Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2308171 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024, M. A..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 13 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou tout au moins de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la légalité externe de l'ensemble des décisions :
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 29 mars 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Point, rapporteur,
- et les observations de Me Carmier pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité turque, né le 1er janvier 1991, déclare être entré en France le 19 janvier 2012 démuni de visa. L'intéressé a sollicité, le 1er décembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 3 août 2023, notifié le 8 août 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
S'agissant de la légalité externe de l'ensemble des décisions :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les articles L. 423-23 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne les éléments de droit sur lesquels le préfet s'est fondé. Par ailleurs, la décision expose avec suffisamment de précision les éléments relatifs à la situation personnelle, familiale et professionnelle de M. A.... Le préfet a mentionné notamment la date d'entrée sur le territoire de l'intéressé, l'absence d'insertion professionnelle notable sur le territoire, et l'existence de liens familiaux dans le pays d'origine. Le préfet n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des circonstances invoquées par M. A... à l'appui de sa demande. L'arrêté attaqué comporte ainsi, de façon circonstanciée, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et celui tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant doivent être écartés.
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... déclare être entré en France pour la dernière fois 19 janvier 2012. Toutefois, les pièces versées au dossier pour l'année 2014 ne permettent pas de démontrer qu'il était sur le territoire français au cours de la période allant de février 2014 à août 2014. Ainsi, M. A... n'établit sa présence de manière continue sur le territoire que depuis septembre 2014, soit environ neuf ans à la date de la décision attaquée. Si le requérant se prévaut également de la présence sur le territoire français de deux de ses frères, il ne conteste pas utilement l'affirmation du préfet selon laquelle il disposerait toujours d'attaches familiales dans son pays d'origine, notamment sa mère et cinq autres de ses frères et sœurs. Par ailleurs, M. A... verse au dossier des bulletins de salaire et un contrat de travail attestant qu'il a travaillé en tant que maçon à compter du mois d'avril 2022. Il soutient également qu'entre 2019 et 2022, il a travaillé de façon ponctuelle et non déclarée, périodes de travail qui seraient démontrées par des versements sur ses comptes bancaires. Toutefois, il ne justifie pas, par ces seuls éléments, d'une intégration professionnelle suffisamment notable et ancienne à la date de la décision attaquée. Enfin, s'il se prévaut d'une intégration sociale par le sport, en faisant valoir qu'il est affilié à un club de boxe, ces éléments ne sont pas de nature à établir une insertion sociale particulièrement notable. En outre, M. A... a fait l'objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français, datées du 21 août 2013 et du 13 octobre 2021, qu'il n'a pas exécutées. Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. A... ne justifie pas de l'intensité de ses relations sur le territoire français. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation dont procéderait la décision attaquée doit également être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".
7. Il résulte des dispositions précitées que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers sollicitant leur admission exceptionnelle au séjour justifiant par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5, que M. A..., qui n'établit pas sa présence en France entre février et août 2014, ne justifie pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de prendre le refus de séjour litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure en l'absence de saisine de cette commission doit être écarté.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. La décision portant refus de séjour n'étant pas illégale, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette mesure, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.
11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Carmier.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente,
- M. Point, premier conseiller.
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juillet 2025.
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N° 24MA01206