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17/07/2025 | FRANCE | N°24MA01339

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 17 juillet 2025, 24MA01339


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et les sociétés GC Achard, GC Mero, GC Marceau, GC Antibes, GC Maréchal Joffre et GC Félix Faure ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 19 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Cannes a approuvé la modification n° 1 de son plan local d'urbanisme (PLU).





Par un jugement n° 2105118 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, donné acte du désistement de la sociét

é GC Mero, et, d'autre part, rejeté leur demande.



Procédure devant la Cour :



Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et les sociétés GC Achard, GC Mero, GC Marceau, GC Antibes, GC Maréchal Joffre et GC Félix Faure ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 19 juillet 2021 par laquelle le conseil municipal de Cannes a approuvé la modification n° 1 de son plan local d'urbanisme (PLU).

Par un jugement n° 2105118 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, donné acte du désistement de la société GC Mero, et, d'autre part, rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mai 2024 et 26 mars 2025, M. A... et les sociétés GC Marceau, GC Antibes, GC Maréchal Joffre, GC Félix Faure et GC Achard, représentés par Me Cloché-Dubois et Me Mimoun, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2024 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler la délibération du 19 juillet 2021 du conseil municipal de Cannes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le rapport de présentation du PLU litigieux est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne les raisons de la création de servitudes de mixité sociale sur les immeubles leur appartenant ; le tribunal n'a pas répondu sur ce point ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit ;

- le PLU litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme ;

- la délibération contestée est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 août 2024 et 31 mars 2025, la ville de Cannes, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... et des autres requérants, la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel, rapporteur ;

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;

- les observations de Me Mimoun représentant M. A... et autres, et celles de Me Bigas, représentant la commune de Cannes.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 19 juillet 2021, le conseil municipal de Cannes a approuvé la modification n° 1 de son plan local d'urbanisme, laquelle prévoit notamment la création de servitudes de mixité sociale sur sept immeubles appartenant aux sociétés appelantes dont M. A... détient les parts. Ces derniers demandent l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par les requérants. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu au point 6 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que le rapport de présentation serait insuffisamment motivé et ne justifierait pas le choix de la localisation des servitudes de mixité sociale.

3. En second lieu, si les requérants soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier car entaché d'erreurs de droit, ce moyen, qui relève d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, et ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation (...) ". Selon l'article L. 151-4 de ce même code, dans sa version en vigueur à la date de la délibération contestée : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. (...) ". Aux termes de l'article R. 151-2 de ce même code : " Le rapport de présentation comporte les justifications de : / 1° La cohérence des orientations d'aménagement et de programmation avec les orientations et objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ; / 2° La nécessité des dispositions édictées par le règlement pour la mise en œuvre du projet d'aménagement et de développement durables et des différences qu'elles comportent, notamment selon qu'elles s'appliquent à des constructions existantes ou nouvelles ou selon la dimension des constructions ou selon les destinations et les sous-destinations de constructions dans une même zone ; / 3° La complémentarité de ces dispositions avec les orientations d'aménagement et de programmation mentionnées à l'article L. 151-6 ; / 4° La délimitation des zones prévues par l'article L. 151-9 ; / 5° L'institution des zones urbaines prévues par l'article R. 151-19, des zones urbaines ou zones à urbaniser prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 151-20 lorsque leurs conditions d'aménagement ne font pas l'objet de dispositions réglementaires ainsi que celle des servitudes prévues par le 5° de l'article L. 151-41 ; / 6° Toute autre disposition du plan local d'urbanisme pour laquelle une obligation de justification particulière est prévue par le présent titre. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 151-5 de ce même code : " Le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés lorsque le plan local d'urbanisme est : (...) 2° Modifié (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation de la modification litigieuse du plan local d'urbanisme (PLU) de Cannes comporte une partie relative aux modifications concernant les emplacements réservés et les marges de recul, au sein de laquelle il est expliqué que la servitude de mixité sociale n° 01, portant sur la réalisation de 21 logements sociaux, doit être supprimée en raison du risque inondation affectant les parcelles concernées, lesquelles ont été touchées par des crues les 3 octobre 2015, 23 et 24 novembre et 1er décembre 2019. Il est indiqué au sein de cette même partie que les objectifs poursuivis par cette servitude seront reportés par l'instauration de nouvelles servitudes de mixité sociale, cette adaptation constituant l'un des motifs ayant entraîné la modification litigieuse du PLU de Cannes. Ledit rapport indique ensuite que la servitude de mixité sociale n° 19, prévoyant la création de 28 logements sociaux, est disproportionnée au regard de la forme urbaine du quartier dans lequel elle s'implante, le nombre de logements sociaux sur cette emprise devant être ramené à dix. Les 39 logements locatifs sociaux perdus par ces modifications sont compensés par le repérage de 9 fonciers pouvant comptabiliser jusqu'à 67 logements sociaux, dont les immeubles appartenant aux requérants. Ainsi, le rapport de présentation expose de manière suffisamment précise et complète les raisons justifiant d'instaurer de nouvelles servitudes de mixité sociale sur ces fonciers. Alors qu'il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d'aucun principe, que le choix des immeubles retenus à cet égard doive être justifié au sein du rapport de présentation, le moyen tiré de son insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (...) 4° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des emplacements réservés en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit (...) ".

7. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Enfin, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.

8. Il résulte des principes rappelés au point précédent que les requérants ne peuvent utilement soutenir que le choix de la localisation des emplacements réservés au titre de la mixité sociale sur leurs immeubles serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la liste des emplacements réservés au titre de la mixité sociale, que le PLU modifié prévoit 21 servitudes de mixité sociale sur des fonciers existants, soit 9 nouvelles servitudes dont 7 concernent des immeubles appartenant aux sociétés détenues par M. A..., situés 11 rue Marceau, 1 rue des Belges, 12 rue Maréchal Joffre, 9 rue Felix Faure, 23 rue Jean Méro, 5 rue Achard, 36 rue Georges Clémenceau. S'il ressort des pièces du dossier que les décisions par lesquelles le maire de Cannes s'est opposé aux déclarations préalables déposées par la société par actions simplifiée (SAS) Swiss Global Invest en vue d'un changement de destination d'appartements à usage d'habitation en hébergements hôteliers et touristiques sur les immeubles situés 12 rue du Maréchal Joffre, 5 rue Achard, 1 rue des Belges, 9 rue Félix Faure, 36 rue Georges Clémenceau et 11 rue Marceau, ont été annulées par des jugements du 11 mai 2023 du tribunal administratif de Nice, lesquels immeubles appartenant désormais respectivement aux sociétés GC Maréchal Joffre, GC Achard, GC Antibes, GC Félix Faure, GC Achard et GC Marceau, propriétés de M. A..., cette circonstance ne saurait à elle seule et contrairement à ce que soutiennent les requérants, caractériser une volonté de la commune de Cannes de sanctionner celui-ci, alors qu'ils ne contestent pas que ces servitudes correspondent à un intérêt général et qu'au demeurant chacun des immeubles litigieux est détenu par une personne morale distincte. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir que la localisation des emplacements réservés litigieux aurait été exclusivement motivée par le prétendu conflit opposant M. A... à la commune de Cannes, les requérants n'établissent pas le détournement de pouvoir allégué.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande dirigée contre la délibération du 19 juillet 2021 du conseil municipal de Cannes.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cannes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et autres la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cannes et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... et autres est rejetée.

Article 2 : M. A... et les autres requérants pris ensemble verseront à la commune de Cannes la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et à la commune de Cannes.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025

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N° 24MA01339

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01339
Date de la décision : 17/07/2025

Analyses

68-01-01-01-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans. - Modification et révision des plans. - Procédures de modification.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN & THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;24ma01339 ?
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