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27/11/2008 | FRANCE | N°07NC01571

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 novembre 2008, 07NC01571


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2007, complétée par mémoire enregistré le 20 juin 2008, présentée pour la VILLE DE STRASBOURG, représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. d'avocats Bourgun et Dörr ;

La VILLE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de Mme X, la délibération en date du 5 juillet 2004 du conseil municipal en tant qu'elle met à la disposition pour l'accueil des gens du voyage un terrain sit

ué au port du Rhin à Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

3°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2007, complétée par mémoire enregistré le 20 juin 2008, présentée pour la VILLE DE STRASBOURG, représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. d'avocats Bourgun et Dörr ;

La VILLE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de Mme X, la délibération en date du 5 juillet 2004 du conseil municipal en tant qu'elle met à la disposition pour l'accueil des gens du voyage un terrain situé au port du Rhin à Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

3°) de mettre à la charge de Mme X le paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé la délibération au motif qu'elle n'avait pas été signée par tous les membres présents à la séance ;

- le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction des motifs en annulant la délibération en tant qu'elle porte sur le terrain situé au port du Rhin alors qu'il a relevé dans sa motivation que Mme X ne justifiait pas d'un intérêt à agir à l'égard de ce point de la délibération ;

- le moyen tiré de ce que l'acte contesté n'est signé par aucune autorité ne repose sur aucun fondement juridique ; le procès verbal de la délibération a été signé par tous les membres présents ;

- les moyens tirés de la violation de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative aux gens du voyage, du décret n° 2001-569 du 29 juin 2001 relatif aux normes techniques applicables aux aires d'accueil ne sont pas fondés ; la circulaire invoquée du 5 juillet 2001 n'a pas de portée réglementaire ;

- le moyen tiré de la violation d'un principe constitutionnel qui consacrerait le droit au logement est inopérant ; il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2212-1 et L. 2212-2-1° du code général des collectivités territoriales, inapplicables en Alsace-Moselle et en tout état de cause relatifs au pouvoir de police du maire ;

- le choix du terrain n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2007, présenté pour la Communauté urbaine de Strasbourg, représentée par son président en exercice, par la S.C.P. d'avocats Bourgun et Dörr ; la Communauté urbaine conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que la requête ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2008, présenté pour Mme X, par le cabinet d'avocats Schreckenberg Parniere et associés ; Mme X conclut :

- à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé la délibération de la VILLE DE STRASBOURG mettant à la disposition des gens du voyage un terrain situé au port du Rhin et à la confirmation du surplus ;

- à l'annulation de la délibération en tant qu'elle met à la disposition des gens du voyage un terrain situé au Cronenbourg ;

- à ce que soit mis à la charge de la VILLE DE STRASBOURG le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est affecté d'une erreur puisque le dispositif est contraire au sens et aux motifs du jugement ; qu'elle justifie d'un intérêt à agir en ce qui concerne la mise à disposition des gens du voyage du terrain situé au Cronenbourg, à proximité de son lieu de résidence ; que la délibération qui n'est pas versée aux débats est soumise aux dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; que le terrain réservé par la VILLE DE STRASBOURG à l'accueil des gens du voyage ne répond pas aux exigences constitutionnelles de décence de l'habitat et à l'exigence d'un environnement sain posé par la Cour européenne des droits de l'homme ; que la loi du 5 juillet 2000 et ses décrets d'application ainsi que la circulaire du 5 juillet 2001 précisent qu'il convient de proscrire tout terrain jugé incompatible avec une fonction d'habitat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil des gens du voyage ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2008 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-23 du code général des collectivités territoriales, relatif aux délibérations des conseils municipaux : « Les délibérations sont inscrites par ordre de date. Elles sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer » ;

Considérant que les formalités de signature des délibérations prévues à l'article précité du code général des collectivités territoriales ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que la circonstance que la délibération en date du 5 juillet 2004 par lequel le conseil municipal de la VILLE DE STRASBOURG a approuvé le schéma d'accueil des gens du voyage proposé par la Communauté urbaine et a décidé, dans le cadre de sa contribution à la mise en place de ce schéma, de mettre à la disposition de la Communauté urbaine deux terrains situés respectivement à Strasbourg Cronenbourg et rue du Rhin Napoléon à Strasbourg-Port du Rhin, aurait été soumise avec retard à la signature des membres du conseil municipal est sans influence sur la régularité de cette délibération dont l'existence est établie ; qu'ainsi, la VILLE DE STRASBOURG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé illégale ladite délibération faute de production des signatures des membres présents ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant, en premier lieu, que l'usage du terme « approuver » utilisé dans la délibération litigieuse, ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme traduisant de la part de la VILLE DE STRASBOURG une méconnaissance de sa propre compétence, dès lors qu'il ressort des termes de la délibération qu'elle a seulement entendu donner son accord au «schéma d'accueil des gens du voyage que la communauté urbaine de Strasbourg projette d'aménager sur son territoire» ;

Considérant, en deuxième lieu, que la délibération attaquée décide, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de mettre à la disposition de la communauté urbaine de Strasbourg deux terrains destinés à permettre l'accueil des gens du voyage ; qu'elle n'a ni pour effet, ni pour objet d'organiser l'aménagement de ces terrains qui relève, selon les termes mêmes de la délibération, de la compétence de la communauté urbaine conformément à la convention passée le 21 septembre 1994 ; que si Mme X, invoquant les dispositions de la loi du susvisée du 5 juillet 2000, soutient que le choix du site de Strasbourg-Cronenbourg ne garantit pas les règles d'hygiène et de sécurité à l'égard des gens du voyage, ni ne permet de leur éviter les effets de la relégation, il ne ressort pas des pièces du dossier que la localisation retenue, qui tient compte, notamment, de la proximité d'équipements scolaires, de services publics municipaux et d'infrastructures de transports serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme X ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 5 juillet 2001, d'ailleurs non publiée, qui est dépourvue de valeur réglementaire ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que l'acte litigieux ne respecterait pas l'objectif de valeur constitutionnelle consistant en la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, ne peut en tout état de cause affecter la légalité dudit acte, lequel n'est qu'un acte d'exécution du schéma départemental d'accueil des gens du voyage, lui-même pris en application de la loi du 5 juillet 2000, et n'a pas pour objet de fixer les conditions de logement des gens du voyage mais de déterminer des aires susceptibles de les accueillir en tenant compte de leur mode d'habitat ;

Considérant, en cinquième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exprimés ci-dessus, le choix d'une aire d'accueil dont il n'est pas contesté qu'elle doit faire l'objet d'aménagements destinés à remédier aux inconvénients résultant de sa situation aux abords d'une autoroute et d'une voie ferrée, ne peut, en tout état de cause, être regardé comme portant atteinte aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en sixième lieu, que compte tenu de la nature et de l'objet de la décision attaquée, il ne peut être utilement soutenu que le choix d'une aire d'accueil marquerait une renonciation de la part du maire de la VILLE DE STRASBOURG à l'exercice de ses pouvoirs propres de police ;

Considérant, en septième lieu, que le moyen selon lequel la VILLE DE STRASBOURG ne serait pas propriétaire des terrains n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de Mme X, que la VILLE DE STRASBOURG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 5 juillet 2004 du conseil municipal en tant qu'elle met à la disposition pour l'accueil des gens du voyage un terrain situé au port du Rhin à Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la VILLE DE STRASBOURG, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de

Mme X le paiement à la VILLE DE STRASBOURG de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 octobre 2007 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Mme X versera à la VILLE DE STRASBOURG la somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE STRASBOURG, à la Communauté urbaine de Strasbourg et à Mme X.

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N° 07NC01571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01571
Date de la décision : 27/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-11-27;07nc01571 ?
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