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02/06/2008 | FRANCE | N°06NC01026

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 juin 2008, 06NC01026


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE, société à responsabilité limitée dont le siège est 33 rue des Trois Rois à Mulhouse (68100), par Me Avitabile ; la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301178 en date du 18 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre

1999 ;

2°) de prononcer la décharge desdites impositions ;

3°)...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE, société à responsabilité limitée dont le siège est 33 rue des Trois Rois à Mulhouse (68100), par Me Avitabile ; la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301178 en date du 18 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 ;

2°) de prononcer la décharge desdites impositions ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les sommes versées avec intérêts moratoires ;

4°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la notification de redressements est insuffisamment motivée ;

- que le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation des faits en considérant que Mme Serrière devait être regardée comme salariée alors qu'elle présente toutes les caractéristiques du statut d'agent commercial ;

- qu'en tout état de cause, elle a droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée facturée dès lors que Mme Serrière était immatriculée au registre des agents commerciaux, ce qui fait présumer sa qualité d'agent commercial, dont elle avait toutes les apparences, et qu'elle est de bonne foi ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens énoncés par la requérante ne sont pas fondés ;


Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 21 février 2008 à 16 heures ;





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;





Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2008 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- les observations de Me Avitabile, avocat de la SARL TROIS ROIS IMMOBILIERE ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;



Considérant que la SARL TROIS ROIS IMMOBILIERE, qui a pour objet l'exploitation d'une agence immobilière, a conclu avec Mmes Grassler et Serrière des contrats d'agent commercial leur donnant mandat de la représenter auprès de la clientèle ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de celles-ci, l'administration a, en estimant que leur activité n'était pas exercée de manière indépendante vis-à-vis de la société, requalifié en traitements et salaires les honoraires qu'elle leur avait versés et remis consécutivement en cause la déduction qu'elle avait opérée de la taxe sur la valeur ajoutée grevant lesdits honoraires ; qu'après avoir notifié à ladite société les redressements en résultant, l'administration n'a mis en recouvrement que la taxe figurant sur les honoraires versés à Mme Serrière, dont la société demande la décharge ;


Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : «L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation...» ;

Considérant que la notification de redressement adressée le 22 décembre 2000 à la SARL TROIS ROIS IMMOBILIERE comporte l'énoncé du motif du redressement, tiré de ce que les éléments constatés lors des vérifications de comptabilité de Mmes Serrière et Grassler, et notamment l'analyse des contrats les liant à l'agence immobilière, ont conduit le service à requalifier leurs honoraires en traitements et salaires dès lors que leur activité n'était pas exercée de manière indépendante vis-à-vis de celle-ci et, qu'il s'ensuivait que la taxe sur la valeur ajoutée collectée par ces deux personnes ayant été ainsi facturée à tort, la société ne pouvait la déduire ; que ladite notification précise le fondement légal dudit redressement ainsi que son mode de calcul, la liste des factures concernées et l'indication de leur montant étant par ailleurs précisées en annexe ; que les éléments ainsi contenus dans cette notification étaient suffisants pour permettre à la société requérante de formuler utilement ses observations, alors même que le service n'avait pas indiqué expressément les clauses des contrats et les modalités d'exercice de l'activité de Mmes Grassler et Serrière l'ayant conduit à estimer que celles-ci n'agissaient pas de manière indépendante vis-à-vis de la société ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;


Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : «Sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : Les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur...» ; qu'aux termes de l'article 271-II-1 du même code : «Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrant droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a. celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures» ;


Considérant, en premier lieu, que si Mme Serrière a conclu le 6 juin 1996 avec la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE un «contrat d'agent commercial» lui conférant mandat de la représenter auprès de la clientèle et stipulant qu'elle exercera cette représentation sans aucun lien de subordination et en organisant son activité en toute indépendance, il résulte de l'instruction que l'intéressée, qui effectuait son activité au siège même de la société, ne disposait pas de fichier clients personnel et se voyait fixer certains de ses rendez-vous par Mme Grassler, associée majoritaire de la société, était assujettie à un horaire de travail quotidien, n'acquittait aucune somme en contrepartie de la mise à disposition des locaux et du matériel de la société et exerçait par ailleurs, lorsqu'elle ne se trouvait pas en déplacement auprès de la clientèle, diverses tâches de secrétariat pour le compte de la société ; que le contrat précité stipulait en outre pour Mme Serrière l'obligation de réaliser un minimum d'activité, la commission de 50 % sur le montant hors taxe des factures qui constituait sa rémunération étant alors susceptible d'être réduite ; que les modalités d'exercice susrappelées de ses attributions établissent l'existence d'un lien de subordination de Mme Serrière par rapport à la société requérante, à laquelle l'intéressée vouait par ailleurs l'intégralité de ses activités ; que si ladite société fait valoir que les commissions versées à l'intéressée étaient réduites de moitié lorsque les affaires traitées provenaient de mandats obtenus par d'autres personnes, le principe même d'une rémunération liée aux efforts de prospection accomplis n'est pas incompatible avec le statut de salarié ; qu'eu égard notamment à la modicité des montants en cause par rapport à la mise à disposition gratuite de Mme Serrière des bureaux et du matériel de la société, la seule circonstance, au demeurant non établie, que la part professionnelle des factures de téléphone portable libellées à l'intention de l'intéressée ne ferait l'objet d'aucune refacturation à la société ne saurait déterminer la qualification des revenus perçus par celle-ci ; qu'au demeurant, si la convention précise que Mme Serrière assurerait seule les frais de sa prospection et de son organisation, l'administration précise sans être contredite que certaines dépenses nécessaires à la prospection de la clientèle étaient refacturées à la société ;


Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer que la société requérante entende faire valoir qu' en renonçant au redressement envisagé à l'encontre de Mme Grassler, l'administration aurait pris une position formelle dont elle serait fondée à se prévaloir en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ladite société n'est en tout état de cause pas fondée à invoquer cette circonstance, dès lors que, si Mme Grassler avait conclu une convention rédigée de manière identique à celle de Mme Serrière, cette renonciation est liée au fait que Mme Grassler, associée majoritaire de la société, ne pouvait être considérée comme placée dans un lien de subordination vis-à-vis de celle-ci ;


Considérant, enfin, que la société requérante, qui ne pouvait ignorer les conditions d'exercice de l'activité de l'intéressée, ne saurait sérieusement soutenir qu'en admettant même que l'administration soit fondée à requalifier en traitements et salaires les honoraires perçus par Mme Serrière, elle serait néanmoins fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant lesdits honoraires dès lors que celle-ci était immatriculée au registre des agents commerciaux et aurait ainsi vis-à-vis d'elle toutes les apparences d'un agent commercial ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE TROIS ROIS IMMOBILIERE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.



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N° 06NC01026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01026
Date de la décision : 02/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SELAS JLA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-06-02;06nc01026 ?
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