Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2007, complétée par des mémoires enregistrés le 20 avril 2007, le 30 octobre 2008, le 25 juin 2010 et le 19 novembre 2010, présentée pour M. Francis A, demeurant ..., par Me Nedelec, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404248 en date du 1er février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 527 054,46 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait des dégradations d'origine minière dont sa maison d'habitation a fait l'objet ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 527 054,46 euros, correspondant au coût de la reconstruction à neuf de l'immeuble (437 699,12 euros), à la valeur du terrain (50 000 euros), aux troubles de jouissance (24 111,34 euros) et au préjudice moral (15 244 euros), ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jour de sa réclamation adressée au préfet de la Moselle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la formalité de l'adoption préalable d'un arrêté préfectoral constatant le sinistre minier ne peut être exigée pour des sinistres antérieurs à l'adoption de la loi du 30 mars 1999 et du décret du 29 mai 2000, conformément à l'instruction du secrétaire d'Etat à l'industrie du 25 juillet 2000, dont il est fondé à se prévaloir en application de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 ;
- le préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle, a reconnu par arrêté du 26 mars 2007, l'état de sinistre minier de sa maison ;
Vu, enregistré le 5 novembre 2008, le mémoire en défense, complété le 28 septembre 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête par le moyen qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu, enregistré le 9 novembre 2010, le mémoire de production présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;
Vu, enregistré le 22 novembre 2010, le mémoire de production présenté pour M. A ;
Vu l'arrêt n° 07NC00460 du 4 décembre 2008 de la Cour administrative d'appel de Nancy ;
Vu l'arrêt n° 325262 du Conseil d'Etat du 16 avril 2010 annulant l'arrêt n° 07NC00460 et renvoyant l'affaire devant la Cour ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code minier, et notamment son article 75-2 ;
Vu le code des assurances ;
Vu le décret n° 2000-465 du 29 mai 2000 modifié relatif à l'application des articles 75-2 et 75-3 du code minier ;
Vu le décret n° 2004-348 du 22 avril 2004 relatif à l'application de l'article L. 421-17 du code des assurances et modifiant le décret n° 2000-465 du 29 mai 2000 relatif à l'application des articles 75-2 et 75-3 du code minier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :
- le rapport de M. Luben, président,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;
Sur l'indemnisation :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-2 du code minier[l1] : II - Dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou avec une personne physique non professionnelle après l'entrée en vigueur de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail, toute clause exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière est frappée de nullité d'ordre public. Lorsqu'une telle clause a été valablement insérée dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou une personne physique non professionnelle, l'Etat assure dans les meilleurs délais l'indemnisation des dommages matériels directs et substantiels qui n'auraient pas été couverts par une autre contribution et qui ont pour cause déterminante un sinistre minier. Il est subrogé dans les droits des victimes nés de ce sinistre à concurrence des sommes qu'il serait amené à verser en application du présent alinéa. Un sinistre minier se définit, au sens du présent article, comme un affaissement ou un accident miniers soudains, ne trouvant pas son origine dans des causes naturelles et provoquant la ruine d'un ou plusieurs immeubles bâtis ou y occasionnant des dommages dont la réparation équivaut à une reconstruction totale ou partielle. Cet affaissement ou cet accident est constaté par le représentant de l'Etat, qui prononce à cet effet l'état du sinistre minier. ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 29 mai 2000 relatif à l'application des articles 75-2 et 75-3 du code minier : L'état de sinistre minier mentionné au dernier alinéa du II de l'article 75-2 du code minier est constaté par un arrêté du préfet, au vu d'un rapport géotechnique, transmis, avec son avis, par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. Ce rapport atteste de l'existence d'un affaissement ou d'un accident miniers soudains ne trouvant pas son origine dans des causes naturelles, et mentionne le ou les immeubles bâtis ruinés ou endommagés. L'arrêté délimite le périmètre de la zone concernée par le sinistre minier. / L'arrêté fait l'objet d'une mention au Recueil des actes administratifs de la préfecture, d'un affichage pendant un mois dans les mairies des communes concernées par le sinistre minier et d'une publication dans deux journaux diffusés dans le département. (...) La mise en oeuvre du régime d'indemnisation prévu par le deuxième alinéa du II de l'article 75-2 du code minier est subordonnée à l'intervention de l'arrêté préfectoral constatant le sinistre minier. ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Les (...) personnes physiques non professionnelles possédant des immeubles bâtis ou non bâtis situés dans le périmètre de la zone délimitée par l'arrêté préfectoral, grevés d'une clause mentionnée au premier alinéa du II de l'article 75-2 et affectés de dommages dont ils estiment que la cause déterminante est le sinistre minier, adressent à la préfecture une demande d'indemnité, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, dans un délai de trois mois, suivant la plus tardive des dates d'affichage en mairie ou de publicité de l'arrêté préfectoral. / Les intéressés doivent joindre à leur demande les pièces et informations suivantes : / 1. Une copie certifiée conforme de l'acte de mutation immobilière par lequel ils ont acquis l'immeuble endommagé, accompagnée d'un extrait du fichier immobilier délivré par le conservateur des hypothèques ou d'un extrait du feuillet du livre foncier délivré par le tribunal d'instance dans le ressort duquel est situé l'immeuble, permettant d'établir l'origine de propriété ; / 2. Une description détaillée de l'immeuble avant le sinistre et des dommages subis du fait du sinistre ; / 3. Tout document probant sur l'usage de l'immeuble avant le sinistre ; / 4. Une déclaration sur l'honneur indiquant s'ils ont perçu ou s'ils sont susceptibles de percevoir une ou plusieurs contributions ayant le même objet que l'indemnité sollicitée, ainsi que la désignation des personnes qui les leur ont accordées. Dans le même document, ils indiquent si d'autres procédures relatives à l'indemnisation des mêmes dommages sont en cours et ils s'engagent sur l'honneur à reverser, dans la limite de l'indemnité perçue, toute indemnité dont ils pourraient bénéficier au terme de toute procédure en cours ou à venir visant à l'indemnisation de ces dommages. / En cas de demande de renseignements complémentaires faite par le préfet, les demandeurs disposent d'un mois, à compter de la date de réception de la demande, pour y répondre ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : Pour les demandes d'indemnité respectant les conditions mentionnées à l'article 3 du présent décret, le préfet fait procéder, dans le délai d'un mois et aux frais de l'Etat, à une expertise. A cette fin il mandate un ou plusieurs experts compétents en matière immobilière, figurant sur la liste des experts agréés auprès de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé l'immeuble ; ces derniers peuvent se faire assister par des personnes compétentes dans d'autres domaines. / Pour chaque immeuble concerné, les experts ont pour mission : / - de décrire les dommages de toute nature affectant l'immeuble ; / - d'indiquer la ou les causes des dommages et, en cas de pluralité de causes, de dire dans quelle proportion chacune d'elles a contribué à la réalisation des dommages ; / - de chiffrer les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres et rendre l'immeuble conforme à sa destination. / Le préfet fixe aux experts un délai, qui ne peut être supérieur à trois mois, pour déposer leurs rapports. ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : Parallèlement à l'expertise prévue à l'article 4 et dans le même délai, le préfet charge le service des domaines d'évaluer pour chaque immeuble concerné, le montant nécessaire pour recouvrer, dans un secteur comparable, la propriété d'un immeuble de confort et de consistance équivalents, sans tenir compte du risque ; qu'aux termes de son article 6 : Après la remise des rapports dressés par les experts et des évaluations réalisées par le service des domaines, le préfet arrête, dans un délai de trois mois, le montant de l'indemnité allouée à chaque demandeur si les dommages matériels directs sont substantiels. Dans le cas contraire, la décision de rejet, qui doit être motivée, est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception. / Le silence gardé pendant plus de neuf mois par le préfet sur la demande d'indemnité respectant les conditions mentionnées à l'article 3 du présent décret vaut décision de rejet. / Dans le cas où de telles contributions sont perçues postérieurement à l'indemnisation effectuée par l'Etat, le bénéficiaire est tenu de les reverser à ce dernier, dans la limite de l'indemnité perçue ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : Lorsque la remise en l'état de l'immeuble sur le même terrain n'est pas possible et que, par suite, en application des dispositions de l'article 75-3 du code minier, l'indemnisation permet au propriétaire de recouvrer la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents, elle s'accompagne de la remise à l'Etat à titre gratuit du bien sinistré. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a acquis le 16 mai 1989, pour un prix de 300 000 F, un immeuble d'habitation sis 9, rue de la Gare à Betting-lès-Saint-Avold, qui avait été acquis en 1969 par les propriétaires précédents auprès des Houillères du Bassin de Lorraine ; que de profondes dégradations ont été constatées sur cet immeuble à compter de 1997, qui ont nécessité son évacuation en mars 1997 ; qu'à la demande de M. A, le président du Tribunal de grande instance de Sarreguemines a diligenté une expertise, le 9 juin 1998, afin de déterminer l'origine des désordres affectant ledit immeuble et de chiffrer le préjudice correspondant ; que le rapport de l'expert judiciaire en date du 3 juin 1999, complété le 26 août 1999, indique que les désordres qui affectent l'immeuble de M. A et qui le rendent impropre à sa destination, sont dus à l'exploitation minière ; que, par un jugement du 9 octobre 2001, confirmé par la Cour d'appel de Metz par un arrêt du 11 septembre 2003, le Tribunal de grande instance de Sarreguemines a débouté M. A de son action à l'encontre des Houillères du Bassin de Lorraine tendant à son indemnisation, au motif que l'acte notarié d'acquisition indiquait que l'immeuble était grevé d'une servitude d'exonération de responsabilité pour dégâts miniers au profit des Houillères du Bassin de Lorraine, que cette clause avait été valablement établie, et que le demandeur devait, eu égard aux dispositions précitées du code minier, se tourner vers l'Etat pour obtenir l'indemnisation de son préjudice ; que M. A a demandé, d'une part, au préfet de la Moselle, le 20 juillet 2004, de lui verser, au titre des dispositions de l'article 75-2 du code minier, la somme de 527 054,46 euros à titre d'indemnisation des dommages miniers subis, et d'autre part, au service des risques miniers du Fonds de garantie des assurances obligatoire de dommages d'indemniser lesdits dommages ; que, dans un premier temps, tant le préfet de la Moselle que le Fonds de garantie des assurances obligatoire de dommages ont refusé de faire droit à la demande du requérant ; que, toutefois, le Fonds de garantie des assurances obligatoire de dommages a, sur la demande du ministre délégué à l'industrie, ultérieurement fait procéder à une expertise confiée au groupement d'intérêt public, qui a rendu son rapport le 1er février 2007, qui a estimé que l'hypothèse selon laquelle la maison de M. A avait été ruinée à la suite d'un mouvement de terrain d'origine minière était vraisemblable ; que, par un arrêté en date du 26 mars 2007, le préfet de la Moselle a reconnu l'état de sinistre minier de ladite maison ; que cet arrêté a été adressé au Fonds de garantie des assurances obligatoire afin de lui permettre d'engager la procédure d'indemnisation de M. A au titre du sinistre minier ayant affecté son habitation principale ; qu'une indemnité d'un montant total de 288 200 euros a été proposée à M. A sous condition expresse et formelle d'un désistement d'instance et d'une remise du bien à l'Etat ; que M. A demande que cette indemnité soit portée à la somme de 527 054,46 euros, assortie des intérêts au taux légal ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées qu'en l'espèce, la remise en l'état de l'immeuble sur le même terrain n'étant pas possible - la maison s'étant partiellement effondrée en août 2006 et le maire de la commune de Betting ayant pris un arrêté de péril le 1er septembre 2006 -, l'indemnité due au titre des dispositions précitées de l'article 75-2 II du code minier doit permettre au propriétaire de recouvrer la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport en date du 26 août 1999 de l'expert judiciaire et de l'expertise diligentée par le Fonds de garantie des assurances obligatoire de dommages à la demande de l'Etat et réalisée par Géodéris, que, antérieurement aux dégradations constatées, la valeur vénale de la maison d'habitation dont s'agit, évaluation qui doit être regardée comme devant permettre à M. A de recouvrer la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents au sens des dispositions précitées, a été estimée par l'expert judiciaire dans son rapport du 26 août 1999 à la somme de 1 175 000 F TTC soit, après revalorisation et conversion en euros, 212 651,50 euros ; que, par ailleurs, M. A demande 50 000 euros au titre de l'indemnisation du terrain d'assiette de ladite maison d'habitation, qui n'a pas été évalué par l'expert judiciaire mais qui doit être compris dans l'indemnisation due ; que cette évaluation n'est pas contestée par l'Etat ; que l'indemnité totale due s'élève ainsi à la somme de 262 651,50 euros, qui doit porter intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2004, date de la demande préalable adressée au préfet de la Moselle ; que, d'autre part, si M. A demande l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles de jouissance qu'il aurait subis, ces chefs de préjudice ne sont pas au nombre des préjudices indemnisables sur le fondement de l'article 75-2 II du code minier, aux termes duquel l'Etat assure l'indemnisation des seuls dommages matériels ;
Considérant que M. A a produit l'attestation sur l'honneur visée par l'article 2 du décret susvisé du 29 mai 2000 relatif à l'application des articles 75-2 et 75-3 du code minier, aux termes de laquelle il indique n'avoir perçu aucune indemnité ayant le même objet que l'indemnité sollicitée, précise qu'une procédure est pendante devant le Tribunal administratif de Strasbourg concernant une proposition d'indemnisation amiable émanant du préfet de la Moselle et s'engage sur l'honneur à reverser toute indemnité dont il pourrait bénéficier au terme de toute procédure en cours ou à venir visant à l'indemnisation de ces dommages ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 29 mai 2000 relatif à l'application des articles 75-2 et 75-3 du code minier : Lorsque la remise en l'état de l'immeuble sur le même terrain n'est pas possible et que, par suite, en application des dispositions de l'article 75-3 du code minier, l'indemnisation permet au propriétaire de recouvrer la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents, elle s'accompagne de la remise à l'Etat à titre gratuit du bien sinistré. ; qu'il résulte de ces dispositions que, comme il a été dit, la remise en l'état de l'immeuble sur le même terrain n'étant pas possible en l'espèce, le versement de l'indemnité totale de 262 651,50 euros portant intérêts au taux légal est conditionnée par la remise à l'Etat à titre gratuit, par M. A, du bien sinistré sis 9, rue de la Gare à Betting-lès-Saint-Avold ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 1er février 2007 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 262 651,50 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2004, sous réserve de la remise à l'Etat à titre gratuit, par M. A, du bien sinistré sis 9, rue de la Gare à Betting-lès-Saint-Avold.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Francis A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
[l1]Dans le rappel des textes applicables, fait-on un bloc législatif, avec l'article du code minier et celui du code des assurances, puis un bloc réglementaire, ou bien fait-on un bloc code minier (législatif et réglementaire d'application), puis un bloc code des assurances , législatif puis réglementaire '
Seul le code minier me parait devoir être cité.
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10NC00618