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15/06/2006 | FRANCE | N°05NC01110

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 15 juin 2006, 05NC01110


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 août 2005, complétée par mémoire enregistré le 2 février 2006, présentée pour M. et Mme Mostafa X, élisant domicile ..., par Me Lebon, avocat ;

M. Mostafa X, Mme Sabine X née Y et M. Emeric X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 juillet 2005 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation de la commune de Kaysersberg à réparer les conséquences dommageables de l'accident subi par Emeric X alors qu'il jouai

t dans l'enceinte du stade de football de ladite commune ;

2°) de porter la ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 août 2005, complétée par mémoire enregistré le 2 février 2006, présentée pour M. et Mme Mostafa X, élisant domicile ..., par Me Lebon, avocat ;

M. Mostafa X, Mme Sabine X née Y et M. Emeric X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 juillet 2005 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation de la commune de Kaysersberg à réparer les conséquences dommageables de l'accident subi par Emeric X alors qu'il jouait dans l'enceinte du stade de football de ladite commune ;

2°) de porter la somme allouée aux parents du jeune Emeric à titre de provision à 5 789,80 € ;

3°) de réformer le jugement en tant qu'il a sursis à statuer sur la demande de M. et Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'allouer à ce titre aux requérants une somme de 2 000 € ;

4°) de condamner la commune de Kaysersberg à verser aux requérants une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Ils soutiennent que :

- la négligence de la commune et le défaut d'entretien normal sont caractérisés ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la faute de la victime pour diminuer de moitié les indemnités allouées aux requérants ; la responsabilité de l'accident incombe entièrement à la commune ; subsidiairement, il y a lieu de réduire la part de responsabilité imputée à l'enfant à raison de sa petite erreur de jugement et compte tenu de la prépondérance du défaut d'entretien normal ;

- la provision allouée aux parents doit être portée à 5 789,80 € dès lors qu'aucun partage de responsabilité ne saurait être admis ;

- l'appel incident de la commune, qui conteste le principe de sa responsabilité, est irrecevable car il ne repose pas sur la même cause juridique que celle de l'appel principal fondé sur le quantum de responsabilité retenu à la charge de la commune ;

- c'est à juste titre que la responsabilité de la commune a été retenue sur le fondement du dommage de travaux publics ; en tout état de cause, le contentieux indemnitaire est lié par la réponse du maire de la commune qui, par courrier du 19 mars 2003, a reconnu sa responsabilité ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 30 novembre 2005 et 10 avril 2006, présentés pour la commune de Kaysersberg par la Selafa d'avocats Marchessou et Radius ;

La commune conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie d'un recours incident, à l'annulation du jugement susvisé ;

3°) à la condamnation des consorts X à lui payer une somme 4 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'accident n'est pas imputable à un ouvrage public, la buse en béton à l'origine de l'accident n'ayant pas le caractère d'un immeuble ; c'est donc à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité de la commune pouvait être recherchée sur le fondement du dommage de travaux publics ;

- par conséquent, l'action des requérants aurait dû être précédée d'une réclamation préalable ;

- le lien de causalité entre les faits reprochés à la commune et l'accident survenu au jeune Emeric n'est pas établi ;

- la commune n'a pas à prendre des mesures de nature à éviter que les buses en béton ne fassent l'objet d'un usage illicite par des personnes non autorisées ; aucun défaut d'entretien normal ne peut donc être reproché à la commune ;

- la faute grave commise par le jeune Emeric exclut toute responsabilité de la commune ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2006 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Gallot pour la SCP Lebon et Mennegand, avocat des consorts X, et de Me Schmitt pour la Selafa MetR, avocat de la commune de Kaysersberg,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les époux X, agissant en leur nom personnel et en tant que représentants légaux de leurs fils mineur, ont demandé au Tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de la commune de Kaysersberg à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont a été victime leur fils Emeric alors qu'il jouait le 28 février 2001 dans l'enceinte du stade de football communal ; que M. et M. X ainsi que leur fils Emeric demandent l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 juillet 2005 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande d'indemnité et en tant qu'il a sursis à statuer sur leur demande tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la commune de Kaysersberg demande également l'annulation dudit jugement par la voie d'un recours incident ;

Sur la recevabilité de l'appel incident :

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'appel incident de la commune, qui conteste le principe de sa responsabilité, ne soulève pas un litige distinct de celui de l'appel principal tendant à mettre en cause le partage de responsabilité et le montant de l'indemnité fixée par les premiers juges ; que, par suite, l'appel incident de la commune de Kaysersberg est recevable ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que les collectivités publiques sont responsables des dommages causés aux usagers par le matériel affecté à l'exécution de travaux publics entrepris pour leur compte, alors même qu'il est fait un usage anormal du matériel considéré, à moins qu'elle n'établissent qu'aucun défaut d'entretien normal ne leur est imputable ou que l'accident est dû à une faute de la victime ou à la force majeure ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'un entraînement de football, le jeune Emeric X s'était glissé à l'intérieur d'une buse en béton, tuyau de canalisation qui, mis en mouvement par des camarades de jeu, s'est écrasé sur une autre buse située en contrebas ; que ces cylindres en béton, d'environ 80 cm de diamètre et pesant près de 800 kgs, avaient été entreposés dans l'enceinte du stade de football dans l'attente de leur utilisation aux fins de réaliser les fondations nécessaires à la pose de lampadaires pour l'éclairage du stade et étaient ainsi affectés à une opération de travaux publics effectuée pour le compte de la commune de Kaysersberg, laquelle ne conteste d'ailleurs pas sa qualité de maître d'ouvrage ; que, par suite, alors même que la buse en béton litigieuse ne constitue ni un ouvrage public ni un bien immobilier, le dommage subi par le jeune Emeric X revêt le caractère d'un dommage de travaux publics susceptible d'engager la responsabilité du maître d'ouvrage ;

Considérant toutefois que si les requérants font valoir que l'accès au site n'a fait l'objet d'aucune mesure de surveillance ou de restriction et ne comportait pas davantage de signalisation de danger alors qu'il était situé à proximité immédiate du terrain de football, il résulte de l'instruction que le jeune Emeric, alors âgé de 11 ans, en se livrant à l'activité consistant à pénétrer dans les cylindres en cause et à les mettre en mouvement avec l'aide d'une dizaine de camarades de jeu sur un terrain en déclivité, a commis une grave imprudence qui est directement à l'origine de l'accident dont s'agit ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de l'usage anormal qui a été fait du matériel litigieux qui par lui-même ne revêtait pas de danger particulier, cette faute doit être regardée comme exonérant totalement la commune de sa responsabilité ; que, par suite, la commune de Kaysersberg, par la voie de l'appel incident, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg l'a déclarée responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu au jeune Emeric X ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des conclusions de la requête des époux X doit être rejeté ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Kaysersberg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser aux époux X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à la commune de Kaysersberg la somme qu'elle réclame à ce titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 juillet 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Kaysersberg tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Mostafa X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Colmar et à la commune de Kaysersberg.

4

05NC01110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC01110
Date de la décision : 15/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP LEBON et MENNEGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-06-15;05nc01110 ?
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