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29/11/2007 | FRANCE | N°06NC00978

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2007, 06NC00978


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2006, complétée par mémoire enregistré le 2 novembre 2007, présentée pour la SA TENDRELINE, dont le siège social est route de Vittel, CD 469 La Tuilerie à Contrexéville (88140), par Me Vaudescal, avocat de la Cour et la SELARL Génésis Avocats ; la SA TENDRELINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502463 en date du 7 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 octobre 2005 par laquelle la commission départementale d'équipe

ment commercial des Vosges a autorisé la SAS Défi Mode à créer un magasin ...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2006, complétée par mémoire enregistré le 2 novembre 2007, présentée pour la SA TENDRELINE, dont le siège social est route de Vittel, CD 469 La Tuilerie à Contrexéville (88140), par Me Vaudescal, avocat de la Cour et la SELARL Génésis Avocats ; la SA TENDRELINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502463 en date du 7 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 octobre 2005 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial des Vosges a autorisé la SAS Défi Mode à créer un magasin de vêtements d'une surface de vente de 800 m² et un magasin de chaussures d'une surface de vente de 550 m² à Contrexéville ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la SAS Défi Mode à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a déclaré irrecevable sa requête pour défaut de recours administratif préalable devant la commission nationale d'équipement commercial, alors que sa qualité de tiers lui ouvrait droit à la saisine directe du tribunal ;

- la décision de la commission départementale d'équipement commercial est entachée d'un vice de procédure tiré de la présence du secrétaire général de la préfecture en qualité de président de la séance et non du préfet ;

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du critère du gaspillage de l'équipement commercial et de l'écrasement du petit commerce ;


Vu le jugement attaqué


Vu, enregistrés les 12 juin, 14 et 20 septembre 2007 et 31 octobre 2007, les mémoires en défense présentés pour la société Défi-Mode, par la SCP Colombie-Gras-Cretin-Becquevort-Rosier, avocats, qui conclut au rejet de la requête et demande la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la commission départementale d'équipement commercial des Vosges a pu régulièrement être présidée par le secrétaire général de la préfecture, en l'absence du préfet dont il appartient à la requérante d'établir qu'il n'était ni absent, ni empêché ;

- la décision de la commission est suffisamment motivée ;

- le moyen tiré du gaspillage de l'équipement commercial et de l'écrasement du petit commerce n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé :

- le projet est insusceptible d'avoir un effet sur l'équilibre entre les différentes formes de commerce et présente des avantages compensatoires très importants ;


Vu, enregistré le 28 juin 2007, le rapport d'instruction de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en date du 19 septembre 2005 ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;




Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Stahlberger, présidente ;

- les observations de Me Chartier, avocat de la SA TENDRELINE, et de Me Chaineau, avocat de la SAS Défi-Mode,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;




Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que sous réserve du cas où, tant en raison des missions conférées à un ordre professionnel qu'à son organisation à l'échelon local et au plan national, les dispositions législatives ou réglementaires prévoyant devant les instances ordinales une procédure obligatoire de recours administratif préalablement à l'intervention d'une juridiction doivent être interprétées comme s'imposant alors à peine d'irrecevabilité du recours contentieux à toute personne justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour introduire ce recours contentieux, une procédure de recours administratif préalable n'est susceptible de s'appliquer qu'aux personnes qui sont expressément énumérées par les dispositions qui en organisent l'exercice ;

Considérant que les dispositions de l'article 32 modifié de la loi du 27 décembre 1973, reprises à l'article L. 720-10 du code de commerce, prévoient qu'à l'initiative du préfet, de deux membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale d'urbanisme commercial peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial ; que le législateur a ainsi entendu réserver la saisine de la commission nationale d'équipement commercial aux seules personnes énumérées par les dispositions mentionnées ci-dessus ; qu'il suit de là que les tiers qui sont susceptibles de contester la décision de la commission départementale d'équipement commercial sont recevables à saisir directement la juridiction administrative ; que, dans ces conditions la SA TENDRELINE n'avait pas à faire précéder sa demande au Tribunal administratif de Nancy d'un recours administratif préalable ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a déclaré irrecevable la demande dont il était saisi ; que son jugement en date du 7 mars 2006 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA TENDRELINE devant le Tribunal administratif de Nancy ;


Sur la légalité externe et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 32 de la loi susvisée du 27 décembre 1973 dans sa rédaction applicable en l'espèce : «la commission départementale d'équipement commercial doit statuer sur les demandes d'autorisation visées à l'article 29 ci-dessus dans un délai de quatre mois, à compter du dépôt de chaque demande, et ses décisions doivent être motivées en se référant notamment aux dispositions des articles 1er et 28 ci-dessus» ; que l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 dispose : «La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale. Le commerce et l'artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs, tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l'emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l'économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité. Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées et intégrées en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi (…) ; que selon les dispositions de l'article 28 de la loi, la commission départementale d'équipement commercial statue en prenant en considération : «1° - L'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité pour la zone de chalandise concernée : 2° - La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; 3° - L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; 4° - L'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; 5° - Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat (…)» ;

Considérant que la décision de la commission départementale d'équipement commercial des Vosges, en date du 27 octobre 2005, autorisant la SAS Défi Mode à créer un magasin de vêtements d'une surface de vente de 800 m² et un magasin de chaussures d'une surface de vente de 550 m² au lieu-dit La Chaille à Contrexéville, est motivée par le fait que «ce projet limitera l'évasion commerciale en améliorant la concurrence et l'offre proposée aux consommateurs et qu'il ne présente pas de risque conséquent de déséquilibre entre les différentes formes de commerce» ; qu'en se bornant à des considérations générales dépourvues de précisions, notamment chiffrées, quant à la zone géographique concernée, laquelle faisait pourtant l'objet d'un débat, et aux caractéristiques du tissu commercial environnant, qui fait apparaître, au vu des pièces du dossier, une densité commerciale à un niveau supérieur aux moyennes départementale et nationale de référence, en ce qui concerne les grandes et moyennes surfaces généralistes susceptibles de distribuer les mêmes gammes d'articles que celles de la société pétitionnaire, la commission départementale d'équipement commercial des Vosges qui n'a ainsi pas caractérisé le risque de déséquilibre entre les différentes formes de commerce, n'a pas assorti sa décision des éléments de fait permettant d'en apprécier la légalité ; que la décision attaquée ne saurait donc être regardée comme suffisamment motivée au sens de l'article 32 de la loi du 27 décembre 1973 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA TENDRELINE est fondée à demander l'annulation de la décision de la commission départementale d'équipement commercial des Vosges en date du 27 octobre 2005 autorisant la SAS Défi Mode à créer deux magasins d'une surface respective de vente de 800 m² et 500 m² au lieu-dit La Chaille à Contrexéville ;


Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE TENDRELINE qui n'est pas la partie perdante, le paiement à la société Défi-Mode de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Défi Mode le paiement à la SA TENDRELINE de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0502463 en date du 7 mars 2006 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La décision de la commission départementale d'équipement commercial des Vosges en date du 27 octobre 2005 est annulée.

Article 3 : L'Etat et la SAS Défi Mode verseront solidairement à la SA TENDRELINE la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA TENDRELINE, à la SAS Défi Mode et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Copie sera en outre adressée pour information au préfet des Vosges.

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N° 06NC00978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00978
Date de la décision : 29/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : VAUDESCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-29;06nc00978 ?
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