Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 22 août 2023 par laquelle la section compétente pour le traitement des situations individuelles des étudiants de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains a prononcé son exclusion définitive de la formation, d'enjoindre à l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains de la réintégrer au sein de l'institut, en qualité d'étudiante en troisième année, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'enjoindre à l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains de retirer de son dossier pédagogique toute mention relative à la décision en litige, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2308915 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 mars 2025, Mme A..., représentée par Me Coljé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 22 août 2023 par laquelle la section compétente pour le traitement des situations individuelles des étudiants de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains a prononcé son exclusion définitive de la formation ;
3°) d'enjoindre à l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains de la réintégrer au sein de l'institut, en qualité d'étudiante en troisième année, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains de retirer de son dossier pédagogique toute mention relative à la décision en litige, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Digne-les-Bains la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; les dispositions des articles 14 et 17 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ont été méconnues ;
- les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas des actes incompatibles avec la sécurité des patients ; la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la mesure d'exclusion a un caractère disproportionné ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 décembre 2024 et le 2 mai 2025, le centre hospitalier de Digne-les-Bains, représenté par Me Lantero, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'infirmier ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Point, rapporteur,
- et les conclusions de M. Olivier Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... était étudiante au sein de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) de Digne-les-Bains depuis l'année universitaire 2020-2021. Elle a débuté le 17 juillet 2023 un stage au sein de l'établissement public de santé " Lumières " à Riez (04), qui devait s'achever le 24 septembre 2023. Elle a été suspendue de sa formation par une décision de la directrice de l'IFSI du 3 août 2023. Elle a été convoquée par un courrier du 3 août 2023 devant la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants de l'IFSI. La section s'est réunie le 22 août 2023 et a prononcé son exclusion définitive de la formation, mesure notifiée à la même date par la directrice de l'institut. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint à l'IFSI de la réintégrer en qualité d'étudiante de 3e année. Elle relève appel du jugement du 12 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la légalité externe de la décision :
2. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux visé ci-dessus : " Cette section se réunit après convocation par le directeur de l'institut de formation. / Elle ne peut siéger que si la majorité de ses membres est présente. / Si le quorum requis n'est pas atteint, la réunion est reportée. Les membres de la section sont à nouveau convoqués dans un délai maximum de quinze jours calendaires. La section peut alors valablement délibérer, quel que soit le nombre de présents. / Les membres de l'instance sont convoqués dans un délai minimum de quinze jours calendaires ". Aux termes de l'article 15 du même arrêté : " (...) Le dossier étudiant, accompagné d'un rapport motivé du directeur, est transmis au moins sept jours calendaires avant la réunion de cette section. / L'étudiant reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres de la section. La section entend l'étudiant, qui peut être assisté d'une personne de son choix. L'étudiant peut présenter devant la section des observations écrites ou orales. / Dans le cas où l'étudiant est dans l'impossibilité d'être présent ou s'il n'a pas communiqué d'observations écrites, la section examine sa situation. ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, et le cas échéant la direction des soins, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants. Cette section doit se réunir, au maximum, dans un délai d'un mois à compter de la survenue des faits. / Lorsque la section se réunit, en cas de suspension ou non, elle peut proposer une des possibilités suivantes : n-soit alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ou pratique selon des modalités fixées par la section ; -soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire, pour une durée maximale d'un an, ou de façon définitive. ". Et aux termes de l'article 17 du même texte : " Les décisions de la section (...) sont prises à la majorité. / Tous les membres ont voix délibérative, sauf les membres invités. En cas d'égalité de voix pour l'examen d'une situation individuelle, la décision est réputée favorable à l'étudiant. (...) ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
3. En premier lieu, la convocation à la réunion de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, adressée à Mme A... et datée du 3 août 2023, indique que ladite section doit se prononcer sur sa situation, notamment au regard de l'article 16 de l'arrêté du 21 avril 2007. La convocation précise qu'il sera proposé aux membres de la section de statuer sur une proposition d'exclusion de l'institut de façon temporaire, pour une durée maximale d'un an, ou de façon définitive. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été correctement informée de l'identité de l'auteur de la décision à intervenir et de l'objet de la réunion et que, de ce fait, elle n'aurait pas été régulièrement convoquée ou mise en mesure de produire utilement ses observations.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, qui s'est réunie le 22 août 2023 pour étudier le dossier de Mme A..., que onze sur dix-neuf de ses membres étaient présents. A supposer même que tous les membres de la section n'aient pas été convoqués quinze jours avant la réunion, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'espèce, que compte tenu de sa nature et de sa portée, l'irrégularité alléguée aurait privé Mme A... d'une garantie ou exercé une influence sur le sens du vote. Il ressort en effet du compte rendu de la réunion de la section compétente du 22 août 2023 que l'ensemble des éléments du dossier de Mme A..., notamment son dossier scolaire, le rapport circonstancié de la cadre de santé du lieu du stage suspendu et le rapport motivé de la suspension de stage de la directrice de l'institut, ont été transmis aux membres de la section compétente, afin de délibérer de manière éclairée sur sa situation. Par ailleurs, si Mme A... soutient que, par courriel du 13 août 2023, elle a transmis deux courriels du 2 et du 6 décembre 2022 ainsi que son projet professionnel, éléments qu'elle souhaitait porter à la connaissance de la section compétente, et que ces pièces complémentaires n'ont pas été versées au dossier transmis aux membres de la section compétente, le centre hospitalier fait cependant valoir en défense, sans être utilement contredit sur ce point, que le projet professionnel était déjà présent au dossier et que les deux courriels ont été transmis aux membres de la section compétente avant la réunion du 22 août 2023. En tout état de cause, il ressort du compte rendu de la réunion de la section compétente du 22 août 2023, à laquelle Mme A... a assisté et au cours de laquelle elle a été entendue, que les circonstances auxquelles il est fait référence dans ces pièces complémentaires, notamment les difficultés rencontrées lors des stages ou les éléments relatifs au projet professionnel, ont été abordées lors des échanges. Mme A... a ainsi pu présenter ses observations orales devant la section et, dès lors, bénéficier des garanties prévues par les dispositions précitées de l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté dans toutes ses branches.
S'agissant de la légalité interne de la décision :
5. En premier lieu, pour prendre la mesure attaquée, la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants a pris en considération le fait que l'intéressée avait commis des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a accompli un stage de rattrapage au sein de l'établissement public de santé " Lumières " à Riez, à compter du 17 juillet 2023. Il ressort du rapport établi le 2 août 2023 par la cadre de santé assurant le suivi du stage de Mme A... que cette dernière, au cours des premiers jours de stage, a commis de manière répétée des erreurs d'asepsie, d'hygiène, et des erreurs techniques dans l'administration des soins aux patients. Le rapport de la cadre de santé indique notamment que Mme A... a omis de sécuriser un point de ponction, fait une erreur de dosage dans une injection le 24 juillet 2023, et mal posé un cathéter ainsi qu'un pansement " piccline " le 26 juillet 2023. Le rapport souligne que l'intéressée " ne connaît pas les bases et manque de compétence pour une étudiante de 3e année " et que les erreurs d'asepsie multiples commises par Mme A... au cours de ses premiers jours de stage, constatées par plusieurs infirmières, sont " inadmissibles à ce stade de la formation ". Le rapport ajoute que de telles erreurs pourraient " mettre en danger les patients ". Si Mme A... fait valoir que les manquements liés à l'utilisation des gants s'expliquent par le fait qu'elle souffre d'une allergie au latex, élément corroboré par un certificat médical de janvier 2024 versé aux débats, elle ne conteste pas utilement les autres erreurs techniques relevées de manière précise et circonstanciée par la cadre de santé ou l'appréciation portée par cette dernière sur l'insuffisance de ses compétences techniques, son absence de remise en question, et les risques induits pour les patients. En outre, il ressort du rapport motivé de la directrice de l'IFSI que, devant la section, Mme A... a expressément reconnu avoir multiplié les erreurs d'asepsie, et admis être en difficulté sur les soins techniques. Les manquements reprochés à Mme A... constituent ainsi des actes incompatibles avec la sécurité des personnes dont la prise en charge lui avait été confiée, au sens de l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007.
6. En deuxième lieu, Mme A... soutient que la mesure d'exclusion définitive est disproportionnée. Elle fait valoir à cet effet que son parcours pédagogique, notamment les rapports de ses stages précédents, attestent de l'acquisition de compétences techniques. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le bilan final de stage du semestre n° 5, daté du 2 décembre 2022, comporte une majorité de compétences " à améliorer " et relève que Mme A... " n'a pas le niveau pour un début de 3e année ". Le bilan final de stage du 19 janvier 2023 relève une progression, mais note que les compétences attendues pour ce niveau de formation ne sont pas acquises et indique que Mme A... " n'a pas les compétences, ni techniques ni théoriques pour exercer en tant qu'IDE ". Si Mme A... soutient, par ailleurs, qu'elle a été affectée par les conditions de déroulement de ces deux stages, du fait de maltraitances auxquelles elle aurait assisté, ou encore de défaillances de ses formateurs, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de telles allégations. Les éléments relatifs au comportement de certaines infirmières aides-soignantes pendant ses stages, exposés dans un courriel du 2 décembre 2022, ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations portées sur ses compétences. De même, si elle soutient que ces rapports de stage ont été établis sans sa présence, elle n'en conteste pas utilement le contenu. En outre, si les rapports de stage du semestre n° 6, notamment ceux du 14 avril 2023 et du 13 juin 2023, attestent d'améliorations et de progrès dans l'acquisition des compétences et le positionnement en tant qu'infirmière, Mme A... n'est pas fondée à soutenir, au regard des bilans de stage du semestre n° 5, que les constatations effectuées lors du stage de rattrapage accompli en juillet 2023 correspondraient à une situation ponctuelle. Par ailleurs, si Mme A... soutient que son comportement dans la classe, ses absences ou son intégration dans les équipes lors des stages n'ont pas un caractère fautif, la mesure prise à son encontre n'a pas un caractère disciplinaire et de telles fautes ne lui ont pas été reprochées. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à leur nature, leur portée et leur répétition, les reproches en cause étaient de nature à justifier la mesure prononcée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
7. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles 15, 16 et 17 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux que la mesure d'exclusion définitive est au nombre des mesures qui peuvent être prises par la section compétente pour le traitement des situations individuelles. Il résulte par ailleurs de ce qui a été exposé au point 6 que la décision attaquée a été prise en considération d'actes de l'intéressée incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du centre hospitalier de Digne-les-Bains tendant à l'application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Digne-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier de Digne-les-Bains.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente,
- M. Point, premier conseiller.
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juillet 2025.
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N° 24MA02163