Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2008, et le mémoire complémentaire, enregistré le
30 septembre 2009, présentés pour l'Etat, par le PREFET du BAS-RHIN ;
Le PREFET du BAS-RHIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802854 du 9 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 29 mai 2008 par lequel il a refusé à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de M. A ;
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité compétente ;
- qu'il est motivé et ne pouvait contenir des éléments que M. A a fait valoir après son édiction ;
- l'arrêté ne méconnaît pas l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. A avait la nationalité allemande ;
- le moyen selon lequel les problèmes de santé n'auraient pas été pris en compte est inopérant ;
- l'arrêté ne porte pas à la vie familiale et privée de M. A une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas l'article L.313-11 7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- M. A n'établit pas la réalité des persécutions qu'il soutient craindre s'il retournait en Russie ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu, l'ordonnance en date du 5 mars 2009 par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour a mis en demeure M. A de présenter ses observations en défense ;
Vu, enregistré le 2 avril 2009, le mémoire en défense présenté pour M. A, par Me Macé-Ritt ;
Il conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 196 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative contre renoncement de l'indemnité allouée au titre de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient que :
* En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- il a la double nationalité russe et allemande ;
- l'arrêté méconnaît le principe de la libre circulation des ressortissants communautaires ;
- lui et sa fille sont particulièrement bien intégrés en France, que l'arrêté méconnaît ainsi l'article L. 313-11 7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnaît ainsi l'article L. 313-11 11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû saisir pour avis le médecin inspecteur de la santé publique ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
* En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- elle n'est pas motivée ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour implique celle de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît le principe de la libre circulation des ressortissants communautaires, l'article
L. 13-11 7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 18 septembre 2009, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2009 :
- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;
Sur les conclusions d'annulation :
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :
Considérant qu'eu égard à leur objet, ni le passeport russe de M. A, ni l'extrait d'acte de naissance de sa fille ne permettent d'établir que M. A a la nationalité allemande alors même que la traduction de ces documents, au demeurant contestée par le préfet, fait mention d'une telle nationalité ; que la seule circonstance, à la supposer avérée, que le père de M. A était de nationalité allemande ne suffit pas plus à l'établir ; que par suite le PREFET du BAS-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement contesté, après avoir constaté que M. A possédait la nationalité allemande, annulé l'arrêté litigieux en date du 29 mai 2008 au motif qu'il ne faisait ni référence, ni application du régime juridique applicable au séjour des ressortissants communautaires ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Strasbourg que devant la Cour ;
* En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
Considérant, que M. B, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin a reçu délégation de signature par arrêté en date du 28 novembre 2007 du préfet du Bas-Rhin, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 3 décembre 2007, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des arrêtés de conflit ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 29 mai 2008 par lequel le préfet lui a refusé le séjour est entaché d'incompétence de son auteur ;
Sur le moyen tiré du défaut de motivation :
Considérant que l'arrêté litigieux comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi régulièrement motivé ;
Sur les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance du principe de libre circulation des ressortissants communautaires :
Considérant que comme il a été dit ci-avant, M. A ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, être détenteur de la nationalité allemande ; que par suite l'arrêté contestée, qui ne fait d'ailleurs état que de la nationalité russe non contestée de l'intéressé, n'est pas entaché d'erreur de fait ;
Considérant que M. A ne justifiant pas être un ressortissant communautaire, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de libre circulation des ressortissants communautaires est inopérant ;
Sur les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ...7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré sur le territoire français accompagné de sa fille en août 2005 pour y demander l'asile ; qu'il fait valoir que lui et sa fille sont particulièrement bien intégrés en France et n'ont plus d'attaches dans leur pays d'origine ; que cependant, compte tenu tant de la brièveté que des conditions de son séjour sur le territoire français, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant le séjour le préfet du Bas-Rhin aurait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus a été pris et n'a donc méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11, 7°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, qu'en lui refusant le séjour, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure prise sur sa situation personnelle;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Considérant que M. A ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 11°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision du 29 mai 2008 attaquée, qui ne constitue pas un refus opposé à une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de cet article ;
Sur le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour :
Considérant que M. A ne peut soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal faute d'avoir été précédé de la consultation, prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la commission du titre de séjour, que le préfet n'est tenu de saisir que lorsque les étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité remplissent effectivement les conditions énoncées à l'article L. 313-11, ce qui n'est en l'espèce, compte tenu de ce qui précède, pas établi ;
* En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
Sur le moyen tiré du défaut de motivation :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas à être motivée ; que le moyen tiré de l'absence de cette motivation est donc inopérant ;
Sur l'exception d'illégalité du refus de titre :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour n'est pas fondé ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance du principe de libre circulation des ressortissants communautaires, de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant que pour les même motifs que ceux exposés ci-avant les moyens susvisés sont rejetés ;
Sur le moyen tiré de ce que l'état de santé de M. A ferait obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement :
Considérant que si M. A fait valoir qu'il a subi en juillet 2001 une intervention chirurgicale importante dans son pays d'origine, cette seule circonstance ne démontre pas que son état de santé nécessite son maintien sur le territoire français ;
* En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas fondé ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il serait menacé en cas de retour en Russie où sa maison a été incendiée, il n'apporte pas d'éléments de nature à établir la réalité des risques personnels et actuels qu'il allègue encourir, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile n'ont d' ailleurs pas retenu l'existence ; que, dès lors, la décision distincte fixant le pays de renvoi n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET du BAS-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du
29 mai 2008 par lequel il a refusé à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par suite le jugement doit être annulé et la demande de M. A rejetée ;
Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être que rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à au conseil de M. A, contre renoncement au versement de l'indemnité d'aide juridictionnelle, la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg susvisé en date du 9 octobre 2008 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. A.
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08NC01632