Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Potentialis a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 janvier 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence-Alpes-Côte d'Azur a décidé de lui infliger la pénalité prévue à l'article L. 2242-8 du code du travail au taux de 0,5 % jusqu'à réception d'un accord ou plan d'action sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conforme aux dispositions applicables, ou subsidiairement, de réduire le taux de cette pénalité.
Par un jugement n° 2202207 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre 2024 et 23 avril 2025, la SAS Potentialis, absorbée en cours d'instance par la SAS Flagrance, représentée par Me Bouhaben, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 11 janvier 2022 ou, subsidiairement, de réduire le taux de la pénalité prononcée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté dès lors que le courrier d'observation et le nouveau plan d'action qu'elle a transmis le 22 décembre 2021, à la suite du courrier qui lui avait été adressé le 6 décembre 2021, n'ont pas été pris en compte ;
- il ne pouvait lui être demandé, par courrier daté du 24 février 2022, de communiquer le montant des gains et rémunérations servant de base au calcul de la pénalité dans un délai inférieur à deux mois, en l'espèce avant le 8 mars 2022 ; les dispositions de l'article R. 2242-8 du code du travail ont été méconnues ;
- son plan d'action fait suite à l'élaboration d'un état des lieux détaillé et porte sur quatre domaines d'action conformément aux dispositions de l'article R. 2242-2 du code du travail ; il ne se borne pas à réaffirmer ses obligations légales mais définit des actions et des objectifs ; s'agissant de la rémunération, ce plan tient dûment compte des indicateurs mentionnés à l'article L. 1142-8 du code du travail ;
- il n'a pas été tenu compte du plan d'action établi, des mesures prises, de sa bonne foi et de sa situation financière pour fixer le taux de la pénalité, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8115-4 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 3 avril 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Fadli, substituant Me Bouhaben, représentant la SAS Flagrance.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Potentialis, devenue la SAS Flagrance par l'effet d'une opération de fusion absorption, est spécialisée dans les activités de sécurité privée et emploie plus de 700 salariés. Elle relève appel du jugement du 4 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 11 janvier 2022 du directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence-Alpes-Côte d'Azur lui infligeant la pénalité prévue à l'article L. 2242-8 du code du travail au taux de 0,5 % jusqu'à réception d'un accord ou plan d'action sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conforme aux dispositions applicables, et à titre subsidiaire, à la réduction de ladite pénalité.
2. Aux termes de l'article L. 2242-3 du code du travail : " En l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l'issue de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1, l'employeur établit un plan d'action annuel destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée, ce plan d'action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative. / (...) ". En application de l'article L. 2242-8 du même code, les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité en l'absence d'un tel plan d'action.
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2242-3 du code du travail : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail, mentionné à l'article L. 8112-1, met en demeure l'employeur de remédier à la situation dans un délai d'exécution fixé en fonction de la nature du manquement et de la situation relevée dans l'entreprise et qui ne peut être inférieur à un mois, lorsqu'il constate : / 1° Soit que l'entreprise n'est pas couverte par (...) le plan d'action prévu à l'article L. 2242-3 ; / (...) / Cette mise en demeure est transmise à l'employeur par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception ". Aux termes de l'article R. 2242-4 du même code : " Dans le délai prévu à l'article R. 2242-3, l'employeur lui communique, par tout moyen permettant de donner date certaine à leur réception, les éléments apportant la preuve qu'il respecte bien la ou les obligations mentionnées dans la mise en demeure. / (...) / S'il n'est pas en mesure de communiquer ces éléments, il justifie des motifs de la défaillance de l'entreprise au regard de de ces obligations. / A sa demande, il peut être entendu ". Enfin, l'article R. 2242-5 précise : " A l'issue du délai prévu à l'article R. 2242-3, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide s'il y a lieu d'appliquer la pénalité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 2242-8 et en fixe le taux ".
4. Si les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent être utilement invoquées dès lors que les dispositions citées ci-dessus instituent, s'agissant de l'infliction de la pénalité prévue par l'article L. 2242-8 du code du travail, une procédure contradictoire particulière, il résulte de celles-ci que l'administration doit permettre à l'employeur de lui communiquer utilement les éléments apportant la preuve qu'il respecte bien son obligation, en étudiant les éléments qui lui sont le cas échéant fournis dans le délai prescrit, avant de décider s'il y a lieu d'appliquer la pénalité et d'en fixer le taux.
5. En l'espèce, par courrier du 25 août 2021, l'inspecteur du travail a mis en demeure la SAS Potentialis d'établir, à défaut d'un accord sur ce point, un plan d'action conforme destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans un délai de trois mois. Si par un courrier du 24 novembre 2021, la SAS Potentialis a transmis le plan d'action qu'elle avait établi, l'inspecteur du travail lui a fait savoir, par courrier du 30 novembre 2021, que celui-ci n'était pas conforme à ses obligations. Préalablement à l'intervention de la décision attaquée et ainsi que cela résulte des termes mêmes de cette dernière, l'administration a, en outre, adressé, le 6 décembre 2021, un nouveau courrier à la requérante l'informant de son intention d'appliquer une pénalité, et étudié une nouvelle version du plan d'action que lui a adressée l'intéressée par courrier du 22 décembre 2021. Il ne saurait, dès lors, être sérieusement soutenu que le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2242-8 du code du travail : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi adresse à l'employeur qui n'a pas rempli les obligations en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes définies aux deux premiers alinéas de l'article L. 2242-8, par tout moyen permettant de conférer date certaine à leur réception, une notification motivée du taux de la pénalité qui lui est appliqué, dans le délai de deux mois à compter de la date d'expiration de la mise en demeure prévue à l'article R. 2242-3, et lui demande de communiquer en retour le montant des gains et rémunérations servant de base au calcul de la pénalité conformément à l'article R. 2242-7 dans le délai de deux mois. A défaut, la pénalité est calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale par mois compris dans la période mentionnée à l'article R. 2242-7 ".
7. Si la requérante se plaint de ce que le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités lui a, par courrier du 24 février 2022, imparti un délai jusqu'au 8 mars suivant pour lui communiquer le montant des gains et rémunérations servant de base au calcul de la pénalité, soit un délai inférieur à deux mois, cet acte est, en tout état de cause, postérieur à celui attaqué et sans incidence sur sa légalité.
8. En troisième lieu, en application de l'article R. 2242-2 du code du travail, le plan d'action " fixe les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre portant sur au moins trois des domaines d'action mentionnés au 2° de l'article L. 2312-36 pour les entreprises de moins de 300 salariés et sur au moins quatre de ces domaines pour les entreprises de 300 salariés et plus. Ces domaines d'actions sont les suivants : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, sécurité et santé au travail, rémunération effective et articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. / Les objectifs et les actions sont accompagnés d'indicateurs chiffrés. / La rémunération effective est obligatoirement comprise dans les domaines d'action retenus par l'accord collectif ou, à défaut, le plan d'action mentionnés au premier alinéa. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, les objectifs de progression, les actions et les indicateurs chiffrés fixés dans ce domaine tiennent compte des indicateurs mentionnés à l'article L. 1142-8, ainsi, le cas échéant, que des mesures de correction définies dans les conditions prévues à l'article L. 1142-9 ". L'article L. 1142-8 du même code prévoit que les entreprises d'au moins cinquante salariés publient chaque année l'ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer selon des modalités et une méthodologie définies par décret.
9. Il ressort de la décision attaquée que le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités a estimé que le plan présenté en dernier lieu par la SAS Potentialis, sur les trois domaines ayant trait à l'embauche, la rémunération effective, et la sécurité et santé au travail, se bornait à reprendre les obligations légales, et sur le quatrième domaine concernant la formation, ne présentait ni objectif de progression chiffré, ni indicateur de suivi. S'agissant plus particulièrement de la rémunération effective, il a relevé que le plan n'était pas construit afin de tenir compte des indicateurs prévus par l'article L. 1142-8 du code du travail. Il a enfin souligné que le plan n'était pas annuel et n'avait pas été déposé selon les modalités prévues par les articles R. 2242-2-1 et D. 2231-4 du code du travail.
10. En se limitant à faire valoir que les trois premiers domaines figurent bien parmi ceux listés à l'article R. 2242-2 du code du travail, ce qui n'est pas mis en cause par l'administration, à se référer à son engagement à garantir une égalité d'accès à la formation, ce qui relève du simple respect du principe de non-discrimination, et à évoquer les objectifs très généraux mentionnés dans son plan, tendant à porter d'ici la fin de l'année 2023 le nombre d'agents d'exploitation féminins à 5 % de son effectif et à ramener les différences de rémunération entre les femmes et les hommes pour un même emploi de 19 à 10 %, sans se référer à des actions qualitatives et quantitatives à entreprendre pour atteindre ces objectifs, ou à des indicateurs de progression, ni évoquer les autres carences relevées par l'administration, la requérante ne critique pas utilement la décision contestée et n'établit pas avoir pris le plan exigé par les dispositions applicables.
11. En quatrième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 2242-8 du code du travail : " Le montant de la pénalité (...) est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise ne respecte pas l'une des obligations (...). Le montant est fixé par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations (...) ". L'article R. 2242-6 du même code précise : " Il est tenu compte, pour fixer le taux de la pénalité, des motifs de défaillance dont l'employeur a justifié, des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de la bonne foi de l'employeur. / Au titre des motifs de défaillance, sont pris en compte pour diminuer le taux tous motifs indépendants de la volonté de l'employeur susceptibles de justifier le non-respect des obligations mentionnées aux deux premiers alinéas l'article L. 2242-8, et notamment : / 1° La survenance de difficultés économiques de l'entreprise ; / 2° Les restructurations ou fusions en cours ; / 3° L'existence d'une procédure collective en cours ; / 4° Le franchissement du seuil d'effectifs (...) ".
12. Il ne résulte pas de l'instruction que la SAS Potentialis ait fait preuve de bonne foi alors qu'elle n'est plus couverte par un accord ou un plan d'action en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes depuis le mois de février 2015, que son attention a été appelée sur ce sujet dès le mois d'avril 2021 et qu'elle n'a pas donné de suite satisfaisante à la mise en demeure dont elle a fait l'objet au mois d'août 2021 sans évoquer aucun motif de défaillance, ni justifier d'aucun effort en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes. Alors par ailleurs qu'aux termes des dispositions citées ci-dessus, la situation financière de l'entreprise n'est susceptible d'être prise en compte qu'en ce qu'elle expliquerait la défaillance de l'entreprise dans la mise en place du plan d'action, la requérante se borne à évoquer des difficultés à s'acquitter de la pénalité, sans les justifier au demeurant. Le moyen tiré du caractère disproportionné de cette pénalité, dont le taux n'est égal qu'à la moitié du taux maximal encouru, doit, dès lors, être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Flagrance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, en ce comprises ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à son bénéfice dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Flagrance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Flagrance et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Point, premier conseiller,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juillet 2025.
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N° 24MA02306
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