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17/01/2008 | FRANCE | N°07NC00174

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 janvier 2008, 07NC00174


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2007, présentée pour la COMMUNE D'AIGLEMONT, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 22 janvier 2007 et domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville d'Aiglemont (08090), par la SCP ACG et associés ; la COMMUNE D'AIGLEMONT demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0301341 en date du 7 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision de son maire du 23 juin 2003 rapportant la délégation

de fonctions attribuée à M. Y ;

2°) de rejeter la demande de M. Y devant...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2007, présentée pour la COMMUNE D'AIGLEMONT, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 22 janvier 2007 et domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville d'Aiglemont (08090), par la SCP ACG et associés ; la COMMUNE D'AIGLEMONT demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0301341 en date du 7 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision de son maire du 23 juin 2003 rapportant la délégation de fonctions attribuée à M. Y ;

2°) de rejeter la demande de M. Y devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de M. Y une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Elle soutient :

- que le jugement du tribunal administratif est irrégulier en tant qu'il a refusé d'examiner l'autre motif invoqué dans le mémoire en défense, tenant à l'incapacité de M. Y d'exercer ses fonctions d'adjoint aux finances, en invoquant le fait qu'une demande de substitution de motifs n'a pas été formulée expressément, et ce d'autant que le retrait d'une délégation à un adjoint n'est pas soumis à obligation de motivation ;

- qu'un maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations consenties sous réserve que sa décision ne soit pas fondée sur des faits matériellement inexacts ou inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;

- qu'en l'espèce, la décision est fondée sur l'opposition de M. Y lors d'un vote important, sur son abstention dans une autre affaire d'importance, sur un fait précis entachant la confiance que lui accordait le maire et, surtout, sur l'incapacité de l'intéressé à présenter et expliciter aux conseillers municipaux les divers documents comptables de la commune ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2007, présenté pour M. Y, par la SELARL Simon-Pierrard ;

M. Y conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE D'AIGLEMONT au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient

- que le mémoire en défense de première instance de la commune était irrecevable faute de délibération du conseil municipal ;

- que la requête d'appel est elle-même irrecevable pour défaut de respect de la procédure de mise en oeuvre par le maire des délégations confiées au conseil municipal ;

- que la commune ne conteste pas l'irrégularité formelle de l'arrêté litigieux ;

- que le jugement du tribunal administratif n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- que le retrait de délégation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;


Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 14 septembre 2007 à 16 heures ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2007 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;



Sur la recevabilité de l'appel de la COMMUNE D'AIGLEMONT :

Considérant que, par délibération en date du 22 janvier 2007, le conseil municipal de la COMMUNE D'AIGLEMONT a autorisé son maire à faire appel du jugement du 7 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M. Y, annulé la décision de son maire du 23 juin 2003 retirant à ce dernier la délégation d'adjoint aux finances ; que la circonstance, au demeurant non établie, que le maire aurait été autorisé par le conseil municipal en début de mandat à intenter toute action en justice au nom de la commune ou à défendre à toute action introduite contre celle-ci est sans incidence sur la régularité de cette délibération, de même que le fait que, par suite d'une simple erreur matérielle, la date du 15 janvier 2007 mentionnée comme correspondant à la date de convocation du conseil municipal a été également indiquée comme étant celle de l'affichage de ladite délibération ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par M. Y doit être écartée ;


Sur la régularité des mémoires en défense de première instance de la COMMUNE D'AIGLEMONT :

Considérant qu'il ressort de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal de la COMMUNE D'AIGLEMONT que ce dernier a, en sa séance du 19 septembre 2003, autorisé le maire à défendre les intérêts de la commune dans la procédure engagée par M. Y devant le tribunal administratif ; que si ce dernier soutient que le conseil municipal n'aurait pas adopté une telle délibération, il ne l'établit pas ; qu'enfin, comme il a été dit ci-dessus, la circonstance que le maire aurait, par une délibération antérieure, été autorisé d'une manière générale à défendre à toutes les actions en justice engagées à l'encontre de la commune est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ladite délibération ;


Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : «Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal…» ; qu'en vertu de l'article L. 2122-20 du même code, les délégations données par le maire subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées ;

Considérant que s'il est constant que M. Y s'est, d'une part, prononcé le 3 mai 2002 contre l'exercice du droit de préemption par la commune s'agissant de l'acquisition d'une propriété de 254 mètres carrés pour un montant de 13 720 euros, d'autre part, abstenu le 28 juin 2002 à propos de l'acquisition de bâtiments dépendant d'une liquidation judiciaire pour une somme de 38 161 euros, il n'est pas allégué que les votes ainsi émis, dont le sens a d'ailleurs été partagé par d'autres adjoints au maire, aient été accompagnés de manifestations publiques d'opposition de la part de M. Y ; qu'il ressort par ailleurs des montants financiers précités auxquels correspondent les opérations litigieuses que celles-ci, en l'absence de tout autre enjeu invoqué par la commune, ne portaient pas sur des projets importants pour elle, contrairement à ce qu'elle soutient ; qu'enfin, les votes en cause ont été exprimés un an avant la décision litigieuse ; qu'il s'ensuit que l'émission des votes susrappelés par M. Y ne saurait être regardée comme révélant l'existence de dissensions sérieuses et répétées portant sur des projets importants pour la commune ; que, par suite, la COMMUNE D'AIGLEMONT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que la décision litigieuse ne pouvait être justifiée par un tel motif ;

Considérant, cependant, que si la décision du 23 juin 2003 par laquelle le maire d'Aiglemont a retiré à M. Y, adjoint au maire, la délégation qu'il lui avait attribuée est uniquement motivée par les dissensions sérieuses et répétées l'opposant au maire sur des projets importants pour la COMMUNE D'AIGLEMONT, celle-ci a indiqué, par mémoire en défense enregistré le 8 avril 2004, que la décision litigieuse était également due à l'incapacité manifestée par M. Y de présenter le budget communal aux membres du conseil municipal ainsi qu'à l'autorisation donnée par l'intéressé à un habitant de la commune d'utiliser le téléphone de la mairie pour contacter des personnes opposées au projet d'urbanisation envisagé par le maire ; qu'en précisant dans son mémoire complémentaire en date du 28 juin 2004, après avoir exposé les autres griefs précités, que «si les oppositions reprochées à M. Y seraient à elles seules insuffisantes à justifier le retrait de sa délégation, force est de constater qu'elles ne sont que l'un des motifs invoqués au soutien du retrait prononcé par le maire», la COMMUNE D'AIGLEMONT doit être regardée comme ayant demandé au juge de procéder si besoin est à une substitution de motifs, comme elle est recevable à le faire ; que si le refus du tribunal d'examiner les autres motifs ainsi invoqués n'affecte pas la régularité du jugement attaqué, contrairement à ce que soutient la COMMUNE D'AIGLEMONT, celle-ci est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'aurait pas demandé de substitution de motifs et se sont uniquement fondés sur le moyen susévoqué pour annuler la décision du maire d'Aiglemont en date du 23 juin 2003 ;


Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande formulée par la COMMUNE D'AIGLEMONT ;


Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que M. Y aurait laissé utiliser le téléphone de la mairie par un habitant de la commune opposé au projet d'urbanisme envisagé par celle-ci ne saurait, eu égard au caractère isolé de cet incident, au demeurant mineur, justifier légalement le retrait de la délégation accordée à l'intéressé ,

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes du mémoire en défense de la commune en date du 8 avril 2004 que la décision litigieuse procède d'abord de l'opposition manifestée par M. Y lors du vote de la délibération du 3 mai 2002 sur l'exercice du droit de préemption de la commune ainsi que de son abstention lors du vote de la délibération précitée du 28 juin 2002, qui est d'ailleurs, comme il a été indiqué ci-dessus, le seul motif que le maire d'Aiglemont avait énoncé dans sa décision, ensuite de la circonstance que l'intéressé a laissé un opposant utiliser le téléphone de la mairie et, enfin, de l'incapacité alléguée de ce dernier de présenter les documents comptables de la commune aux membres du conseil municipal, tâche lui incombant en sa qualité d'adjoint aux finances ; que si l'incapacité de M. Y, à la supposer établie, aurait été à elle seule de nature à fonder légalement la décision attaquée, il ressort de la présentation susrappelée de ses griefs par la commune que le maire n'aurait pas pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce seul motif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'AIGLEMONT n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté de son maire en date du 23 juin 2003 rapportant la délégation d'adjoint aux finances de M. Y ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Y, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la COMMUNE D'AIGLEMONT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE D'AIGLEMONT une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. Y et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la COMMUNE D'AIGLEMONT est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE D'AIGLEMONT versera à M. Y une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'AIGLEMONT et à M. Michel Y.

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N° 07NC00174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00174
Date de la décision : 17/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACG CHALONS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-01-17;07nc00174 ?
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