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27/05/2004 | FRANCE | N°98NC02226

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 27 mai 2004, 98NC02226


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 26 octobre 1998 sous le n° 98NC02226, complété par le mémoire enregistré le 28 octobre 1998, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 2 septembre 1998 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé, à la demande de M. X, la décision du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 16 avril 1997 portant mutation d'office de l'intéressé et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts

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2°) - de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administrat...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 26 octobre 1998 sous le n° 98NC02226, complété par le mémoire enregistré le 28 octobre 1998, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 2 septembre 1998 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé, à la demande de M. X, la décision du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 16 avril 1997 portant mutation d'office de l'intéressé et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

2°) - de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Code : C

Plan de classement : 36-05-01-02

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la mesure de mutation était illégale au motif que l'intéressé était susceptible, du fait de son affectation à un poste en contact avec le public, d'être exposé à un danger ;

- les premiers juges ne pouvaient se borner à se fonder sur les affirmations non étayées de l'agent selon lesquelles il aurait exercé une mission d'infiltrations des milieux islamistes ; en réalité, celui-ci était essentiellement chargé de la traduction de documents ;

- s'il n'a effectivement pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée comme l'a relevé le tribunal administratif, l'intéressé a néanmoins eu un comportement non exempt de reproches et incompatibles avec les fonctions de policier ;

- la décision de mutation étant légale, la demande de dommages-intérêts de M. X ne peut qu'être rejetée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier, 2 avril et 19 avril 1999, présentés pour M. X, par Me Reins, avocat ;

M. X conclut :

- au rejet du recours ;

- à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 francs au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que :

- contrairement à ce que prétend le ministre , le tribunal administratif a considéré que la mutation n'a pas été prise dans l'intérêt du service ;

- il ressort des éléments de preuve apportés par l'agent que celui-ci exerçait plus que des fonctions d'interprète et participait à des opérations policières sensibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, et notamment les article 29 et 32 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2004 :

- le rapport de M. MARTINEZ, Premier conseiller,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 septembre 1998 seulement en tant qu'il a annulé, à la demande de M. X, la décision du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 16 avril 1997 portant mutation d'office de l'intéressé à la direction régionale de sécurité publique à Strasbourg au service de la voie publique et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que selon l'alinéa 2 de l'article 25 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, lorsque l'intérêt du service l'exige, le fonctionnaire actif des services de la police nationale peut être exceptionnellement déplacé ou changé d'emploi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, titularisé dans le corps de gardiens de la paix en 1990, a été affecté à la direction régionale de la surveillance du territoire de Metz à compter de 1994 en tant que traducteur-interprète d'arabe et bénéficiait à ce titre d'une habilitation au secret-défense ; qu'à la suite d'une rixe ayant opposé le 1er mars 1997 son frère à un tiers, dont M. X avait été le témoin et qui avait donné lieu à des poursuites pénales pour coups et blessures volontaires avec arme blanche, M. X a été entendu comme témoin par les services de gendarmerie qui en ont avisé la direction de la surveillance du territoire ; qu'après s'être vu retirer son habilitation au secret-défense , M. X a été affecté, par un arrêté du 16 avril 1997, dans l'intérêt du service à la direction régionale de sécurité publique à Strasbourg, au service de la voie publique ;

Considérant que pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif a estimé que la décision d'affectation au service considéré ne pouvait être regardée comme prise dans l'intérêt du service dans la mesure où M. X avait également exercé des missions d'infiltration des milieux dits islamistes dans le cadre de la lutte anti-terroriste et que, de ce fait, son affectation sur un poste en uniforme au contact direct du public était susceptible, en révélant sa qualité, de l'exposer, ainsi que sa famille, à un danger ;

Considérant cependant que M. X se borne à se prévaloir en première instance et en appel, sans d'ailleurs en produire la totalité, de certains documents en se retranchant derrière l'obligation de ne pas divulguer des informations classifiées confidentiel-défense ; que ces pièces non probantes par elles-mêmes ne sauraient valoir commencement de preuve des allégations peu précises et peu circonstanciées du requérant ; que, dans ces conditions, les allégations de l'agent ne pouvaient en l'espèce être tenues pour fondées, ni la matérialité des faits invoqués par celui-ci regardée comme établie ; qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif précité pour, d'une part, annuler la décision du 16 avril 1997 en tant qu'elle affectait l'intéressé au service de la voie publique dans le quartier de Hautepierre et, d'autre part, condamner l'Etat à réparer le préjudice allégué par l'agent ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M.X devant le tribunal administratif ;

Considérant que si l'intéressé a été personnellement mis hors de cause sur le plan pénal, son attitude équivoque au cours de l'altercation et lors de son audition dans le cadre d'une enquête impliquant un membre proche de sa famille était susceptible d'altérer la confiance de son administration à son égard et était ainsi de nature à justifier le retrait de son habitation au secret-défense , d'ailleurs non contestée par l'agent, et, par voie de conséquence, le retrait de son emploi au sein du service de la direction régionale de la surveillance du territoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du grade de l'agent et des nouvelles fonctions exercées et nonobstant la perte des avantages matériels liés aux fonctions précédentes, que la mutation de M. X ait entraîné un déclassement professionnel de celui-ci ; que, par ailleurs, une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'intéressé parallèlement à la procédure de mutation d'office ; qu'il suit de là que la mutation d'office de M. X était justifiée par l'intérêt du service et n'avait pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 16 avril 1997 portant mutation d'office de M. X ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a annulé la décision de mutation susvisée et la demande de M. X tendant à l'annulation de ladite décision doit être rejetée ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement en tant qu'il a condamné l'Etat a verser une somme de 30 000 francs en réparation du préjudice subi par l'intéressé du fait de la prétendue illégalité de ladite décision et de rejeter la demande d'indemnité présenté par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent dès lors être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 septembre 1998 est annulé en tant qu'il annulé la décision de mutation susvisée en date du 16 avril 1997 et a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 30 000 francs en réparation du préjudice allégué par l'intéressé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR et à M. X.

5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC02226
Date de la décision : 27/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : REINS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-05-27;98nc02226 ?
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