Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2006 et complétée par mémoires enregistrés les 15 décembre 2006 et 30 janvier 2008, présentée pour l'EURL CRMO, domiciliée 20, rue de Lambarene à Illkirch-Graffenstaden, par la SELARL Goepp et Schott, avocats ;
L'EURL CRMO demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0303347-0303348 en date du 4 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1998 au 31 mars 2001 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999, 2000 et 2001 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre une somme de 5 000 € à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- qu'elle a démontré l'absence de débat oral et contradictoire ;
- qu'en lui offrant la possibilité de présenter des observations, même après l'expiration du délai de 30 jours, l'administration a offert une garantie au contribuable dont elle l'a finalement privée ;
- que les redressements sont insuffisamment motivés ;
- que le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve et n'a pas motivé sa décision quant à la confirmation du rejet des charges et des investissements comptabilisés ;
- que le tribunal a ignoré les conditions d'exploitation de son activité et a fait une analyse erronée de celles-ci ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2006 et complété par mémoire enregistré le 13 février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens énoncés par la requérante ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 :
- le rapport de M. Vincent, président,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'imposition :
Considérant en premier lieu que si la possibilité d'avoir sur place un débat oral et contradictoire avec le vérificateur figure au nombre des garanties offertes au contribuable lors d'une vérification de comptabilité, il résulte de l'instruction que celle-ci s'est déroulée au siège de l'entreprise et que le gérant de l'EURL CRMO a eu au moins trois entretiens avec le vérificateur, dont deux en présence du comptable ; que la circonstance que le vérificateur a estimé que certaines charges n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'exploitation ne saurait établir que ce dernier se serait refusé à tout échange de vues avec le gérant de l'entreprise ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation … » ;
Considérant que, par notification en date du 25 avril 2002, l'administration a précisé l'objet, la date et le montant des charges dont elle a refusé la déduction au motif que, contrairement aux dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts, les dépenses correspondantes n'avaient pas été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou ne se rattachaient pas à la gestion normale de l'entreprise ; qu'elle a ainsi suffisamment motivé le redressement litigieux, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'administration n'ait pas justifié le pourcentage de 25 % à concurrence duquel elle a proposé d'admettre la déduction des dépenses comptabilisées au poste « déplacements, missions et réceptions » ;
Considérant en dernier lieu qu'aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L''administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition » ;
Considérant que, par la notification susrappelée en date du 25 avril 2002, reçue le 29 avril 2002 par l'EURL CRMO, l'administration a, conformément aux dispositions précitées, informé l'intéressée qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour présenter son acceptation ou ses observations et qu'elle serait considérée comme ayant accepté les redressements à défaut de réponse dans ce délai ; que, par demande du 28 mai 2002, réitérée le 5 juin 2002, le gérant de l'EURL CRMO a sollicité un délai supplémentaire de réponse ainsi qu'un entretien avec le vérificateur ; que, par correspondance en date du 14 juin 2002, ce dernier a, d'une part, constaté qu'aucune observation n'avait été présentée dans le délai précité de trente jours sur les redressements notifiés le 25 avril 2002 et que ceux-ci étaient en conséquence maintenus dans leur intégralité, d'autre part, invité néanmoins l'EURL CRMO à lui faire parvenir dans un délai de trente jours toutes observations ou éléments justificatifs qui « feront l'objet d'un examen attentif de sa part » ; qu'il résulte des termes susrappelés de cette correspondance que si le service est resté ouvert au dialogue, il a néanmoins, en faisant à cet égard une exacte application des dispositions précitées, entendu rappeler simultanément que le redressement était devenu définitif faute pour le contribuable d'avoir présenté ses observations dans le délai de trente jours ; que, par suite, ladite correspondance étant dépourvue de toute ambiguïté, la requérante ne saurait en tout état de cause soutenir que l'administration lui aurait offert une garantie dont elle l'aurait finalement privée en lui faisant savoir par lettre du 2 août 2002 que les observations qu'elle avait présentées le 15 juillet 2002 avaient été émises au delà du délai de trente jours suivant la réception de la notification de redressement et ne pourraient ainsi être examinées que dans une éventuelle procédure contentieuse ultérieure ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209-I du même code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant…notamment…1° Les frais généraux de toute nature…2° Les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation… » ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier toutes les écritures venant en diminution de l'actif net ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable doit, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que sa comptabilité aurait été reconnue sincère, apporter cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la marchandise ou la prestation n'a pas été réellement livrée ou exécutée, que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie pour le contribuable ou que la rémunération de celle-ci est excessive ;
Considérant, en premier lieu, que l'EURL CRMO a fait figurer à l'actif de son bilan un dispositif d'alarme anti-intrusion, une parabole pour réception des émissions de télévision et l'acquisition d'un magnétoscope, dont est dotée la maison d'habitation du gérant de l'EURL CRMO ; que si la requérante fait valoir que ces équipements ont également un usage professionnel en tant que celle-ci abriterait un stock de marchandises et que des séminaires de formation seraient organisés au domicile de son gérant, au cours desquels elle diffuserait des émissions de télévision et utiliserait le magnétoscope en cause, il ne résulte pas de l'instruction que, s'agissant de matériels susceptibles d'être utilisés tant à usage privé qu'à usage professionnel, le service aurait fait une insuffisante appréciation de l'usage professionnel de ces équipements en admettant la déduction des amortissements y afférents à concurrence du tiers ;
Considérant, en deuxième lieu, que la requérante n'établit pas davantage que l'acquisition de décorations de Noël ou l'achat de disques aux Etats-Unis, qui constituent ordinairement des dépenses à usage privé dont le service était ainsi fondé à refuser la déduction, auraient été effectuées dans l'intérêt direct de son exploitation ;
Considérant en troisième lieu qu'en admettant même que la requérante aurait disposé d'un stock de produits au domicile de son gérant, celle-ci n'apporte aucune justification à l'appui de son affirmation selon laquelle les frais de location d'une camionnette s'élevant à 749 F correspondraient aux frais de transport de ce stock lors du changement du siège de l'entreprise ;
Considérant en dernier lieu que l'EURL CRMO produit pour la première fois dans son mémoire en réplique divers éléments relatifs aux charges dont l'administration a refusé la déduction ; que, toutefois, s'agissant de frais de transport s'élevant à 984 F, il n'est pas prouvé que cette somme, débitée le 27 juillet 1998, corresponde à des frais de déplacement encourus en juin ; que le moyen relatif aux charges locatives est insuffisamment précis pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il n'est pas établi, alors même que l'EURL CRMO exercerait ses activités au domicile personnel de son gérant, que les dépenses de matériel informatique, de bricolage, de bureau ou de stockage et les frais de téléphone sur la ligne privée du gérant seraient liés à son exploitation, de même que les frais de pressing, de réparations et d'achats divers tels que vêtements, tabac et articles de souvenir ; qu'il en est de même des frais de restaurant exposés le dimanche ; que, s'agissant des frais de déplacement, missions et réceptions, s'il résulte de l'instruction que l'EURL CRMO exerçait une activité au Maroc et que le gérant s'est rendu à Munich en novembre 2000 pour des motifs professionnels et que doivent ainsi être admis en déduction les frais de téléphone encourus au Maroc, les éventuels frais de déplacement exposés pour s'y rendre, et les frais d'hébergement à Munich, il ne ressort pas de la seule attestation du directeur général d'Herbalife en date du 29 janvier 2008 indiquant les lieux et dates de divers séminaires de formation organisés en 1998, 1999 et 2000 dans diverses régions du monde que l'EURL CRMO ait accompli les déplacements correspondants, qui ne sauraient au demeurant être pris en considération que pour les seuls membres de la famille exerçant une activité en son sein ; qu'en tout état de cause, la requérante n'établit pas que les charges non admises en déduction excéderaient les 25 % retenus par le service dans l'impossibilité qui était la sienne de séparer les dépenses à caractère professionnel des autres dépenses au vu des seules pièces justificatives alors fournies ; qu'enfin, s'il ressort de la notification des redressements litigieux que le service des impôts à réintégré en produits une somme de 28 709 F au titre de la participation des vendeurs aux frais de séminaires que l'EURL CRMO aurait avancés pour leur compte, celle-ci ne conteste pas utilement l'affirmation du service des impôts selon laquelle cette somme a été spontanément réintégrée en produits par le comptable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL CRMO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses requêtes tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1998 au 31 mars 2001 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 1999, 2000 et 2001 consécutivement à la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL CRMO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL CRMO et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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06NC00952