La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/08/2006 | FRANCE | N°06NC00234

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre, 04 août 2006, 06NC00234


Vu la requête et le mémoire, enregistrés au greffe de la Cour les 10 février 2006 et 3 juillet 2006, présentée pour Mlle Y... , élisant domicile en son cabinet, par Me X..., avocat ;

Mlle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600136 du 13 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 30 décembre 2005 décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de

la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté ainsi que la décision de renvoi dans son p...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés au greffe de la Cour les 10 février 2006 et 3 juillet 2006, présentée pour Mlle Y... , élisant domicile en son cabinet, par Me X..., avocat ;

Mlle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600136 du 13 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 30 décembre 2005 décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté ainsi que la décision de renvoi dans son pays à savoir le Sierra Léone ;

3°) d'enjoindre à la préfecture du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mlle soutient que :

- si le préfet du Haut-Rhin s'est fondé sur les conclusions du médecin inspecteur départemental de la santé pour estimer qu'elle ne relevait pas d'une autorisation de séjour pour motif médical, cet avis n'est pas valablement motivé et ne lui a pas été communiqué ;

- sa situation de santé ne permet pas de la renvoyer dans son pays d'origine où elle a vécu des évènements terribles ;

- le préfet du Haut-Rhin a méconnu les droits qu'elle tient des dispositions des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3.1 et de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, enregistré le 19 avril 2006, le mémoire en défense présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir que :

- la requête de Mlle est irrecevable pour ne comporter aucun moyen de fait ou de droit nouveau ;

- les risques encourus par Mlle en cas de retour dans son pays d'origine ont été à trois reprises écartés par les autorités compétentes et ne sont pas justifiés ;

- son état de santé ne relève pas de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'y a ni atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale ni méconnaissance de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 24 mars 2006 du président de la Cour déléguant M. Robert Collier pour rendre les décisions ou statuer par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 12 mai 2006 du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à Mlle dans la présente instance ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2006 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller délégué,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il est constant que Mlle , ressortissante du Sierra-Leone, dont la demande de titre de séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par décision du préfet du Haut-Rhin en date du 16 novembre 2005, se trouvait dans la situation prévue à l'article L. 511-1 3°) du même code permettant à ce préfet de décider sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes des dispositions du 11 de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 codifié à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privé et familiale » est délivrée de plein droit : (…) A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé .. » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de séjour de l'intéressé… Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (….) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et la durée prévisible du traitement. Il indique en outre si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. » ; qu'il appartient ainsi au médecin inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre nécessaires pour éclairer sa décision ; qu'en se fondant sur un avis rendu le 7 novembre 2005 par le médecin inspecteur de santé publique du Haut-Rhin, qui se limitait aux seules mentions : « que Mlle ne relève pas d'une autorisation de titre de séjour pour motif médical en France » et que « les soins et le suivi médical requis aujourd'hui par cette patiente peuvent être fait dans le pays d'origine », la décision de refus de séjour et, par voie de conséquence, l'arrêté de reconduite à la frontière ont été pris suivant une procédure irrégulière et sont entachés d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 30 décembre 2005 décidant de sa reconduite à la frontière ; que, toutefois, le préfet du Haut-Rhin n'ayant pris aucune décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite, cette part des conclusions de la requête de Mlle ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfecture du Haut-Rhin de délivrer à Mlle un titre de séjour :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé … l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour ... » ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu d'ordonner au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mlle une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions figurant à l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens… » ;

Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mlle la somme de 1 200 euros en application de ces dispositions, sous réserve de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0600136 en date du 13 janvier 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 30 décembre 2006 décidant de la reconduite à la frontière de Mlle est annulé.

Article 3 : Le préfet du Haut-Rhin délivrera à Mlle une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Mlle la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Y... , au préfet du Haut-Rhin et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

5

N° 06NC00234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 06NC00234
Date de la décision : 04/08/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-08-04;06nc00234 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award