Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juin 2000 sous le n° 00NC00791, complétée par un mémoire enregistré le 27 mars 2001, présentée pour M. Haga X, demeurant à ...), par Me Cotillot, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 4 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 1999 de l'inspecteur du travail autorisant la société Eurocadres à prononcer son licenciement, ensemble de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) - d'annuler lesdites décisions ;
3°) - de condamner la société Eurocadres à lui verser la somme de 762,25 euros au titre des frais irrépétibles ;
Code : C
Plan de classement : 66-07-01-04-03
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a considéré comme réel le motif économique et comme satisfaite l'obligation de reclassement ;
- la décision de l'inspecteur est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la demande de licenciement est entachée de détournement de procédure ; elle est en lien avec l'exercice du mandat ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2000, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- Le motif économique était bien réel et la suppression du poste de M. X justifiée ;
- s'il est exact que l'employeur n'a pas fait de proposition de reclassement, ce constat doit être apprécié en considération de la taille modeste de l'entreprise ; au surplus l'intéressé avait admis que la recherche d'emploi à l'externe était la solution la mieux adaptée ;
- il n'y a pas eu discrimination ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2004 :
- le rapport de Mme GUICHAOUA, Premier conseiller,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés investis de fonctions représentatives bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;
Considérant que la société Eurocadres, qui a été rachetée par le groupe Euroconsultants en février 1998, a sollicité le 23 mars 1999 l'autorisation de licencier M. X, directeur technique de la société et délégué suppléant du personnel, en invoquant la nécessité de restructurer l'entreprise par la suppression du poste de responsable des achats ; que s'il n'est pas contesté que le poste occupé par M. X a effectivement été supprimé, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport établi par la direction de l'entreprise au soutien de la demande présentée, le 1er février 1999, à l'inspecteur du travail en vue d'obtenir l'autorisation de licencier M. X pour motif personnel, ainsi que des différents témoignages relatant la mise à l'écart du salarié depuis le changement de direction, que le motif réel du licenciement n'est pas de nature économique mais est inhérente à la personne du salarié auquel il était reproché, notamment, un manque d'intégration à l'équipe dirigeante ; qu'au demeurant, aucune proposition de reclassement dans le groupe auquel appartient la société Eurocadres n'a été faite à l'intéressé ; que, dans ces conditions, l'inspecteur du travail n'a pu légalement accorder à la société Eurocadres l'autorisation de licencier M. X pour motif économique ;
Considérant que M. X est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 1999 de l'inspecteur du travail autorisant la société Eurocadres à prononcer son licenciement, ensemble de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler lesdites décisions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la société Eurocadres à payer à M. X la somme de 762,25 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 avril 2000, la décision du 16 avril 1999 de l'inspecteur du travail autorisant la société Eurocadres à prononcer le licenciement de M. X et la décision implicite de rejet du recours gracieux sont annulés.
Article 2 : La société Eurocadres versera à M. X la somme de 762,25 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative .
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la société Eurocadres et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
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