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11/03/2010 | FRANCE | N°09NC00118

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 11 mars 2010, 09NC00118


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2009, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 novembre 2009 et 25 janvier 2010, présentés pour Mme Irma A, demeurant ..., M. Roland Joseph B, demeurant ..., M. Claude Charles B, demeurant ... et Mme Michèle B, demeurant ..., par Me Landbeck ;

Mme A, MM. B et Mme B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600569 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2005 modifié par l'arrêté en date du 23 novembre

2005 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prononcé la cessibilité des terrains ...

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2009, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 novembre 2009 et 25 janvier 2010, présentés pour Mme Irma A, demeurant ..., M. Roland Joseph B, demeurant ..., M. Claude Charles B, demeurant ... et Mme Michèle B, demeurant ..., par Me Landbeck ;

Mme A, MM. B et Mme B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600569 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2005 modifié par l'arrêté en date du 23 novembre 2005 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prononcé la cessibilité des terrains nécessaires à l'implantation d'un casino sur le territoire de la commune de Blotzheim ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre à la commune de Blotzheim ou à défaut l'Etat de saisir le juge de l'expropriation aux fins de faire constater que le transfert de propriété est dépourvu de base légale ;

4°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat les éventuels frais et dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

* par la voie de l'exception l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet d'implantation du casino est illégal :

- c'est à tort que la commune de Blotzheim a déposé un dossier d'expropriation simplifié alors que le projet de casino et de son accès était déjà avancé ;

- le dossier d'enquête publique est insuffisant ;

- l'estimation des dépenses et l'avis des domaines sont manquants ;

- il n'est pas établi que l'information relative à l'ouverture de l'enquête publique ait été publiée conformément à l'article R. 11-4 du code de l'expropriation ;

- les conclusions du commissaire enquêteur ne sont pas personnelles et circonstanciées ;

- il n'y a aucune utilité publique à l'installation d'un casino alors qu'il en existe un à Bâle, situé à 8 kilomètres ;

- l'expropriation a un but exclusivement financier ;

- les parcelles qui constituent l'emprise de la future route d'accès du casino ne sont pas situées dans la zone climatique définie par le décret du 5 novembre 1993 et ne peuvent être dissociées du projet de casino ;

- la construction de la route dessert l'unique intérêt de l'exploitant du casino ;

- les atteintes à l'environnement et aux terres agricoles sont excessives ;

*l'arrêté de cessibilité est entaché d'illégalité dès lors que :

- les états parcellaires comportent des lacunes ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisantes ;

- l'arrêté porte sur un nombre de parcelles excessives ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, enregistré le 2 juin 2009, le mémoire en défense présenté pour l'Etat par le ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu, enregistrés les 5 janvier et 6 février 2010, les mémoires en défense présentés pour la commune de Blotzheim, par Me Nguyen ;

Elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2010 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Brignatz, avocat de la commune de Blotzheim ;

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 24 août 2004 portant déclaration d'utilité publique les acquisitions nécessaires à la réalisation du projet d'implantation d'un casino à Blotzheim :

Sur le moyen tiré de l'irrégularité du dossier :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation dans sa version alors en vigueur : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement :I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages :1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article 4 du même décret. 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret. II.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort tant des termes de l'arrêté litigieux que des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique a été prononcée pour l'acquisition de terrains nécessaires au projet d'implantation d'un casino sur le territoire de Blotzheim ; qu'à la date à la laquelle le dossier a été soumis à enquête publique, si la localisation du casino et de sa voie d'accès était connue, les caractéristiques principales de l'ouvrage composé d'un casino, d'un restaurant et des équipements connexes destinés à l'accueil de la clientèle ne l'étaient pas ; que dans cette mesure, alors qu'il était nécessaire pour la commune expropriante d'acquérir rapidement les terrains avant que ne soit mise en oeuvre la procédure de mise en concurrence destinée à désigner le futur exploitant chargé également de la construction de l'établissement, la commune de Blotzheim a pu, en l'espèce, légalement soumettre à l'enquête publique un dossier composé selon les prescriptions sus rappelées du II de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation ;

Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis à enquête publique comprenait l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à annexer au dossier l'avis du service des domaines ; que si les requérants font encore valoir que les renseignements relatifs à l'opération sont insuffisants, ils n'assortissent cette branche du moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-14-7 du code de l'expropriation : Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 11-14-5 à la connaissance du public est, par les soins du préfet, publié, en caractères apparents, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés, au moins quinze jours avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci.(...)Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, cet avis est publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet ; cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire ; il est certifié par lui (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du rapport d'enquête publique qu'un avis a été inséré dans l'Alsace et les Dernières Nouvelles d'Alsace dans les délais prescrits par les dispositions précitées ; qu'il ressort également des pièces du dossier et plus particulièrement de la mention apposée sur l'ampliation produite de l'arrêté du 21 octobre 2003 portant sur l'organisation des enquêtes conjointes sur l'utilité publique des acquisitions de terrains nécessaires à la réalisation du projet de casino et sur la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Blotzheim, qui s'est déroulée du 17 novembre au 18 décembre 2003, que cette décision a été affichée du 24 octobre au 19 décembre 2003 ; que par suite, le moyen tirée de l'irrégularité de la procédure d'enquête publique manque en fait ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'avis du commissaire enquêteur :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation : Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet le dossier avec ses conclusions soit au préfet si l'enquête est ouverte à la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas. Le dossier est transmis, le cas échéant, par le sous-préfet au préfet avec son avis. ;

Considérant qu'en émettant un avis favorable sans réserve aux motifs que la commune de Blotzheim a le souci d'assurer la pérennité des activités économiques de la localité dans son appellation récente de station climatique ; l'emplacement choisi pour l'implantation d'un casino à la périphérie et au sud de la localité est garanti hors nuisances sonores, l'amputation des exploitations agricoles concernées est limitée par rapport aux surfaces totales cultivables d'à peine 0,6 % ; la commune dispose déjà de la maîtrise foncière de plus de 58 % des terrains requis ; la superficie nécessaire à l'aménagement de cette installation avec les réalisations des équipements connexes (parc, parkings, arbres) avoisine les 6 hectares et demi ; la construction du casino va générer la création d'emplois directs et indirects ; l'existence du casino va générer de nouvelles recettes sur le budget communal et permettre un allègement fiscal à terme , le commissaire enquêteur a émis un avis suffisamment précis et circonstancié ;

Sur le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet :

Considérant qu'un projet ne peut légalement être déclaré d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ; que l'utilité publique d'un projet s'apprécie dans son ensemble et non ouvrage par ouvrage ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction d'un casino, d'un restaurant et de ses aménagements annexes, dont la voirie, va concourir au développement touristique de la commune de Blotzheim et de ses environs tout en générant des emplois et assurer à la commune d'implantation des ressources supplémentaires ; qu'il a donc un caractère d'utilité publique alors même que la ville de Bâle, située à une dizaine de kilomètres, dispose également d'un établissement de jeux ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'emprise de la voie d'accès serait disproportionnée au regard du but poursuivi ; que si les requérants font valoir que le projet porterait atteinte à l'environnement et à l'activité agricole, ces inconvénients ne sont pas tels qu'ils retirent à l'opération son caractère d'utilité publique ; que la circonstance que certaines parcelles, emprise de la future voie d'accès du casino, ne soient pas situées en zone climatique est sans incidence sur l'appréciation de l'utilité publique du projet ;

Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir :

Considérant que l'avantage qui résultera de l'implantation du casino pour l'exploitant n'est pas constitutif d'un détournement de pouvoir au regard de l'utilité publique de l'aménagement ; qu'il en résulte que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

En ce qui concerne les vices propres à l'arrêté de cessibilité :

Sur le moyen tiré des lacunes de la liste des états parcellaire :

Considérant qu'en se bornant à soutenir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en n'ayant pas fait droit à leur argumentaire de première instance, les requérants n'assortissent pas ce moyen d'une précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur le moyen tiré du caractère non suffisamment motivé de l'avis du commissaire enquêteur :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-25 du code de l'expropriation : A l'expiration du délai prévu à l'article R. 11-20, les registres d'enquête sont clos et signés par les maires et transmis dans les vingt-quatre heures avec le dossier d'enquête au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés et dresse le procès-verbal de l'opération après avoir entendu toutes personnes susceptibles de l'éclairer. Pour cette audition, le président peut déléguer l'un des membres de la commission. (...) ; qu'à l'issue de l'enquête parcellaire relative à l'acquisition, par voie d'expropriation, des terrains nécessaires à la réalisation d'un casino à Blotzheim, le commissaire-enquêteur, après avoir relevé et analysé les observations du public dont celles de Mme B qu'il a jugé se rattacher en partie à l'utilité publique du projet, a émis un avis favorable sans réserve au projet ; qu'il s'est ainsi implicitement mais nécessairement prononcé favorablement sur les emprises nécessaires à la réalisation dudit projet ; que cet avis est ainsi, au regard des dispositions de l'article R. 11-25 du code de l'expropriation précitées, suffisamment motivé ;

Sur le moyen tiré du caractère excessif de l'emprise de la voie :

Considérant que si les requérants se plaignent de ce que l'expropriation de leur parcelle serait excessive au regard de ce qui serait nécessaire pour la réalisation de la voie d'accès au casino, ce moyen se rattache à la contestation de l'utilité publique de l'opération précédemment examinée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 novembre 2005 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prononcé la cessibilité des terrains nécessaires à l'implantation d'un casino sur le territoire de la commune de Blotzheim ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse aux requérants, la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des requérants le versement au bénéfice de la commune de Blotzheim de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A, MM. B et Mme B est rejetée.

Article 2 : Mme A, MM. B, et Mme B, verseront solidairement à la commune de Blotzheim la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Irma A, M. Roland Joseph B, M. Claude Charles B et Mme Michèle B, au ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales et à la commune de Blotzheim.

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09NC00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00118
Date de la décision : 11/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX / LLORENS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-03-11;09nc00118 ?
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