a interdit le temps de la réalisation de ces mesures l'habitation de ce logement, d'autre part, à condamner la commune à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de cet arrêté ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de condamner la commune de Jarville-la-Malgrange à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Jarville-la-Malgrange une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

M. C... soutient que :

- l'arrêté municipal du 1er février 2011 méconnaît l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation interdisant la mise à exécution des procédures d'expulsion entre le 1er novembre et le 15 mars de l'année suivante ;

- il a subi un préjudice moral du fait de la brutalité de l'expulsion dont il a fait l'objet ; ses meubles meublants lui ont été confisqués ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du 30 octobre 2012 par laquelle la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 19 décembre 2012 fixant la clôture de l'instruction le 22 janvier 2013 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2012 présenté pour la commune de Jarville-la-Malgrange, représentée par son maire, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C...de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

- l'arrêté du 1er février 2011 porte interdiction temporaire d'habiter et non pas expulsion ;

- M. C...a été pris en charge après son évacuation de son logement insalubre ; il a récupéré ses meubles ;

Vu la lettre en date du 21 mars 2013 informant les parties que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur des moyens soulevés d'office, tirés, d'une part, de l'incompétence du maire pour édicter l'arrêté du 1er février 2011 en raison de l'existence d'un pouvoir de police spéciale du représentant de l'Etat dans le département et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires qui n'ont pas été précédées d'une demande préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2013, présenté pour M.C..., en réponse au courrier du 21 mars 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2013, présenté pour la commune de Jarville-la-Malgrange, en réponse au courrier du 21 mars 2013, par lequel il est soutenu qu'en raison de l'urgence créée par la menace d'explosion générée par l'accumulation de méthane dans l'habitation de M.C..., le maire était compétent, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, pour prendre l'arrêté attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de santé publique ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2013 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la commune de Jarville-la-Malgrange ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté municipal du 1er février 2011 :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales: " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : [...] 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les troubles de voisinage (...) et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; [...] 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, (...) les pollutions de toute nature, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) " ;

2. Considérant que par un arrêté en date du 1er février 2011, le maire de Jarville-la-Malgrange a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ordonné l'évacuation des déchets de nature alimentaire entreposés dans le logement occupé par M. C...et situé dans cette commune au 22, rue Léo Delibes, ainsi que la suppression de tous les branchements électriques de nature à représenter un risque d'incendie ; que l'article 1er du même arrêté a interdit l'habitation de ce logement le temps de la réalisation de ces mesures ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; 2° Sur les mesures propres à y remédier. [...] Le maire de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, à l'initiative duquel la procédure a été engagée, doit fournir un plan parcellaire de l'immeuble avec l'indication des noms des propriétaires tels qu'ils figurent au fichier immobilier. Lorsque cette initiative a pour objet de faciliter l'assainissement ou l'aménagement d'un îlot ou d'un groupe d'îlots, le projet d'assainissement ou d'aménagement correspondant est également fourni. " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-26-1 du même code : " Lorsque le rapport prévu par l'article L. 1331-26 fait apparaître un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le représentant de l'Etat dans le département met en demeure le propriétaire, ou l'exploitant s'il s'agit de locaux d'hébergement, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. Il peut prononcer une interdiction temporaire d'habiter. / Dans ce cas, ou si l'exécution des mesures prescrites par cette mise en demeure rend les locaux temporairement inhabitables, les dispositions des articles L. 521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation sont applicables. [...] " ; que l'article L 521-3-1 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " [...]II. - Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction définitive d'habiter, ainsi qu'en cas d'évacuation à caractère définitif, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Le propriétaire ou l'exploitant est tenu de verser à l'occupant évincé une indemnité d'un montant égal à trois mois de son nouveau loyer et destinée à couvrir ses frais de réinstallation. / En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le relogement des occupants est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2.[...]. " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3-2 du même code : " II. - Lorsqu'une déclaration d'insalubrité, une mise en demeure ou une injonction prise sur le fondement des articles L. 1331-22, L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-25, L. 1331-26-1 et L. 1331-28 du code de la santé publique est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, le préfet, ou le maire s'il est délégataire de tout ou partie des réservations de logements en application de l'article L. 441-1, prend les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les occupants, sous réserve des dispositions du III./ III. - Lorsque la déclaration d'insalubrité vise un immeuble situé dans une opération programmée d'amélioration de l'habitat prévue par l'article L. 303-1 ou dans une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, la personne publique qui a pris l'initiative de l'opération prend les dispositions nécessaires à l'hébergement ou au relogement des occupants. [...] " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale de la lutte contre l'habitat insalubre confiée à l'Etat habilitant notamment le préfet à prononcer une interdiction temporaire d'habiter dans le cas où l'exécution des mesures prescrites par mise en demeure rend les locaux temporairement inhabitables ; que le prononcé d'une telle mesure d'interdiction temporaire d'habitation emporte obligation pour l'autorité préfectorale de pourvoir au relogement des occupants et de faire cesser la situation de danger ; que, dans ces conditions, s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de la commune de prendre, sur le fondement des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale ainsi confiés par la loi aux autorités de l'Etat, prononcer une interdiction temporaire d'habitation à l'encontre d'un locataire d'un logement insalubre ; qu'en l'absence de tout élément de nature à établir l'existence d'un danger immédiat, notamment lié à un risque d'explosion en raison d'émanations de méthane, le maire était ainsi incompétent pour édicter l'arrêté du 1er février 2011 ordonnant l'évacuation des déchets de nature alimentaire entreposés dans le logement occupé par M.C..., la suppression de tous les branchements électriques et interdisant à M. C...d'occuper temporairement son logement ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) " ;

6. Considérant que M.C..., avant d'introduire son recours, n'a pas fait une demande tendant à l'octroi d'une indemnité ; que dans son mémoire en défense de première instance, la commune n'a conclu au fond qu'à titre subsidiaire après avoir opposé la fin de non-recevoir tirée de l'absence de demande préalable ; que, dès lors, le contentieux n'étant pas lié, les conclusions de M. C...tendant à la condamnation de la commune de Jarville-la-Malgrange à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'arrêté municipal du 1er février 2011 ne sont pas recevables ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Jarville-la-Malgrange du 1er février 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C...qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la commune de Jarville-la-Malgrange la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la commune de Jarville-la-Malgrange la somme que M. C...réclame au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 26 juillet 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. C...tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Jarville-la-Malgrange du 1er février 2011.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Jarville-la-Malgrange du 1er février 2011 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Jarville-la-Malgrange tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à la commune de Jarville-la-Malgrange.

''

''

''

''

2

N° 12NC01517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01517
Date de la décision : 06/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Police générale - Salubrité publique.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-05-06;12nc01517 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award