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12/03/2009 | FRANCE | N°08NC00416

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 12 mars 2009, 08NC00416


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2008, présentée par le PREFET DES VOSGES ;

Le PREFET DES VOSGES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0701989 en date du 26 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy d'une part a annulé l'arrêté en date du 31 août 2007 par lequel il a refusé de délivrer à M. Mohcine X un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'autre part lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée

et familiale » ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Mohcine X devant le Tr...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2008, présentée par le PREFET DES VOSGES ;

Le PREFET DES VOSGES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0701989 en date du 26 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy d'une part a annulé l'arrêté en date du 31 août 2007 par lequel il a refusé de délivrer à M. Mohcine X un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'autre part lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Mohcine X devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance ;

- sa décision n'a pas porté à la vie familiale de M. X une atteinte disproportionnée au regard de la brièveté de son séjour, du caractère récent de son union et de la présence hors de France de ses attaches familiales ;

- M. X ne peut, faute de remplir les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2008, présenté, pour M. X, par Me Levy Cyferman ; il conclut au rejet de la requête, à la confirmation du dispositif de première instance et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Il soutient :

- que l'atteinte à sa vie personnelle et familiale est établie ;

- qu'il peut en outre prétendre à la délivrance d'une carte temporaire de séjour « vie privée et familiale » sur le fondement de l'article L. 313-11-4°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'il peut prétendre à l'application de l'article L. 211-2-1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- que la décision contestée comporte une motivation insuffisante ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu, en date du 17 juin 2008, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de Grande Instance de Nancy admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 en portant application ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2009 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 23 janvier 2002, M. X est régulièrement entré en Espagne ; qu'il a bénéficié d'un titre de séjour italien valable de novembre 2003 à mai 2006 ; qu'il résidait encore en Italie le 4 octobre 2006, date à laquelle il a obtenu le renouvellement de son passeport à Milan ; que le 18 août 2007, il a épousé une ressortissante de nationalité française ; que compte tenu de la brièveté du séjour en France du requérant et du caractère récent de son union avec une ressortissante française, précédent de quelques jours la décision en litige, le PREFET DES VOSGES, en refusant à M. X le séjour et en l'obligeant à quitter le territoire, n'a pas porté au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise, alors même qu'un de ses frères a la nationalité française et que plusieurs membres de sa famille résident en Belgique ; que par suite, le PREFET DES VOSGES est fondé à soutenir qu'en annulant l'arrêté en date du 31 août 2007 pour le motif tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en lui enjoignant, pour ce motif, de délivrer à l'intéressé une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale », le Tribunal a commis une erreur ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance :

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour « vie privée et familiale » :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n°586/06 en date du 2 février 2006, publié au recueil des actes administratifs du 7 février 2006, le PREFET DES VOSGES a donné délégation de signature permanente pour signer tous arrêtés, décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Vosges à M. Charles Edouard Y, secrétaire général ; que M. Y était, dès lors, compétent pour signer l'acte attaqué ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :

Considérant que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour « vie privée et familiale » comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi régulièrement motivée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :

Considérant que les dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ne s'appliquent pas dès lors que la décision attaquée a été prise sur demande de M. X ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-11-4°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11-4°) dans sa rédaction alors applicable: « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) » ; qu'en vertu de l'article L. 311-7 du même code : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. » ;

Considérant qu'il est constant que M. X ne dispose pas d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que par suite, en lui refusant le séjour pour ce motif, le PREFET DES VOSGES n'a pas commis d'erreur de droit ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 211-2-1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2-1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. Le visa mentionné à l'article L. 311-7 ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur la demande de visa de long séjour formée par le conjoint de Français dans les meilleurs délais. Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. »

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X soit entré régulièrement sur le territoire français ; qu'il ne peut ainsi prétendre au bénéfice de ces dispositions pour obtenir un visa long séjour en France ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :

Considérant que compte tenu de la brièveté du séjour de M. X en France et du caractère récent de son union avec une ressortissante française, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant le séjour, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure prise sur sa situation personnelle;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour :

Considérant que M. X ne peut soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal faute d'avoir été précédé de la consultation, prévue par l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la commission du titre de séjour, que le préfet n'est tenu de saisir que lorsque les étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité remplissent effectivement les conditions énoncées à l'article L. 313-11 ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire et de la décision désignant le pays de renvoi :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait visé dans sa décision l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en visant l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a suffisamment motivé l'obligation de quitter le territoire dont il a assorti le refus de séjour, également motivé, comme il a été dit ci-avant, opposé à M. X ; qu 'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté comme manquant en fait ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. X n'est pas fondé à invoquer, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le PREFET DES VOSGES ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement du Tribunal administratif de Nancy doit être annulé et que les conclusions de la demande de M. X devant les premiers juges sont rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer au conseil de M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du

26 février 2008 susvisé est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions d'appel de M. X tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohcine X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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08NC00416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00416
Date de la décision : 12/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : LEVI-CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-03-12;08nc00416 ?
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