Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010, présentée pour M. Severino A, demeurant ..., par la SELAS Michel, Brosseau et associés, avocats ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0901208 du 30 juin 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Nancy a rejeté, comme ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy à lui payer une somme de 222 000 euros en réparation du préjudice que lui a occasionné la décision fautive du maire de cette commune de ne pas signer le contrat de vente du terrain destiné à la construction d'une maison médicale, à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision à intervenir et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de cette commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy à lui payer une somme de 222 000 euros en réparation du préjudice que lui a occasionné la décision fautive du maire de cette commune de ne pas signer le contrat de vente du terrain destiné à la construction d'une maison médicale ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière car le premier juge a dénaturé la demande, la responsabilité contractuelle de la commune n'ayant à aucun moment été recherchée par le requérant, tiers au contrat conclu entre la commune et la société SOCOGIM, mais la responsabilité de la commune du fait de l'inexécution par le maire des décisions prises par les délibérations de son conseil municipal ;
- le juge administratif est compétent en l'espèce pour juger du litige dans lequel est recherchée la responsabilité de la commune du fait du refus de son maire d'exécuter des délibérations de son conseil municipal ;
- le requérant a intérêt à agir ;
- les terrains en cause, qui avaient été désaffectés, ne faisaient plus partie du domaine public mais du domaine privé de la commune ;
- le maire de Vandoeuvre-lès-Nancy était tenu d'exécuter les délibérations du conseil municipal ; il a méconnu en l'espèce l'obligation qui lui incombait au titre des dispositions de l'article L. 2122-21 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- son préjudice, qui doit être évalué à la somme de 222 000 euros, est constitué de la perte de temps consacré à la réalisation du projet de maison médicale, à la circonstance que le requérant a perdu la possibilité de s'installer dans ladite maison médicale et d'y développer son activité et de la perte de chance de pouvoir céder ladite activité à un jeune médecin ;
Vu l'ordonnance et la décision attaquées ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2011, présenté pour la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy, par Me Tadic, avocat, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et, en outre, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. Severino A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 avril 2011 :
- le rapport de M. Luben, président,
- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,
- et les observations de M Conti, élève avocat, en présence de Me Brosseau, maître de stage, pour M. A, ainsi que celles de Me Lombard, avocat de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 3 juillet 2007, le maire de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy a signé avec la société SOCOGIM un compromis de vente d'un terrain d'une superficie de 2 962 mètres carrés et d'un immeuble d'habitation sis 5 rue du Général Frère, appartenant à la commune, sur lequel ladite société avait pour projet la construction d'une maison médicale où devait s'installer le requérant ; qu'à la suite des élections municipales, le nouveau maire de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy a refusé de signer l'acte authentique de vente dudit bien immobilier ; que ladite décision implicite du maire refusant de vendre un terrain appartenant au domaine privé de la commune, qui affecte son périmètre et sa consistance, constitue un acte détachable de la gestion courante du domaine privé de la commune, contesté au demeurant en l'espèce par une personne privée qui a la qualité de tiers par rapport aux parties contractantes, qui ressortit par suite à la compétence du juge administratif ; qu'il s'en suit que c'est à tort que le premier juge a rejeté la demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une délibération du 9 mai 2005, le conseil municipal de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy a adopté à l'unanimité le principe de désaffectation de l'immeuble de logements, du gymnase et des terrains situés aux abords du gymnase et de l'immeuble et a sollicité l'avis du préfet, l'exposé des motifs étant que la ville a construit, à partir des années 1955-1960 sur le terrain cadastré AE n° 45 de 21 145 m² au fur et à mesure de l'accroissement de la population, le groupe scolaire Brossolette, un gymnase, des terrains de sport ainsi qu'un immeuble de trois logements au 5 rue du Général Frère à Vandoeuvre-lès-Nancy. L'immeuble de logements, le gymnase et les terrains situés aux abords du gymnase et devant l'immeuble de logements font partie de la même parcelle cadastrale mais ne se trouvent pas dans l'enceinte scolaire strictement réservée au fonctionnement des écoles maternelles et primaires. L'immeuble de logements a été construit à l'époque pour permettre le logement des instituteurs et compte tenu de l'évolution du statut des enseignants, le rôle de la commune n'est pas de conserver un parc important de logements. ; que, par une seconde délibération du 11 juillet 2005, le conseil municipal de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy, l'Etat ayant émis un avis favorable par courrier du 30 juin 2005 quant au principe de désaffectation, a adopté à la majorité la désaffectation de l'immeuble de logements et du gymnase terrain situé de part et d'autre de l'immeuble. L'immeuble et le terrain, de 2 962 m², situés aux abords, seront vendus, le rôle de la ville n'étant pas de conserver un parc important de logements du fait de l'évolution du statut des enseignants , l'exposé des motifs étant que par délibération n° 30 du 9 mai 2005, la ville a demandé à l'État son avis sur la désaffectation des locaux et terrains ne se trouvant pas dans l'enceinte scolaire strictement réservée au fonctionnement des écoles maternelles et primaires du groupe scolaire Brossolette (parcelle AE n° 45). Par courrier du 30 juin 2005, l'État a émis un avis favorable quant à ces désaffectations. Il convient d'en prendre acte. ;
Considérant que s'il ressort des deux délibérations susmentionnées que le bien immobilier dont s'agit a été désaffecté, aucune décision expresse n'a constaté son déclassement ; que, par suite, ledit bien, qui appartenait au domaine public de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy, ne pouvait être cédé à la société SOCOGIM ; que, dès lors, la décision implicite par laquelle le nouveau maire de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy a refusé de signer l'acte authentique de vente dudit bien immobilier n'est pas fautive et n'est pas ainsi de nature à engager la responsabilité de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le paiement à la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 30 juin 2010 du président du Tribunal administratif de Nancy est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : M. A versera à la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Severino A et à la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy.
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N° 10NC01492