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30/06/2011 | FRANCE | N°10NC00613

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2011, 10NC00613


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2010, complétée par un mémoire enregistré le 2 juin 2011, pour la SOCIETE NUMERICABLE, dont le siège est 10 rue Albert Einstein à Champs-sur-Marne (77120), par Me Feldman ;

La SOCIETE NUMERICABLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902101 en date du 18 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération, en date du 29 mai 2007, par laquelle la commune de Moulins-lès-Metz a prolongé de huit mois la convention du 22 juillet 1987 relative

à la construction, l'entretien et la gestion d'un réseau communautaire de tél...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2010, complétée par un mémoire enregistré le 2 juin 2011, pour la SOCIETE NUMERICABLE, dont le siège est 10 rue Albert Einstein à Champs-sur-Marne (77120), par Me Feldman ;

La SOCIETE NUMERICABLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902101 en date du 18 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération, en date du 29 mai 2007, par laquelle la commune de Moulins-lès-Metz a prolongé de huit mois la convention du 22 juillet 1987 relative à la construction, l'entretien et la gestion d'un réseau communautaire de télédistribution et de radio en modulation de fréquence sur le territoire de la commune de Moulins-lès-Metz ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Moulins-lès-Metz le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

* A titre principal :

- le jugement est irrégulier dès lors que le Tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le principe jurisprudentiel d'interdiction des mesures rétroactives conjugué avec celui de sécurité juridique s'opposait à la résiliation du contrat postérieurement à la date à laquelle la commune aurait pu mettre fin au renouvellement du contrat initial ;

- la convention en litige n'étant pas une délégation de service public, la commune ne pouvait régulièrement mettre fin au contrat au motif de l'illégalité de la clause de tacite reconduction ;

- à supposer que la convention en litige soit une convention de délégation de service public, la commune était tenue en tout état de cause de respecter un délai de prévenance de 6 mois avant le terme contractuel ;

* Subsidiairement :

- c'est à tort que le Tribunal s'est fondé sur l'article 34 de la loi du 9 juillet 2004 pour procéder à la requalification du contrat comme étant constitutif d'une délégation de service public ;

- même en se plaçant sous l'empire de l'article 34 de la loi du 9 juillet 2004, les conditions pour que l'activité soit qualifiée de service public ne sont pas réunies, en particulier la carence de l'initiative privée n'a pas été constatée ;

- au surplus les critères cumulatifs du service public tels que dégagés par le Conseil d'Etat dans l'avis n° 357781 ne sont pas réunis : aucune clause d'exclusivité et le droit d'égal accès au service ne sont pas prévus au contrat ;

- c'est à tort que le Tribunal a jugé que les obligations du concessionnaire étaient assimilables à une délégation de service public : ni l'intérêt général, ni l'occupation du domaine public ne suffisent à qualifier le contrat en litige de délégation de service public ;

- la convention ne constitue qu'une simple occupation du domaine public ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2010, présenté pour la commune de Moulins-lès-Metz, représentée par son maire, par la Selarl Cossalter et De Zolt ;

Elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE NUMERICABLE le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal n'avait pas à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des principes de non rétroactivité et de sécurité juridique dès lors qu'il était inopérant et que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre en date du 10 mai 2011, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance de la SOCIETE NUMERICABLE au motif de sa tardiveté ;

Vu, enregistrées le 18 mai 2011, les observations présentées pour la SOCIETE NUMERICABLE, par Me Feldman, suite au moyen d'ordre public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2011 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Feldman, avocat de la SOCIETE NUMERICABLE, ainsi que celles de Me Cossalter, avocat de la commune de Moulins-lès-Metz ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort du jugement contesté que le Tribunal n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé par la société requérante tiré de ce que le principe jurisprudentiel d'interdiction des mesures rétroactives conjugué avec celui de sécurité juridique s'opposait à la résiliation du contrat postérieurement à la date à laquelle la commune aurait pu mettre fin au renouvellement du contrat initial ; que, par suite, la SOCIETE NUMERICABLE est fondée à soutenir que le jugement qu'elle critique est entaché d'une omission à statuer et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE NUMERICABLE devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant sa validité ; qu'elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure d'exécution ; qu'aucun principe ni aucune disposition, notamment pas les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, qui ne sont pas applicables à un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, n'imposent qu'une mesure d'exécution soit notifiée avec mention des voies et délais de recours pour que ce délai de deux mois commence à courir ;

Considérant que, par une convention en date du 22 juillet 1987 la commune de Moulins-lès-Metz a conclu avec la régie d'études et de gestion Electricité-Télédistribution de Montigny-lès-Metz, à laquelle s'est substituée la société Lorraine-Citévision, devenue TDF câble dont le capital a été repris par France Télécom câble aujourd'hui dénommé Numéricable, une convention dont l'objet est selon les termes de son article 1er la réalisation et la gestion d'un réseau communautaire de télédistribution raccordé sur le réseau communautaire de la ville de Montigny-lès-Metz où est située la station principale de réception et d'émission. ; que l'article 11 de cette convention stipule qu'elle aura une durée de 20 ans et précise qu'à son terme, elle pourra être reconduite tacitement par tranche de 5 années ou dénoncée, la dénonciation devant intervenir avec un préavis de 6 mois par lettre en accusé réception ; que par la délibération en litige en date du 29 mai 2007, le conseil municipal de la commune de Moulins-lès-Metz a décidé, après avoir constaté que ledit contrat arrivait à échéance et que la clause de reconduction tacite ne pouvait plus produire ses effets en raison des nouvelles règles régissant la délégation de service public notamment celles de mise en concurrence, de prolonger cette convention pour une durée de 8 mois à compter du terme ; qu'une telle mesure d'exécution du contrat, modifiant les conditions de son renouvellement, ne peut, en application des principes sus rappelés, être contestée par la SOCIETE NUMERICABLE cocontractante que dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure d'exécution ; qu'il résulte de l'instruction que la délibération litigieuse a été notifiée à la SOCIETE NUMERICABLE par un courrier en date du 31 mai 2007, reçu le 1er juin 2007 ; que le 27 avril 2009, date à laquelle la demande de première instance a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Strasbourg, la société requérante était donc, comme en ont été informés les parties, tardive à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SOCIETE NUMERICABLE tendant à l'annulation de la délibération en date du 29 mai 2007, par laquelle la commune de Moulins-lès-Metz a prolongé de 8 mois la convention du 22 juillet 1987 relative à la construction, l'entretien et la gestion d'un réseau communautaire de télédistribution et de radio en modulation de fréquence sur le territoire de la commune de Moulins-lès-Metz doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Moulins-lès-Metz, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE NUMERICABLE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE NUMERICABLE, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Moulins-lès-Metz ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 18 février 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de la SOCIETE NUMERICABLE est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE NUMERICABLE versera à la commune de Moulins-lès-Metz la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NUMERICABLE et à la commune de Moulins-lès-Metz.

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N° 10NC00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00613
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-08-01 Marchés et contrats administratifs. Règles de procédure contentieuse spéciales. Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;10nc00613 ?
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