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29/11/2007 | FRANCE | N°06NC00605

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2007, 06NC00605


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2006, complétée par mémoire enregistré le 14 juin 2007, présentée pour la SOCIETE CORA SA, dont le siège est 40 rue de la Boëtie à Paris (75008), par la SCP Roger et Sevaux, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE CORA SA demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0500096 en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 novembre 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commerc

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Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2006, complétée par mémoire enregistré le 14 juin 2007, présentée pour la SOCIETE CORA SA, dont le siège est 40 rue de la Boëtie à Paris (75008), par la SCP Roger et Sevaux, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE CORA SA demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0500096 en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 novembre 2004 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de Meurthe-et-Moselle a autorisé la SCI MCB à créer un centre commercial de 26 500 m² à Nancy ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité, alors que la procédure de recours administratif préalable ne lui est pas applicable ;

- la décision de la commission départementale d'équipement commercial est entachée de vices de légalité externe tenant à l'irrégularité de la procédure d'enquête publique, aux insuffisances et inexactitudes affectant le dossier de demande, ainsi qu'à une motivation insuffisante dépourvue des éléments de fait concernant le déséquilibre constaté entre les différentes formes de commerce ;

- le projet est de nature à compromettre l'équilibre recherché entre les différentes formes de commerce et à entraîner un gaspillage des équipements existants, ainsi que l'a constaté le service instructeur ;

- les effets positifs attendus du projet ne compensent pas les graves inconvénients liés à la réalisation d'un nouveau centre commercial en périphérie immédiate du centre ville, notamment au regard des problèmes de circulation ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu, enregistrés les 31 juillet 2006 et 20 juin 2007, les mémoires en défense présentés par la SCI Meurthe-Canal-Brot (MCB), par Me Courchinoux, avocat au barreau de Paris qui conclut au rejet de la requête et demande la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la présence au sein de la commission d'enquête, d'un élu municipal de la commune de Laxou intéressée par le projet de restructuration des surfaces commerciales qu'induit le projet est demeurée sans influence sur le sens de la décision en cause ;

- l'avis de la commission d'enquête publique qui se réfère au rapport qu'elle a établi est suffisamment motivé ;

- les inexactitudes ou omissions entachant le dossier de demande, notamment en ce qui concerne la définition de la zone de chalandise, ont été corrigées par le service instructeur, en sorte que la commission départementale d'urbanisme commercial s'est prononcée en connaissance de cause ;

- la décision attaquée est suffisamment motivée au regard des exigences de la jurisprudence qui n'impliquent pas de prendre parti sur chacun des critères énoncés par la loi ;

- le risque de gaspillage des équipements commerciaux et d'accroissement du déséquilibre entre les différentes formes de commerce n'est pas avéré ;

- les effets positifs attendus du projet qui participe à une vaste opération d'aménagement urbain et permet de moderniser les structures commerciales existantes et d'améliorer la concurrence entre deux grandes enseignes commerciales - le poids de l'enseigne Auchan demeurant inférieur à celui de l'enseigne CORA -, compensent largement le déséquilibre relatif constaté entre les différentes formes de commerce ;


Vu l'ordonnance de clôture d'instruction fixée au 25 juin 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Stahlberger, présidente,

- les observations de Me Roger, avocat de la SOCIETE CORA SA, et de Me Cournichoux, avocat de la SCI MCB ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;



Considérant que la requête de la SOCIETE CORA SA est dirigée contre une décision de la commission départementale d'équipement commercial de Meurthe-et-Moselle en date du 10 novembre 2004 qui a accordé à la SCI Meurthe-Canal-Brot dite MCB l'autorisation de créer un centre commercial de 26 500 m² à Nancy ;


Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que sous réserve du cas où, en raison tant des missions conférées à un ordre professionnel qu'à son organisation à l'échelon local et au plan national, les dispositions législatives ou réglementaires prévoyant devant les instances ordinales une procédure obligatoire de recours administratif préalablement à l'intervention d'une juridiction doivent être interprétées comme s'imposant alors à peine d'irrecevabilité du recours contentieux à toute personne justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour introduire ce recours contentieux, une procédure de recours administratif préalable n'est susceptible de s'appliquer qu'aux personnes qui sont expressément énumérées par les dispositions qui en organisent l'exercice ;

Considérant que les dispositions de l'article 32 modifié de la loi du 27 décembre 1973, reprises à l'article L. 720-10 du code de commerce, prévoient, qu'à l'initiative du préfet, de deux membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale d'urbanisme commercial peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial ; que le législateur a ainsi entendu réserver la saisine de la commission nationale d'équipement commercial aux seules personnes énumérées par les dispositions mentionnées ci-dessus ; qu'il suit de là que les tiers qui sont susceptibles de contester la décision de la commission départementale d'équipement commercial sont recevables à saisir directement la juridiction administrative ; que, dans ces conditions, la SCI MCB n'avait pas à faire précéder sa demande au Tribunal administratif de Nancy d'un recours administratif ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a déclaré irrecevable la demande dont il était saisi ; que son jugement en date du 17 janvier 2006 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI MCB devant le Tribunal administratif de Nancy ;


Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que pour l'application des dispositions combinées de l'article premier modifié de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce applicables à la date de la décision attaquée, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ;

Considérant que pour accorder l'autorisation contestée, la commission départementale d'équipement commercial de Meurthe-et-Moselle s'est fondée sur l'intérêt urbanistique de l'implantation projetée sur un site de friche industrielle et sur la modernisation des structures commerciales existantes ; qu'en omettant de rechercher préalablement si le projet soumis à autorisation était de nature à compromettre, dans la zone d'influence, l'équilibre entre les différentes formes de commerce, la commission a fait une inexacte application des dispositions analysées ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CORA SA est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SOCIETE CORA SA de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE CORA SA, qui n'est pas la partie perdante, le paiement à la SCI MCB de la somme qu'elle demande au titre de ces mêmes frais ;



DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0500096 en date du 17 janvier 2006 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La décision de la commission départementale d'équipement commercial de Meurthe-et-Moselle en date du 10 novembre 2004 est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE CORA SA la somme de mille euros (1 000 euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SCI Meurthe-Canal-Brot tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CORA SA, à la SCI Meurthe-Canal-Brot et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.


Copie, pour information, sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 06NC00605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00605
Date de la décision : 29/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : ROGER et SEVAUX SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-29;06nc00605 ?
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