La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2005 | FRANCE | N°05NC00616

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre, 22 décembre 2005, 05NC00616


Vu la requête, enregistrée au greffe le 18 mai 2005, présentée par le PREFET DE L'AUBE ;

Le PREFET DE L'AUBE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500552 du 14 avril 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 7 mars 2005 prononçant la reconduite à la frontière de Mme Malika X et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-

en-Champagne ;

Il soutient que :

- Mme X ne disposait d'aucun droit au séjour sur le t...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 18 mai 2005, présentée par le PREFET DE L'AUBE ;

Le PREFET DE L'AUBE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500552 du 14 avril 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 7 mars 2005 prononçant la reconduite à la frontière de Mme Malika X et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que :

- Mme X ne disposait d'aucun droit au séjour sur le territoire français ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2005, présenté pour Mme X, élisant domicile au ..., par la SCP d'avocats Haumesser, Traverse, Didelot ; Mme X demande à la Cour de rejeter la requête du PREFET DE L'AUBE ;

Elle soutient que :

- l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière porterait une atteinte à son droit à une vie familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a déposé une demande de reconnaissance de sa situation d'apatride ;

- elle ne peut être reconduite vers un pays dont elle n'a plus la nationalité ;

- son retour au Kazakhstan l'expose, ainsi que sa famille, à des risques vitaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 27 janvier 2005 du président de la Cour déléguant M. Alain LEDUCQ pour rendre les décisions ou statuer par ordonnance en application des dispositions de l'article R.222-33 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2005 :

- le rapport de M. Leducq, président de chambre délégué,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante de nationalité kazakhe, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le

5 février 2005, de la décision du PREFET DE L'AUBE du 4 février lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si Mme X fait valoir qu'elle réside depuis plus de quatre ans avec son époux et ses enfants en France où l'un d'eux est né, qu'elle est bien intégrée et parle parfaitement le français et que ses enfants de 7 et 10 ans sont régulièrement scolarisés, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme X en France, de la circonstance que son épouse fait également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et de l'absence d'obstacle allégué au départ de ses enfants en sa compagnie et de celle de son époux, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 7 mars 2005 du PREFET DE L'AUBE ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant que, si aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours (…) », ces dispositions instituant un droit au séjour en faveur des demandeurs d'asile politique jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, ne peuvent, en l'absence de textes, être étendues aux personnes ayant demandé la reconnaissance du statut d'apatride ; que, par suite, le PREFET DE L'AUBE a pu légalement, par son arrêté attaqué en date du 7 mars 2005, décider la reconduite à la frontière de Mme X, alors même que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'avait pas rendu sa décision quant à l'attribution à l'intéressée du statut d'apatride ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que par sa décision en date du 7 mars 2005, le PREFET DE L'AUBE a précisé que Mme X sera éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d'un autre pays dans lequel elle est régulièrement admissible ; que la circonstance que Mme X serait déchue de la nationalité kazakhe est donc sans effet sur la légalité de cette décision qui ne fait pas mention du Kazakhstan comme pays de renvoi ;

Considérant, en second lieu, que si Mme X soutient qu'elle serait exposée à des risques vitaux en cas de retour dans son pays d'origine, ses allégations ne sont assorties, en tout état de cause, d'aucune justification de nature à établir leur bien fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'AUBE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 7 mars 2005 prononçant la reconduite à la frontière de Mme X et la décision du même jour fixant le pays de destination de cette reconduite ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 14 avril 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'AUBE, à Mme X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

2

05NC00616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 05NC00616
Date de la décision : 22/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain LEDUCQ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : HAUMESSER - TRAVERSE - DIDELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-12-22;05nc00616 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award