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07/02/2008 | FRANCE | N°06NC01461

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2008, 06NC01461


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2006, présentée pour M. Gabriel X, demeurant ..., par Me Strohmann, avocat ;
M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401778 en date du 19 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de Lesménils à lui payer la somme de 92 309 € assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de la renonciation de la commune à réaliser le projet d'extension du groupe scolaire qui avait justifié la procédure d'expropriation

de terrains qu'il possédait ;

2°) de condamner la commune de Lesménils à...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2006, présentée pour M. Gabriel X, demeurant ..., par Me Strohmann, avocat ;
M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401778 en date du 19 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de Lesménils à lui payer la somme de 92 309 € assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de la renonciation de la commune à réaliser le projet d'extension du groupe scolaire qui avait justifié la procédure d'expropriation de terrains qu'il possédait ;

2°) de condamner la commune de Lesménils à lui payer ladite somme, assortie des intérêts au taux légal au jour de la demande préalable ;

3°) de mettre une somme de 1 500 € à la charge de la commune de Lesménils au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que, contrairement aux termes de la déclaration d'utilité publique, le terrain dont il a été exproprié n'a pas été affecté à la réalisation d'un groupe scolaire, mais à la réalisation d'une salle socio-culturelle, quinze ans après avoir été laissé à l'abandon, réalisation dont tant l'utilité que le coût pouvaient donner lieu à contestation ;

- qu'il a été victime d'un détournement de procédure, qui a privé l'indivision X d'une somme de 646 164 €, représentant la différence entre l'indemnité d'expropriation perçue en 1989 et le prix auquel elle aurait pu vendre aujourd'hui ;

- qu'ainsi son préjudice s'établit à 92 309 € dès lors qu'il détient 1/7e dans l'indivision ;

- que la salle socio-culturelle et les terrains de jeux ultérieurement réalisés sur sa parcelle ne sont pas destinés aux enfants ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 février 2007, présenté pour la commune de Lesménils, par Me Lebon ;

La commune de Lesménils conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 4 000 € soit mise à la charge de M. X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas rejeté la requête comme irrecevable ;

Elle soutient :

- que la requête de M. X est irrecevable comme prescrite au regard du délai de prescription de 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation fixé par l'article 2270-1 du code civil concernant les actions en responsabilité civile extra contractuelle ;

- que la prescription quadriennale était également acquise et lui a été opposée par la commune ;

- que, subsidiairement, la demande de M. X est irrecevable du fait du défaut de qualité à agir devant les juridictions administratives, sa qualité de co-indivisaire ne lui donnant pas compétence pour introduire une action portant sur un bien faisant partie d'une indivision et ayant été exproprié ;

- que, sa requête est également irrecevable en tant qu'il ne critique pas le jugement attaqué ;

- que, plus subsidiairement, la requête est infondée et l'intéressé est au surplus forclos dans sa réclamation relative à l'objet de l'expropriation ;


Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 avril 2007, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient en outre que celle-ci est recevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2008 :

- le rapport de M. Vincent, président,
- les observations de Me Gallot, avocat de la commune de Lesménils,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur les conséquences du décès de M. X :

Considérant que notification a été faite le 9 janvier 2008 par l'avocat du requérant du décès de celui-ci survenu en cours d'instance d'appel ; qu'à la date de cette notification, l'affaire était en état d'être jugée ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu pour la cour de statuer sur la requête de M. X, sans qu'il soit ainsi besoin que les héritiers du requérant déclarent vouloir reprendre l'instance ;


Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir et les exceptions de prescription opposées par la commune de Lesménils :

Considérant que, par arrêté en date du 9 mai 1985, le préfet de Meurthe-et-Moselle a déclaré d'utilité publique l'acquisition de terrains en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement et de construction à usage scolaire à proximité de la mairie-école sur le territoire de la commune de Lesménils ; que l'arrêté de cessibilité d'une parcelle de 1,22 hectare appartenant à l'indivision X et située entre la mairie-école et l'établissement scolaire préexistant est intervenu le 2 octobre 1989 ; que le transfert de propriété à la commune a été opéré le 10 novembre 1989 et l'indemnité d'expropriation fixée à 978 960 F par jugement du Tribunal de Grande Instance de Nancy en date du 27 juin 1990 ;

Considérant que s'il est constant que, sur la foi de projections démographiques effectuées par la commune, qui avait à l'époque prévu la construction de 380 habitations nouvelles, l'inspection académique avait en 1974 jugé nécessaire la construction de 7 classes primaires supplémentaires et de 3 classes maternelles, justifiant une extension de 500 m2 de l'établissement scolaire, un tel projet, au demeurant revu à la baisse en 1982 lors de la première révision du plan d'occupation des sols, seules trois classes primaires et deux de maternelle étant désormais prévues, n'a pas été réalisé, la population de la commune n'ayant que modérément augmenté et le nombre total de classes demeurant limité à deux eu égard tant à la composition de la population qu'à un regroupement scolaire opéré avec deux communes voisines ; qu'en invoquant la circonstance que la commune de Lesménils aurait laissé inoccupée la parcelle dont s'agit puis y aurait implanté des équipements ne correspondant pas à ceux faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique, M. X, membre de l'indivision du même nom, recherche la responsabilité de la commune en faisant valoir le préjudice né de la privation du bénéfice de l'augmentation de la valeur du terrain qu'il aurait conservé à son profit si l'expropriation n'était pas intervenue ;

Considérant, en premier lieu, que la commune de Lesménils a utilisé le terrain litigieux, dont la superficie était en tout état de cause très supérieure à celle nécessitée par les besoins initialement exprimés par l'inspection académique, pour réaliser en 1991 une extension de la cour de l'école sur une surface de 550 m2, puis pour aménager en 1992 un terrain de football non uniquement destiné aux enfants des écoles et que la commune présente comme jouant également un rôle de réserve foncière, et enfin pour construire en l'an 2000 sur la fraction de la parcelle demeurant disponible une salle polyvalente dite « salle socio-éducative », dont, contrairement à ce que soutient la commune, il n'est pas établi qu'elle pourrait être affectée à l'accueil des enfants scolarisés ; que, toutefois, si le requérant est fondé à faire observer que les équipements ainsi réalisés ne correspondent pas, pour l'essentiel, à ceux mentionnés dans la déclaration d'utilité publique, il lui était loisible, sur le fondement de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation, de demander la rétrocession du terrain dont s'agit en faisant valoir la circonstance que l'immeuble ainsi exproprié n'a pas reçu dans le délai de cinq ans la destination initialement prévue ; qu'en l'absence d'une telle demande de rétrocession de la part de l'indivision X, la commune de Lesménils a pu légalement conserver la propriété dudit terrain ; qu'ainsi, si ladite commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne conférant pas aux terrains expropriés l'objet pour lequel leur acquisition avait été déclarée d'utilité publique, cette faute ne présente pas un lien direct de causalité avec le préjudice invoqué par M. X ;

Considérant, en deuxième lieu, que tant l'agrandissement de la cour de l'école que l'aménagement d'un terrain de sport susceptible en outre de constituer une réserve foncière en vue d'un développement futur ainsi que la construction d'une salle polyvalente répondent à un intérêt général ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le coût financier de l'ensemble des réalisations précitées aurait été si considérablement supérieur à celui de l'opération envisagée en 1985 que l'opération effectivement réalisée n'aurait pu légalement être déclarée d'utilité publique ; que si la commune de Lesménils a certes commis une faute en ne sollicitant pas l'octroi d'une nouvelle déclaration d'utilité publique pour le nouveau projet qu'elle a ainsi arrêté, cette faute n'est ainsi pas davantage en relation de causalité directe avec le préjudice que fait valoir le requérant ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en procédant aux aménagements et constructions précitées, la commune de Lesménils n'a poursuivi aucun but étranger à l'intérêt général ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait été, en recherchant l'expropriation du terrain en cause, animée par une intention autre que celle d'en disposer effectivement pour y réaliser divers équipements utiles à la population ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir et de procédure allégué de ce fait n'étant pas établi, la responsabilité de la commune de Lesménils ne saurait être engagée de ce dernier chef ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Lesménils ;


Sur l'appel incident de la commune de Lesménils :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté dans son intégralité la requête de M. X ; que la commune de Lesménils n'est pas recevable à critiquer les motifs par lesquels le tribunal s'est prononcé pour ce faire ; qu'ainsi les conclusions incidentes de la commune de Lesménils tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur les fins de non-recevoir opposées à la requête de M. X doivent être rejetées ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lesménils, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme que demande la commune de Lesménils au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



D É C I D E :




Article 1er : La requête de M. X est rejetée ainsi que l'appel incident de la commune de Lesménils.


Article 2 : Les conclusions de la commune de Lesménils tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux héritiers de M. Gabriel X et à la commune de Lesménils.

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06NC01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01461
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : STROHMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-02-07;06nc01461 ?
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