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21/01/2010 | FRANCE | N°08NC01850

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 21 janvier 2010, 08NC01850


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2008, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 28 juin, 12 septembre et 8 décembre 2009, présentés pour l'ASSOCIATION COULEURS GAIES, dont le siège est 31 rue des Tanneurs à Metz (57000), par Me Carmantrand ;

L'ASSOCIATION COULEURS GAIES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500263 du 22 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Metz à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral que lui a cau

sé la décision du maire, en date du 3 juin 2004, de ne pas accéder à sa demand...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2008, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 28 juin, 12 septembre et 8 décembre 2009, présentés pour l'ASSOCIATION COULEURS GAIES, dont le siège est 31 rue des Tanneurs à Metz (57000), par Me Carmantrand ;

L'ASSOCIATION COULEURS GAIES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500263 du 22 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Metz à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral que lui a causé la décision du maire, en date du 3 juin 2004, de ne pas accéder à sa demande de passage en centre piéton aux fins d'organiser la seconde marche des fiertés lesbiennes, gay, bi et trans de Lorraine , compte-tenu de la présence de véhicules dans le cortège ;

2°) de condamner la ville de Metz à lui verser 1 € symbolique en réparation du préjudice moral que lui a causé cette décision ;

Elle soutient que :

- l'interdiction générale et absolue de défiler au centre ville avec des véhicules est illégale ;

- d'autres défilés ont eu lieu avec véhicules motorisés ;

- elle-même a été autorisée à défiler en 2003 ;

- le refus est discriminatoire ;

- aucun intérêt général ne justifie la différence de traitement dont elle a été victime ;

- la ville aurait pu mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la préservation de l'ordre public ;

- le refus illégal du maire est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la ville ;

Vu la décision et le jugement attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2009, présenté pour la ville de Metz, par Me Hugodot ; elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'ASSOCIATION COULEURS GAIES le paiement de la somme de 2 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 8 et 15 septembre 2009, présentés pour la ville de Metz, par Me Olszak ; elle conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Vu la décision, en date du 15 septembre 2009, par laquelle le collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a décidé, conformément à l'article 13 de la loi n°2004-1486, de présenter des observations ;

Vu, enregistrées le 14 décembre 2009, soit après la clôture d'instruction, les observations présentées pour la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, par Me Pluchon ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 20 mars 2009, rejetant la demande d'aide juridictionnelle de l'ASSOCIATION COULEURS GAIES ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, et notamment son article 13 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Carmantrand, avocat de l'ASSOCIATION COULEURS GAIES, de Me Pluchon, avocat de la H.A.L.D.E., et de Me Olszak, avocat de la ville de Metz ;

Sur la responsabilité pour faute de la ville de Metz à raison de l'illégalité de la décision du 3 juin 2004 :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 1er mars 1999 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) et qu'aux termes de l'article L. 2213-4 de ce code : Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, économiques, agricoles, forestières ou touristiques (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté en date du 1er mars 1999, le maire de la ville de Metz a décidé, pour préserver la structure des chaussées et améliorer les conditions de fonctionnement et de sécurité du centre piéton que sauf dérogations, la circulation et le stationnement de tous véhicules, y compris les cyclomoteurs et motocyclettes, sont strictement interdits ; que la décision en date du 3 juin 2004 par laquelle le maire de Metz a décidé de ne pas autoriser le passage au centre piéton de la seconde marche des fiertés lesbiennes, gay, bi et trans de Lorraine , compte-tenu de la présence de véhicules dans le cortège, ne constitue qu'une mesure d'application de cet arrêté ; qu'il en résulte qu'en contestant l'interdiction d'accès au centre ville des véhicules motorisés, la requérante doit être regardée comme excipant de l'illégalité de l'arrêté du 1er mars 1999 dont la décision individuelle en litige procède ;

Considérant, en premier lieu, que l'ASSOCIATION COULEURS GAIES soutient que l'interdiction générale et absolue de manifester au centre piéton avec des véhicules motorisés serait illégale ; que l'arrêté du 1er mars 1999 n'a cependant pas pour objet d'interdire les manifestations au centre piéton mais uniquement d'empêcher les véhicules motorisés d'y accéder ; qu'il prévoit, sous certaines conditions, des dérogations au bénéfice notamment des riverains, des professions de santé, taxi et des commerçants ainsi que des autorisations exceptionnelles sur demande motivée ; que l'interdiction ainsi faite n'est ni générale et absolue ;

Considérant en second lieu que cette interdiction est justifiée par des considérations tenant tant à la conservation du domaine public qu'à la sécurité des usagers du centre piéton, motifs d'ordre public ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le but ainsi poursuivi par le maire de la ville de Metz aurait pu être atteint par des mesures moins contraignantes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'interdiction de l'accès des véhicules motorisées au centre piéton n'est pas fondé ;

En ce qui concerne la décision du 3 juin 2004 :

Considérant que, comme il a été dit ci-avant, l'arrêté du 1er mars 1999 pose le principe d'une interdiction des véhicules motorisés au centre piéton de la ville de Metz sauf dérogations ou autorisation exceptionnelle ; qu'il est constant que la manifestation organisée par l'association requérante prévoyait le passage en secteur piétonnier de plusieurs chars ; que le maire ayant répondu négativement à la demande de l'association compte tenu de la présence de ces chars, cette dernière a modifié sa demande à laquelle il a été répondu favorablement le 4 juin 2004 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que cette disposition interdit que soit appliqué un traitement différent, dans l'exercice ou la jouissance d'un droit reconnu par la convention, à des personnes placées dans une situation comparable, sans justification objective et raisonnable ;

Considérant que l'association requérante fait valoir qu'elle avait déjà obtenu une autorisation en 2003 pour une manifestation utilisant des chars au centre ville, que d'autres manifestations utilisant des véhicules motorisés ont été autorisées en 2004 à accéder au centre piéton et qu'il en résulte une discrimination fondée sur l'opposition de la ville aux valeurs de liberté et d'égalité des droits défendues par l'association ;

Considérant toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que l'ASSOCIATION COULEURS GAIES n'a pas été la seule à se voir interdire l'accès au centre ville en raison de la présence de véhicules motorisés dans le cortège ; qu'en effet, le maire de la ville de Metz n'a, en 2004, accordé à l'association loisirs, culture et libertés l'accès au centre piétonnier qu'à la condition que celle-ci renonce à l'utilisation d'une camionnette lors de la parade ; que les manifestations prévues par la CFDT, le groupe A3 communication et le défilé des vétérans américains n'ont pu, en raison de la présence de véhicules, accéder au centre piétonnier au motif de sa préservation ; que la circonstance alléguée que des autorisations, dont la réalité de certaines d'entre elles est contestée par la ville, ont été accordées au profit d'autres manifestations ne suffit pas à établir que la décision du 3 juin 2003 du maire de la ville de Metz, qui se borne, dans un but d'ordre public, à faire application de l'arrêté du 1er mars 1999, aurait été prise à des fins discriminatoires ; qu'en particulier, le défilé organisé par l'association requérante, qui prévoyait l'usage de plusieurs véhicules, devait se dérouler un samedi, jour de grande affluence, alors que les manifestations qui auraient été autorisées se sont déroulées en semaine et ne comprenaient qu'un seul véhicule ; que la seule dérogation accordée au défilé traditionnel en Lorraine de la Saint Nicolas, au cours duquel plusieurs chars empruntent le centre ville, un dimanche au début du mois de décembre, ne saurait à elle-seule démontrer, eu égard à son objet, que le motif du refus du maire aurait eu un but discriminatoire ; que la circonstance que la requérante ait obtenu antérieurement l'autorisation de défiler au centre piéton avec des véhicules motorisés est sans incidence, ce précédent ne lui ouvrait aucun droit au maintien d'une telle dérogation ; qu'il apparaît dès lors que l'association requérante ne se trouve pas dans une situation objectivement différente dans l'application d'une norme appropriée et justifiée par un motif d'ordre public ; que l'ASSOCIATION COULEURS GAIES ne saurait dès lors soutenir que la décision contestée serait entachée d'une discrimination illégale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en refusant l'autorisation sollicitée par l'ASSOCIATION COULEURS GAIES, le maire n'a pas poursuivi un autre but que celui du maintien de l'ordre public ; que le détournement de pouvoir n'est ainsi pas établi ;

Considérant que par suite l'ASSOCIATION COULEURS GAIES n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la ville de Metz sur le fondement de l'illégalité fautive de la décision en date du 3 juin 2004 par laquelle le maire de Metz a décidé de ne pas permettre le passage en centre piéton à la seconde marche des fiertés lesbiennes, gay, bi et trans de Lorraine , compte-tenu de la présence de véhicules dans le cortège ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION COULEURS GAIES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante, au bénéfice de la ville, la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION COULEURS GAIES est rejetée.

Article 2 : L'ASSOCIATION COULEURS GAIES versera à la ville de Metz la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION COULEURS GAIES, à la ville de Metz et à la H.A.L.D.E..

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08NC01850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01850
Date de la décision : 21/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : PLUCHON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-01-21;08nc01850 ?
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