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07/02/2008 | FRANCE | N°07NC00826

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2008, 07NC00826


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2007, présentée pour Monsieur Bardhyl X demeurant ... par Maître Mace Ritt, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal Administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de

pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un...

Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2007, présentée pour Monsieur Bardhyl X demeurant ... par Maître Mace Ritt, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal Administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation au besoin sous astreinte ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2.392 € TTC au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a omis de statuer sur un moyen ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 1er février 2007 en tant qu'elle refuse le titre de séjour et qu'elle porte obligation de quitter le territoire n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 313-11 7° et L.313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet, par sa décision contestée du 1er février 2007, n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;

- la décision relative à l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de l'exception d'illégalité du refus de séjour en annulant la mesure d'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise par une autorité incompétente ; elle fixe un pays autre que le pays d'origine du requérant et méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Vu, enregistré le 28 décembre 2008, le mémoire en défense présenté par le préfet du Bas-Rhin tendant au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que la demande de titre de séjour ne relève pas de la commission du titre de séjour ; qu'elle n'est pas contraire aux dispositions de l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni n'est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. X ; que l'obligation de quitter le territoire est régulièrement motivée ; qu'elle est fondée sur le refus de titre de séjour qui n'est pas illégal ; que la décision fixant le pays de renvoi a été prise par une autorité compétente et n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2008 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;



Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des termes du jugement que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste que le préfet aurait commise dans son appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle et familiale de M. X ; que dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement n'est pas entaché d'une omission à statuer. ;



Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 1er février 2007 en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : […] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; que M. X, originaire du Kosovo, entré irrégulièrement en France le 26 septembre 2005 où il a épousé le 2 décembre 2005 une compatriote, entre dans la catégorie des étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial en sa qualité de conjoint d'un étranger titulaire d'un titre de séjour portant la mention « salarié » ; qu'il ne peut ainsi prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Bas-Rhin, qui n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ainsi que l'a jugé le Tribunal par des motifs qu'il y a lieu, sur ce point, d'adopter, a refusé, par sa décision du 1er février 2007, de lui délivrer une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées ;


Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : « 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a conservé des attaches fortes dans son pays d'origine où vit toute sa famille ; que, compte tenu de ces circonstances, et eu égard à la brièveté de son séjour en France et au caractère récent de son mariage ainsi qu'à la faculté dont dispose M. X de déposer une demande tendant à bénéficier du regroupement familial, la décision susmentionnée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;


Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; que si M. X fait valoir que lui et son épouse ont mis en place une procédure de fécondation in vitro et que son épouse est enceinte, il est constant qu'à la date de la décision contestée, aucun enfant n'était né au sein du foyer ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est, dès lors, inopérant ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir, à ce titre, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle et familiale ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 mai 2007, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2007 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;



Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en date du 1er février 2007 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de destination :


Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :


Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du
11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait fait mention dans sa décision de l'article L. 511-1 du même code qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en se bornant en l'espèce à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin a méconnu cette exigence ; que cette décision par laquelle il a fait obligation à M. X de quitter le territoire français et fixé le pays de destination doit en conséquence être annulée ;



Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant que si le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer un titre de séjour, il implique, par application des dispositions précitées, que le préfet du Bas-Rhin délivre à M. X, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa demande ; qu'il y a lieu, par suite d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer, dans un délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour à M. X jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur son cas , qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;



Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :



Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Strasbourg du 29 mai 2007 en tant qu'il rejette les conclusions de M. X dirigées contre la décision, en date du 1er février 2007, du préfet du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que ladite décision, dans cette même mesure, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer, dans un délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour à M. X jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X une somme de cinq cents euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bardhyl X, et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.


Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.


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07NC00826


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00826
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SCP LALUET MACE ALLOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-02-07;07nc00826 ?
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