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30/06/2011 | FRANCE | N°10NC00743

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2011, 10NC00743


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée pour M. Jean-Yves A, demeurant ..., par Me Lévi-Cyferman ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901073 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 5 février 2009, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, ensemble la décision en date du 10 avr

il 2009 rejetant son recours administratif ;

2°) d'enjoindre au préfet de Me...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée pour M. Jean-Yves A, demeurant ..., par Me Lévi-Cyferman ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901073 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 5 février 2009, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, ensemble la décision en date du 10 avril 2009 rejetant son recours administratif ;

2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour comportant une autorisation de travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Lévi-Cyferman, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision contestée portant refus de titre de séjour est motivée de façon stéréotypée, sans analyser de manière personnalisée et circonstanciée sa situation ;

- la décision litigieuse portant refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale qui lui est reconnu par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il est l'aîné d'une fratrie de onze enfants, qu'il porte à ce titre une responsabilité dans l'éducation de ses frères et soeurs, tous de nationalité française, en apportant une aide à sa mère, qui est veuve depuis le décès de son père ;

- la décision querellée fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2010, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 26 mars 2010, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2011 :

- le rapport de M. Luben, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est l'un des aînés d'une fratrie de onze personnes, dont le père, M. Théodore A, est décédé le 26 mai 2008 et dont la mère est Mme Denise B veuve A ; que cette dernière et l'ensemble de ses frères et soeurs sont de nationalité française ; que le requérant produit de nombreuses attestations, notamment de Mme Denise B veuve A, de sa belle-soeur (Mme Mélodie D), de certains de ses frères et soeurs (Mme Sisi A, M. Albert A, Mme Véronique A épouse C), certifiant qu'il fait partie de la fratrie et qu'il a pris en charge, avec Mme Denise B veuve A, ses frères et soeurs cadets après le décès de leur père ; que, par suite, et nonobstant les circonstances qu'il soit arrivé en France à l'âge de 28 ans, le 1er octobre 2008, et n'ait ainsi été présent sur le territoire français que depuis quelques mois à la date de l'arrêté attaqué, qu'il soit demeuré à Madagascar pendant dix ans alors que le reste de sa famille s'était installée en France et que le Tribunal d'instance de Nancy, par un jugement du 6 novembre 2008, lui a refusé la délivrance d'un certificat de nationalité française, la décision attaquée en date du 5 février 2009 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour a porté, dans les circonstances de l'espèce, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ; qu'il s'en suit que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 septembre 2009, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 5 février 2009, ensemble la décision en date du 10 avril 2009 rejetant son recours administratif, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que ledit jugement doit ainsi être annulé et, par voie de conséquence, l'arrêté litigieux en date du 5 février 2009, ensemble la décision en date du 10 avril 2009 rejetant son recours administratif ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

Considérant que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation de la décision attaquée, il y a lieu de prescrire au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai maximum d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant de l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues de l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer de percevoir la somme correspondant de la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement de son profit de la somme allouée par le juge ; qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent dans les conditions prévues par les textes en vigueur de la date de laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés de ces textes (...) ; que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lévi-Cyferman, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me Lévi-Cyferman ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2009 du Tribunal administratif de Nancy et l'arrêté attaqué du 5 février 2009 du préfet de Meurthe-et-Moselle, ensemble la décision du 10 avril 2009 rejetant le recours gracieux de M. A, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale à M. A dans le délai maximum d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 € (mille euros) à Me Lévi-Cyferman, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Yves A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nancy.

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N° 10NC00743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00743
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : LEVI-CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;10nc00743 ?
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