Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison avec garage, sur un terrain situé 59 chemin du Pinet et cadastré section AO n° 146 sur le territoire communal.
Par un jugement n° 2100531 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 26 février 2024, 7 janvier et 18 février 2025, Mme A..., représentée par Me Vicquenault, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Tropez du 23 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Tropez de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, le tribunal ayant relevé d'office la situation de compétence liée du maire pour rejeter la demande de permis de construire, compte tenu de l'avis conforme défavorable du préfet du 29 octobre 2020 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle devait être regardée comme excipant de l'illégalité de l'avis du préfet, dont elle a critiqué les motifs dans ses écritures ;
- elle entend exciper de l'illégalité de l'avis conforme défavorable du préfet du Var dont l'arrêté du maire de Saint-Tropez reprend les motifs ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, le terrain d'assiette du projet se situant dans une partie urbanisée de la commune, identifiée d'ailleurs comme implantée au sein de l'agglomération existante par le schéma de cohérence territoriale du Golfe de Saint-Tropez approuvé le 2 octobre 2019 ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, le terrain d'assiette du projet se situant dans une zone urbanisée de la commune et la construction n'emportant aucune augmentation significative de l'urbanisation ou modification des caractéristiques du quartier.
Par des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2024 et 24 janvier 2025, la commune de Saint-Tropez, représentée par Me Antoine, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, qui a reçu communication de la procédure, n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Vicquenault, représentant Mme A..., et de Me Houssel, représentant la commune de Saint-Tropez.
Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., a été enregistrée le 3 juillet 2025 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 décembre 2020, le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de délivrer à Mme A... un permis de construire une maison et un garage sur un terrain situé 59 chemin du Pinet et cadastré section AO n° 146 sur le territoire communal. Mme A... relève appel du jugement du 26 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, pour rejeter la demande de Mme A..., le tribunal administratif, après avoir appelé que le règlement national d'urbanisme était applicable au terrain d'assiette du projet, a jugé que le maire de Saint-Tropez était en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer le permis de construire demandé, compte tenu de l'avis conforme défavorable du préfet du Var. Contrairement à ce que soutient Mme A..., la situation de compétence liée du maire ressortait des pièces du dossier, dès lors que l'arrêté du 23 décembre 2020 visait l'avis défavorable du préfet et que cet avis, daté du 29 octobre 2020, qui mentionnait expressément qu'il était conforme et qu'il appartenait, en conséquence, au maire de refuser le permis de construire, était annexé à cet arrêté. Par suite, les premiers juges ont pu, sans entacher leur décision d'irrégularité, se fonder sur cette situation de compétence liée sans en avoir préalablement informé les parties pour écarter comme inopérants les moyens soulevés devant eux par Mme A....
3. En second lieu, Mme A..., représentée par un conseil en première instance, ne peut être regardée comme ayant excipé de l'illégalité de l'avis conforme du préfet du 29 octobre 2020 dans ses écritures devant le tribunal administratif, quand bien même elle en critiquait la teneur. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché d'irrégularité leur décision en ne s'estimant pas saisis de ce moyen et en s'abstenant d'y répondre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 174-6 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale intervenant après le 31 décembre 2015 ayant pour effet de remettre en application le document immédiatement antérieur, en application de l'article L. 600-12, peut remettre en vigueur, le cas échéant, le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur. Le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de cette annulation ou de cette déclaration d'illégalité. Il ne peut durant cette période faire l'objet d'aucune procédure d'évolution. A défaut de plan local d'urbanisme ou de carte communale exécutoire à l'issue de cette période, le règlement national d'urbanisme s'applique sur le territoire communal ". En outre, selon les dispositions de l'article L. 600-12 du même code : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur ".
5. Ces dispositions prévoient que la remise en vigueur, prévue par l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au plan local d'urbanisme, au document d'urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale annulé ou déclaré illégal ne rend celui-ci à nouveau applicable que pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la décision d'annulation ou de la déclaration d'illégalité. Eu égard à l'objet et aux termes mêmes de l'article L. 174-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, qui ne prévoit aucune rétroactivité, le délai de vingt-quatre mois qu'il prévoit, qui est immédiatement applicable, y compris lorsque la décision prononçant l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale est intervenue avant son entrée en vigueur, ne commence à courir, pour les plans d'occupation des sols remis en vigueur par des annulations prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'à la date de son entrée en vigueur.
6. Par un jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er février 2016, non contesté sur ce point devant la Cour administrative d'appel de Marseille, le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Tropez, approuvé par délibération du 27 juin 2013, a fait l'objet d'une annulation en ce qu'il avait créé une zone UE au sein de laquelle se trouve la parcelle cadastrée section AO n° 146 appartenant à Mme A.... En l'espèce, par application des dispositions énoncées au point 4, le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au plan local d'urbanisme, a été remis en vigueur sur l'ensemble de la zone UE annulée et en particulier sur la parcelle litigieuse cadastrée section AO n° 146, à compter du 25 novembre 2018, pour une durée de vingt-quatre mois, soit jusqu'au 25 novembre 2020. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, édicté le 23 décembre 2020, le règlement national d'urbanisme était applicable au terrain d'assiette du projet.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. (...) Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif (...) ". Selon l'article L. 422-5 de ce même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
8. En application de ces dispositions, le maire de la commune de Saint-Tropez a saisi pour avis conforme le préfet du Var de la demande de permis de construire déposé par Mme A... sur la parcelle cadastrée section AO n° 146. Le préfet du Var a rendu, le 29 octobre 2020, un avis conforme défavorable au projet.
9. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
10. Mme A... excipe de l'illégalité de cet avis.
11. D'une part, l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme dispose que les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues par le même code. En vertu du premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, les dispositions du chapitre relatif à l'aménagement et à la protection du littoral sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, ajouté par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre [relatif à l'aménagement et protection du littoral]. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ".
12. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, applicable aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021, conformément au V de l'article 42 de cette loi : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
13. Il résulte des dispositions énoncées aux points 11 et 12 qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser que soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés ainsi que des hameaux nouveaux intégrés à l'environnement et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.
14. Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) applicable à la date de l'arrêté en litige est le SCoT des cantons de Grimaud et Saint-Tropez, approuvé par délibération du 12 juillet 2006, dès lors que le caractère exécutoire du SCoT du Golfe de Saint-Tropez, approuvé le 2 octobre 2019 SCOT a été suspendu par le préfet du Var en application de l'article L. 143-25 du code de l'urbanisme jusqu'à l'approbation de sa modification n° 1, intervenue le 21 juin 2023. Ce document, s'il définit dans la rubrique du rapport de présentation consacrée à l'application de la loi littorale, les espaces proches du rivage, les espaces naturels remarquables et les coupures d'urbanisation, et identifie, sur les cartes associées, ces deux derniers éléments, ne précise pas les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés sur le territoire qu'il couvre pour l'application de l'article L. 121-8, et ne définit pas leur localisation sur les cartes associées. Par ailleurs, le terrain d'assiette du projet de Mme A... n'est pas situé dans le périmètre de la zone urbaine matérialisée dans les documents graphiques du SCoT mais dans la zone pavillonnaire matérialisée sur ces documents, qui évoque au demeurant une urbanisation diffuse, et ne peut, en tout état de cause, être regardée comme correspondant aux villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés du territoire communal. Dans ces conditions, la conformité du permis de construire en litige aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peut être appréciée au regard des dispositions du SCoT des cantons de Grimaud et Saint-Tropez.
15. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AO n° 146, d'une superficie 5 020 m², partiellement boisée, sur laquelle la construction doit être implantée, se situe à plusieurs kilomètres du centre de la commune de Saint-Tropez, dans un compartiment d'environ 4,3 hectares comprenant des terrains non construits et seulement cinq constructions implantées sur de vastes parcelles, caractérisant un habitat pavillonnaire diffus. Dans ces conditions, le secteur dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du projet, au demeurant classé en zone naturelle du plan local d'urbanisme approuvé en 2021, ne comporte pas un nombre et une densité significatifs de constructions au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, le préfet était fondé, pour ce seul motif, à émettre un avis conforme défavorable sur la demande de permis de construire en litige. Il en résulte que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet avis conforme doit être écarté et que le maire de Saint-Tropez, en situation de compétence liée, était tenu de suivre cet avis.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2020 par lequel le maire de Saint-Tropez a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Tropez, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Tropez et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Tropez en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune de Saint-Tropez et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2025.
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N° 24MA00481