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21/01/2010 | FRANCE | N°08NC01674

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 21 janvier 2010, 08NC01674


Vu l'arrêt en date du 2 juillet 2008 par lequel le Conseil d'Etat attribue à la Cour de céans le jugement de la requête d'appel formée contre le jugement n° 0404056 en date du 15 juillet 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2005, et les mémoires complémentaires enregistrés les 16 janvier, 23 février et 1er août 2006, 22 février 2007 et 28 septembre 2009, présentés pour M. Benoît A, demeurant ..., par la SCP Waquet, Farge et Hazan ;

M. A demande à la Cour dans le dernier état de ses écrits :

1°) avant

-dire-droit et autant que nécessaire, de surseoir à statuer et de saisir le Conseil d'...

Vu l'arrêt en date du 2 juillet 2008 par lequel le Conseil d'Etat attribue à la Cour de céans le jugement de la requête d'appel formée contre le jugement n° 0404056 en date du 15 juillet 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2005, et les mémoires complémentaires enregistrés les 16 janvier, 23 février et 1er août 2006, 22 février 2007 et 28 septembre 2009, présentés pour M. Benoît A, demeurant ..., par la SCP Waquet, Farge et Hazan ;

M. A demande à la Cour dans le dernier état de ses écrits :

1°) avant-dire-droit et autant que nécessaire, de surseoir à statuer et de saisir le Conseil d'Etat afin que celui-ci interroge la Cour de justice des communautés européennes de la question préjudicielle suivante : l'article 39 du Traité instituant la communauté européenne doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une décision de droit interne interdise à un travailleur qui intègre le corps des adjoints administratifs des services déconcentrés de l'Etat français de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au titre des fonctions qu'il a exercées pour le compte des forces françaises stationnées en Allemagne, sous couvert d'un contrat de droit privé allemand en vertu des stipulations de l'accord de Bonn du 3 août 1959, alors qu'il aurait bénéficié d'une telle reprise s'il avait exercé les mêmes fonctions pour le compte de l'armée française sur le territoire français, sous couvert d'un contrat de droit public en vertu du droit interne ;

2°) d'annuler le jugement n° 0404056 en date du 15 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision implicite du directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord en date du 30 mars 2004 portant rejet de sa demande de prise en compte de ses services en qualité de personnel civil étranger au sein des forces françaises stationnées en Allemagne pour le calcul de son ancienneté dans le corps des ouvriers professionnels de la fonction publique hospitalière ;

3°) d'annuler ladite décision ;

4°) d'enjoindre à l'établissement de santé de reconstituer sa carrière, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à compter du 1er novembre 2003, date de sa titularisation dans le corps des ouvriers professionnels spécialisés avec régularisation des droits pécuniaires attenants, sous peine d'astreinte de 200 € par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé Alsace Nord la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en remboursement des frais irrépétibles qu'il a dû engager en première instance;

6°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé Alsace Nord la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la présente instance ;

Il soutient que :

- le Tribunal a statué sur un moyen qui n'avait pas été soulevé et qui n'est pas d'ordre public ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la minute du jugement doit être revêtue de la signature du magistrat qui l'a rendu et du greffier ;

- les premiers juges ont méconnu l'article 6 du décret n°70-79 du 27 janvier 1970 en jugeant que les contrats de droit privé soumis à la législation allemande du travail ne pouvaient pas être considérés comme des services civils des agents non titulaires de l'Etat , le texte visant les agents non titulaires sans aucune référence à la nature juridique du contrat ou du lieu d'exercice des fonctions;

- ayant exercé à l'étranger, il était fondé à invoquer la méconnaissance du principe communautaire de non-discrimination ;

- pour que l'article 39 du Traité ne soit pas méconnu, il aurait été nécessaire d'interpréter l'article 6 du décret à la lumière de cette disposition ou la censurer par la voie de l'exception d'inconventionnalité ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, en date du 31 juillet 2009, l'ordonnance fixant au 30 octobre 2009 la date de clôture de l'instruction ;

Vu la lettre du 24 novembre 2009, informant les parties que la Cour est susceptible de relever d'office le motif tiré de l'irrégularité de la formation de jugement du Tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951 et le décret n° 52-1170 du 11 octobre 1952 portant publication de cette convention ;

Vu l'accord du 3 août 1959 modifié complétant la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, en ce qui concerne les forces étrangères stationnées en République fédérale d'Allemagne, le décret n° 63-1361 du 18 décembre 1963 portant publication de cet accord et la loi n° 97-280 du 26 mars 1997 autorisant la ratification de l'accord du 18 mars 1993 modifiant cet accord ;

Vu le protocole de signature de l'accord du 3 août 1959 modifié complétant la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, en ce qui concerne les forces étrangères stationnées en République fédérale d'Allemagne, amendé par l'accord signé à Bonn le 16 mai 1994 ;

Vu le traité CE ;

Vu le décret n° 70-78 du 27 janvier 1970 instituant différentes échelles de rémunération pour les catégories C et D des fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le décret n° 70-79 du 27 janvier 1970 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires des catégories C et D ;

Vu le ° décret n°88-1081 du 30 novembre 1988 portant dispositions statutaires générales applicables aux fonctionnaires hospitaliers de catégorie C et D

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

- et les observations de Me Keller, avocat de M. A ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa version alors en vigueur : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : (...) 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; ; que la contestation des conditions de l'intégration d'un agent dans la fonction publique est au nombre des litiges concernant l'entrée au service ;

Considérant qu'un litige portant sur une demande d'un fonctionnaire de reclassement pour une prise en compte des services effectués en qualité de personnel civil étranger au sein des forces françaises stationnées en Allemagne, qui est relatif aux modalités de titularisation dans le corps d'accueil, doit être regardé comme concernant l'entrée en service au sens du 2°) de l'article R. 222-13 du code de justice administrative précité; qu'ainsi, comme en ont été informées les parties, le vice-président délégué du Tribunal administratif de Strasbourg n'était pas compétent pour statuer sur la demande de M. A tendant à l'annulation la décision implicite du directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord en date du 30 mars 2004 portant rejet de sa demande de prise en compte de ses services en qualité de personnel civil étranger au sein des forces françaises stationnées en Allemagne pour le calcul de son ancienneté dans le corps des ouvriers professionnels de la fonction publique hospitalière ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg, ledit jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions à fins d'annulation de la décision du 30 mars 2004 :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 6 du décret du 30 novembre 1988 :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret n°88-1081 du 30 novembre 1988 portant dispositions statutaires générales applicables aux fonctionnaires hospitaliers de catégorie C et D, dans sa version alors en vigueur, applicable au requérant qui a été titularisé dans le corps des ouvriers spécialisés de la fonction publique hospitalière : Les agents non titulaires de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, recrutés par application des règles statutaires normales dans un corps de fonctionnaires hospitaliers des catégories C et D, sont classés en prenant en compte la durée des services civils qu'ils ont accomplis, à raison des trois quarts sur la base de la durée moyenne de service exigée pour chaque avancement d'échelon(...) ; que seuls sont pris en compte pour le reclassement prévu par ces dispositions les services accomplis par les agents non titulaires recrutés dans la fonction publique en qualité d'agents publics ;

Considérant qu'alors même que les personnels civils étrangers employés par les forces françaises stationnées en Allemagne participent au fonctionnement du service public français de la défense, il résulte des stipulations du 4 de l'article IX de la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique nord sur le statut de leurs forces signée à Londres le 29 juin 1951 et des 1 a), 5 et 8 de l'article 56 de l'accord du 3 août 1959 modifié complétant cette convention, dans sa rédaction du 18 mars 1993, que les contrats de travail conclus entre ces personnels et les forces françaises stationnées en Allemagne sont des contrats de droit privé ; qu'ainsi , les services accomplis par ces personnels ne sont pas au nombre de ceux pouvant justifier un reclassement sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne pouvait prétendre au reclassement demandé sur le fondement de l'article 6 du décret du 30 novembre 1988 précité lors de sa titularisation, le 1er novembre 2003, en qualité d'ouvrier professionnel au sein de l'établissement public de santé Alsace Nord en se prévalant des services accomplis en qualité d'agent de droit privé, personnel civil étranger des forces françaises stationnées en Allemagne jusqu'au 30 septembre 1999 ; qu'au surplus, il ne remplissait pas les conditions d'application de cet article dès lors qu'il n'avait pas la qualité d'agent public au moment de son recrutement par application des règles statutaires dans un corps de la fonction publique ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne :

Considérant que l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne stipule : 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté au plus tard après l'expiration de la période de transition. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : a) de répondre à des emplois effectivement offerts ; b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etats membres ; c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ; d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi. 4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes, que, lorsque, à l'occasion du recrutement de personnel pour des postes qui n'entrent pas dans le champ d'application du paragraphe 4 de cette disposition, un organisme public d'un Etat membre prévoit de prendre en considération les activités professionnelles exercées antérieurement par les candidats au sein d'une administration publique, cet organisme ne peut, à l'égard des ressortissants communautaires, opérer de distinction selon que ces activités ont été exercées dans l'Etat membre dont relève ledit organisme ou dans un autre Etat membre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-avant que les dispositions de l'article 6 du décret du 30 novembre 1988 ne permettent pas de prendre en considération les activités professionnelles exercées par des agents de droit privé au sein d'une administration publique, antérieurement à leur recrutement dans la fonction publique française en application des règles statutaires ; qu'en tant qu'elles excluent les services accomplis par les agents de droit privé, ces dispositions ne méconnaissent pas les stipulations précitées de l'article 39 du traité CE dès lors qu'elles écartent toute reprise des services accomplis en qualité d'agent privé indépendamment de la nationalité de l'agent ou du lieu d'exercice de son emploi ; que le moyen tiré de ce que l'article 6 du décret du 30 novembre 1988 précité méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne doit en conséquence être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation la décision implicite du directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord en date du 30 mars 2004 portant rejet de sa demande de prise en compte de ses services en qualité de personnel civil étranger au sein des forces françaises stationnées en Allemagne pour le calcul de son ancienneté dans le corps des ouvriers professionnels de la fonction publique hospitalière ;

Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'établissement public qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A, la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en appel ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 15 juillet 2005 est annulé et la demande de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A et à l'établissement public de santé Alsace Nord.

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N°08NC01674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01674
Date de la décision : 21/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS M et R

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-01-21;08nc01674 ?
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