Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe la Cour les 25 et 26 juin, 6 août 2002 et 5 février 2004 présentés par, et pour M. Erkan X, détenu ..., par Me Nunge, avocat ;
Il demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 23 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2001 du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion du territoire français ;
2° - d'annuler cette décision ;
Code : C
Plan de classement : 335-02-01
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal, an commettant une erreur de droit a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de procédure, tenant à l'absence de notification d'un bulletin l'avisant que son expulsion était engagée à son encontre en application de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et des articles 5 et 6 du décret du 26 mai 1982 ; au demeurant, la formalité n'a pas été exécutée ;
- la condition de nécessité s'apprécie à la date de l'arrêté et non sur le comportement passé ; le ministre ne justifie pas de cette nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; il a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation qui s'est notablement améliorée ainsi qu'en atteste sa prise en charge par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles ;
- le ministre a commis un détournement de procédure pour pouvoir engager cette action ;
- le tribunal a commis une erreur de jugement en considérant que l'expulsion ne portait pas atteinte à sa situation familiale ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu enregistré le 10 juillet 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales tendant au rejet de la requête par le moyen qu'elle est infondée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu en date du 28 octobre 2002, la décision du Président du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance, section administrative d'appel, accordant à M. Erkan X, l'aide juridictionnelle totale et dit qu'il sera défendu par Me Nunge ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2004 :
- le rapport de M. JOB, Président,
- les observations de Me NUNGE, avocat de M. X,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à l'arrêté d'expulsion sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : L'expulsion peut être prononcée : a) En cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 ; b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25. En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'expulsion peut être prononcée par dérogation aux articles 24 et 25... ; qu'aux termes de l'article 24 de la même ordonnance L'expulsion prévue à l'article 23 ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : 1° L'étranger doit en être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission... ; que le décret du 26 mai 1982 pris pour l'application dudit texte dispose, en son article 1er : L'étranger à l'encontre duquel une procédure d'expulsion est engagée doit en être avisé qu moyen d'un bulletin spécial. La notification est effectuée à la diligence du préfet du département de la résidence de l'étranger ou, si ce dernier est détenu dans un établissement pénitentiaire, du préfet du département où est situé cet établissement ; en son article 2 : Le bulletin de notification doit : Aviser l'étranger qu'une procédure d'expulsion est engagée à son encontre ; Enoncer les faits motivant cette procédure ; indiquer la date, l'heure et le lieu de la réunion de la commission prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ; Préciser que les débats de la commission sont publics ; Porter à la connaissance de l'étranger les dispositions de l'article 4 du présent décret ; Faire connaître à l'étranger qu'il peut se présenter seul ou assisté d'un conseil et demander à être entendu avec un interprète ; Informer l'intéressé qu'il peut demander l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et préciser que l'aide juridictionnelle provisoire peut lui être accordée par le Président de la commission ; Préciser que l'étranger ou son conseil peut demander communication du dossier au service dont la dénomination et l'adresse doivent être indiquées dans la convocation et présenter un mémoire en défense ; en son article 3 : Le bulletin de notification est remis à l'étranger, quinze jour au moins avant la date prévue pour la réunion de la commission soit par un fonctionnaire de police, soit par le greffier de l'établissement pénitentiaire. L'étranger donne décharge de cette remise... ; que de la combinaison desdites dispositions, il résulte que dès lors que le ministre envisage de prononcer l'expulsion d'un étranger sur le fondement de l'article 26 b de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, il est tenu de satisfaire aux exigences procédurales de l'article 24 de ladite ordonnance soit d'aviser l'intéressé dans les conditions fixées par le décret du 26 mai 1982 ci-dessus mentionné de l'engagement de la procédure, et de le faire convoquer devant la commission d'expulsion afin qu'il y soit entendu ;
Considérant que par jugement en date du 23 avril 2002, le Tribunal administratif de Nancy a considéré que la remise à un étranger du bulletin spécial prévu par l'article 1er du décret du 26 mai 1982 en application de l'alinéa 1er de l'article 24 de ladite ordonnance ne trouvait pas à s'appliquer lorsque l'expulsion était engagée sur le fondement de l'article 26 b de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié et a rejeté, pour ce motif, le moyen présenté par M. X tenant à l'irrégularité de la procédure tenant au défaut de notification du bulletin spécial ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence de réponse du ministre, que le document en cause qui devait obligatoirement être remis à M. X l'ait été, à un moment quelconque ; que, par suite, ce dernier, est fondé à soutenir que l'expulsion a été prononcée à la suite d'une procédure irrégulière, et a en demander, pour cette raison, l'annulation :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement en date du 23 avril 2002 du Tribunal administratif de Nancy ensemble l'arrêté du 18 octobre 2001 ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : Le jugement du 23 avril 2002 du Tribunal administratif de Nancy, ensemble l'arrêté du 18 octobre 2001 du ministre de l'intérieur sont annulés.
ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Erkan X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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