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20/12/2007 | FRANCE | N°06NC00880

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 20 décembre 2007, 06NC00880


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2006, présentée pour la COMMUNE DE VERDUN, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 5 avril 2001 et domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville, 11 rue Président Poincaré à Verdun (55100), par Me Fady ; la COMMUNE DE VERDUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401615 en date du 14 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy, d'une part l'a condamnée à verser à la société Royal et Sunalliance la somme de 142 672 euros avec

intérêts au taux légal à compter du 4 août 2004 en réparation du préjudice subi...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2006, présentée pour la COMMUNE DE VERDUN, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 5 avril 2001 et domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville, 11 rue Président Poincaré à Verdun (55100), par Me Fady ; la COMMUNE DE VERDUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401615 en date du 14 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy, d'une part l'a condamnée à verser à la société Royal et Sunalliance la somme de 142 672 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2004 en réparation du préjudice subi du fait de l'aggravation de l'incendie survenu le 8 décembre 2000 dans les locaux de la société Bigmat Noël Matériaux, d'autre part, a rejeté son appel en garantie formé contre le service département d'incendie et de secours de la Meuse ;

2°) de rejeter la demande de la société Royal et Sunalliance devant le tribunal administratif ou, subsidiairement, de faire droit à son appel en garantie dirigé contre le service départemental d'incendie et de secours de la Meuse ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Royal et Sunalliance au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :
- que les premiers juges ont estimé à tort que les dysfonctionnements du poteau incendie ont eu des conséquences sur l'aggravation du sinistre, dès lors que l'état d'avancement de celui-ci à l'arrivée des sapeurs-pompiers ne permettait pas de le limiter et de sauver quelque partie du bâtiment que ce soit, et que le bâtiment était totalement embrasé au moment de la rupture de l'alimentation en eau, le bâtiment en cause abritant par ailleurs des produits hautement inflammables sans comporter de système de protection contre l'incendie, et ce alors même que les services de lutte contre l'incendie sont arrivés très rapidement sur les lieux ;

- qu'en tout état de cause, l'absence de carré de manoeuvre sur le poteau d'incendie n'a eu aucune conséquence sur l'aggravation du sinistre ;

- qu'au surplus, il existait d'autres poteaux d'incendie à proximité et le poteau d'incendie en cause pouvait être facilement mis en oeuvre au moyen d'une simple multiprise que les sapeurs-pompiers pouvaient se procurer dans un délai très bref ;

- subsidiairement, qu'il y a lieu de faire droit à son appel en garantie contre le service départemental d'incendie et de secours de la Meuse dès lors que les sapeurs-pompiers n'ont pas réussi à mettre en oeuvre les différents matériels mis à leur disposition, qui étaient cependant en bon état de fonctionnement ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2006, présenté pour la Compagnie Royal et Sunalliance, par Me Chauchard ;

La Compagnie Royal et Sunalliance conclut :

- d'une part, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de toute partie perdante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

A cet égard, elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité de la COMMUNE DE VERDUN ;

- d'autre part, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas condamné la COMMUNE DE VERDUN solidairement avec le service départemental d'incendie et de secours et qu'il a rejeté ses demandes du chef des dommages relatifs au contenu du bâtiment de bureau et des pertes d'exploitation et de condamner la COMMUNE DE VERDUN ou, subsidiairement, celle-ci solidairement avec le service départemental d'incendie et de secours de la Meuse, à lui payer une somme complémentaire de 60 980 euros au titre des dommages causés aux matériels et agencements de bureau et de 49 014 euros au titre des pertes d'exploitation, à majorer des intérêts au taux légal à compter du jour du règlement effectif de ces sommes par elle-même jusqu'au jour du parfait paiement ;

A cette fin, elle soutient :

- que les fautes commises par le service départemental d'incendie et de secours ont contribué à l'aggravation du sinistre ;
- qu'elle a justifié du montant de ses débours au titre des matériels de bureau ;

- que les pertes d'exploitation auraient été moindres si le bâtiment de bureaux avait pu être préservé ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 août 2007, présenté par le service départemental d'incendie et de secours de la Meuse, par Me Larzillière ;

Le service départemental d'incendie et de secours de la Meuse conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel incident de la Compagnie Royal et Sunalliance, à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE VERDUN au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, subsidiairement, à ce que celle-ci soit condamnée à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

Il soutient :

- que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté sa responsabilité ;

- que les conclusions de la société Royal et Sunalliance tendant à la majoration de l'indemnité accordée par le tribunal sont irrecevables et, subsidiairement, infondées ;


Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 7 septembre 2007 à 16 heures ;





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;




Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2007 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- les observations de Me Fady, avocat de la COMMUNE DE VERDUN, et de Me Chauchard, avocat de la SA Royal et Sunalliance ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales : «… les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage…» ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un incendie s'est déclaré dans les locaux exploités à Verdun par la société Bigmat Noël Matériaux le 8 décembre 2000 peu avant 23 heures ; que les sapeurs-pompiers, arrivés sur les lieux à 23 heures 15, ont commencé à combattre l'incendie avec les moyens à leur disposition à partir de 23 heures 17 alors qu'un tiers de la toiture du bâtiment de stockage était déjà effondré ; qu'ils n'ont pu toutefois mettre en service le poteau incendie le plus proche situé à moins de 300 mètres du lieu du sinistre, en raison de l'absence du carré de manoeuvre dont il doit être muni pour en permettre le fonctionnement ; qu'ils se sont alors rendus vers la Meuse, distante de moins de 200 mètres, pour tenter d'en prélever l'eau à l'aide d'une motopompe, vers 23 heures 30, puis, vers 23 heures 35, d'un équipement de pompage monté sur un fourgon, qui se sont révélés toutefois inaptes à pomper l'eau de la Meuse ; que ce n'est qu'à partir de 0 heure 15, alors que le bâtiment était totalement embrasé, que les sapeurs-pompiers, qui avaient pu dans l'intervalle se raccorder à un poteau d'incendie plus éloigné, ont disposé d'une alimentation normale en eau ; que le sinistre n'a été maîtrisé qu'à 2 heures 35 ; que la Compagnie d'assurances Royal et Sunalliance, subrogée dans les droits de la société Bigmat Noël Matériaux, recherche la responsabilité conjointe et solidaire de la COMMUNE DE VERDUN et du service départemental d'incendie et de secours de la Meuse à raison de l'aggravation des conséquences de l'incendie due à la ruine du bâtiment à usage de bureaux, atteint par les flammes postérieurement au bâtiment à usage de stockage ;

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert commis par le juge civil des référés, qui n'est contredit par aucun autre avis d'homme de l'art produit au dossier, que s'il aurait pu être suppléé à l'absence de carré de manoeuvre sur le poteau d'incendie le plus proche du lieu du sinistre, par une pince multiprises, un tel outil, qui n'est ordinairement d'aucune utilité, n'équipe pas les véhicules d'intervention ; que si ce dispositif aurait pu se trouver au centre de secours de Verdun, distant d'environ 700 mètres du lieu de l'incendie, le temps de déplacement nécessaire aux sapeurs-pompiers pour se le procurer n'aurait permis d'utiliser le poteau d'incendie et d'alimenter les grosses lances qu'à 23 heures 30 au plus tôt, soit à un moment où l'incendie avait pris trop d'extension pour pouvoir être maîtrisé alors qu'au contraire, si le poteau d'incendie avait pu être mis en service, les sapeurs-pompiers auraient pu disposer de suffisamment d'eau pour combattre efficacement l'incendie dès 23 heures 25, heure à laquelle seule la moitié de la toiture du bâtiment de stockage étant effondrée, il était encore possible de maîtriser le feu avant qu'il ne se propage à l'immeuble de bureaux ; qu'a fortiori, compte tenu de l'heure à laquelle elles sont survenues, les tentatives infructueuses de pomper l'eau de la Meuse ont eu pour seul effet de retarder l'extinction du sinistre sans en aggraver les conséquences ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le dysfonctionnement du poteau d'incendie le plus proche de l'immeuble sinistré, dont la COMMUNE DE VERDUN avait de surcroît été informée dès fin 1999, puis de nouveau le 4 octobre 2000, avait eu pour effet d'aggraver les conséquences du sinistre et était constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la commune requérante n'établit pas que le bâtiment de stockage abriterait des produits hautement inflammables, circonstance qui ne saurait au demeurant que conduire à une atténuation de sa responsabilité pour faute de la victime, qui ne fait l'objet d'aucune conclusion de sa part ; que sa responsabilité n'étant recherché qu'à raison des conséquences dommageables de l'aggravation de l'incendie par extension à l'immeuble à usage de bureaux, comme il a été dit ci-dessus, la COMMUNE DE VERDUN ne saurait par ailleurs utilement faire valoir ni que le bâtiment de stockage ne serait muni d'aucun système de protection contre l'incendie, ni la circonstance, au demeurant inexacte dès lors qu'une patrouille de police avait constaté un début d'incendie dès 23 heures, que les sapeurs-pompiers seraient arrivés très rapidement sur les lieux ;

Considérant en second lieu que la COMMUNE DE VERDUN ne saurait utilement faire valoir la circonstance que d'autres poteaux d'incendie situés non loin du lieu du sinistre disposaient du carré de manoeuvre nécessaire, dès lors qu'il ne saurait être reproché aux sapeurs-pompiers d'avoir tenté d'utiliser le poteau le plus proche de l'établissement sinistré ; que ne saurait davantage être imputé à faute du service départemental d'incendie et de secours le fait d'avoir tenté de se brancher au poteau d'incendie le plus proche, équipement spécifiquement conçu à l'effet de lutter contre l'incendie, avant de tenter de pomper l'eau de la Meuse ; que s'il ressort du rapport de l'expert que les équipements de pompage de l'eau de la Meuse que les sapeurs-pompiers n'ont pu mettre en fonctionnement ne présentaient aucune défectuosité lors des opérations d'expertise, les fautes qu'auraient ainsi pu commettre les services de lutte contre l'incendie seraient en tout état de cause sans incidence sur l'aggravation des conséquences dommageables du sinistre, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, le sinistre n'était plus maîtrisable à l'heure où ces tentatives ont été effectuées ; qu'il s'ensuit que la COMMUNE DE VERDUN et, par voie d'appel incident, la Compagnie Royal et Sunalliance, ne sont pas fondées à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a écarté la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Meuse ;


Sur le préjudice :

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident de la Compagnie Royal et Sunalliance :

Considérant que les conclusions de la Société Royal et Sunalliance tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions en réparation du préjudice causé par le sinistre précité ne soulèvent pas un litige distinct de l'appel principal de la COMMUNE DE VERDUN tendant à voir écarter sa responsabilité à raison du même sinistre ; qu'il s'ensuit que la Société Royal et Sunalliance est recevable, par voie d'appel incident enregistré après expiration du délai de recours contre le jugement du tribunal administratif, à former de telles conclusions ;

En ce qui concerne le préjudice lié à la perte du contenu de l'immeuble à usage de bureaux :

Considérant que le préjudice lié à la perte du contenu de l'immeuble à usage de bureaux, chiffré distinctement par l'expert, est détaillé poste par poste dans un procès-verbal d'évaluation des dommages cosigné par les experts privés désignés respectivement par la Compagnie Royal et Sunalliance et par la société Bigmat Noël Matériaux et n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties ; que la Compagnie Royal et Sunalliance est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a écarté sa demande de ce chef, s'élevant à la somme de 60 980 euros ;

En ce qui concerne le préjudice d'exploitation :

Considérant en revanche que la Compagnie Royal et Sunalliance n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle la perte d'exploitation résultant de la destruction du magasin de stockage aurait été accrue du fait de la destruction simultanée du bâtiment à usage de bureaux, qui a conduit la société Bigmat Noël Matériaux à recevoir la clientèle dans des locaux provisoires, le stock de marchandises étant lui-même transféré sur un autre site ; qu'il s'ensuit que le surplus des conclusions de l'appel incident de la Compagnie Royal et Sunalliance doit être rejeté ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Compagnie Royal et Sunalliance, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la COMMUNE DE VERDUN au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE VERDUN une somme de 1 000 euros à verser respectivement à la Compagnie Royal et Sunalliance et au service départemental d'incendie et de secours de la Meuse au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 142 672 euros que la COMMUNE DE VERDUN a été condamnée à verser à la Compagnie Royal et Sunalliance par le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 14 mars 2006 est portée à 203 652 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 14 mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La COMMUNE DE VERDUN versera respectivement à la Compagnie Royal et Sunalliance et au service départemental d'incendie et de secours de la Meuse une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de la COMMUNE DE VERDUN est rejetée ainsi que le surplus des conclusions de l'appel incident de la Compagnie Royal et Sunalliance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VERDUN, à la Compagnie Royal et Sunalliance et au service départemental d'incendie et de secours de la Meuse.


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N° 06NC00880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00880
Date de la décision : 20/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : CHAUCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-12-20;06nc00880 ?
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