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17/07/2025 | FRANCE | N°24MA00430

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 17 juillet 2025, 24MA00430


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme J... I... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison avec garage, sur un terrain situé 7 chemin de Capon et cadastré section AO n° 25 et 98 sur le territoire communal.



Par un jugement n° 2003599 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et enjoint au maire de Sain

t-Tropez de procéder au réexamen de sa demande de permis de construire dans un délai de trois mois....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... I... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison avec garage, sur un terrain situé 7 chemin de Capon et cadastré section AO n° 25 et 98 sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2003599 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et enjoint au maire de Saint-Tropez de procéder au réexamen de sa demande de permis de construire dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 22 février 2024, 8 novembre 2024 et 12 décembre 2024, la commune de Saint-Tropez, représentée par Me Antoine, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme I... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, en l'absence de mention de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dans les visas ;

- l'arrêté du 12 octobre 2020 a été signé par Mme B..., première adjointe, qui avait compétence pour ce faire en cas d'empêchement du maire ;

- la zone UF de l'ancien plan d'occupation des sols de la commune est illégale, dès lors qu'elle recoupe totalement la zone UE du plan local d'urbanisme approuvé en 2013, annulée par un jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er février 2016, et prévoit des règles de constructibilité similaires ; le tribunal aurait donc dû appliquer le règlement national d'urbanisme ;

- le maire aurait également pu opposer au projet la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

- le motif de refus du permis de construire tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme est fondé, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; la construction projetée constitue une extension de l'urbanisation ; elle ne se situe pas au sein d'un espace qui peut être qualifié d'agglomération ou de zone urbanisée de la commune au sens de la loi littoral ; elle ne se situe pas en continuité d'une agglomération ou d'un village.

Par des mémoires, enregistré les 28 septembre, 26 novembre et 16 décembre 2024, Mme I..., représentée par Me Duffaud, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, qui a reçu communication de la procédure, n'a pas produit d'observations.

La commune de Saint-Tropez a produit un mémoire le 22 mai 2025, qui n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Mme I... a produit un mémoire le 26 juin 2025, qui n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Houssel, représentant la commune de Saint-Tropez et de Me Duffaud, représentant Mme I....

Une note en délibéré, présentée pour Mme I..., a été enregistrée le 3 juillet 2025 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 octobre 2020, le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de délivrer à Mme I... un permis de construire une maison et un garage sur un terrain situé 7 chemin de Capon et cadastré section AO n° 25 et 98 sur le territoire communal. La commune de Saint-Tropez relève appel du jugement du 26 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et enjoint à son maire de réexaminer la demande de permis de construire de Mme I....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour faire droit à la demande de Mme I... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2020 refusant de lui délivrer un permis de construire, le tribunal administratif a accueilli deux moyens soulevés par l'intéressée, tirés de l'incompétence du signataire de cet arrêté et de l'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, après avoir relevé que les dispositions d'urbanisme applicables étaient celles du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Tropez, et non le règlement national d'urbanisme.

En ce qui concerne les dispositions d'urbanisme applicables :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 174-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 34 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale intervenant après le 31 décembre 2015 ayant pour effet de remettre en application le document immédiatement antérieur, en application de l'article L. 600-12, peut remettre en vigueur, le cas échéant, le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur. / Le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de cette annulation ou de cette déclaration d'illégalité. Il ne peut durant cette période faire l'objet d'aucune procédure d'évolution. / A défaut de plan local d'urbanisme ou de carte communale exécutoire à l'issue de cette période, le règlement national d'urbanisme s'applique sur le territoire communal. ".

4. Ces dispositions sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, immédiatement applicables et sont entrées en vigueur le 25 novembre 2018, un jour après la publication de la loi au Journal Officiel. Elles prévoient que la remise en vigueur, prévue par l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au plan local d'urbanisme, au document d'urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale annulé ou déclaré illégal ne rend celui-ci à nouveau applicable que pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la décision d'annulation ou de la déclaration d'illégalité.

5. Eu égard à l'objet et aux termes mêmes de l'article L. 174-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, qui ne prévoit aucune rétroactivité, le délai de vingt-quatre mois qu'il prévoit, qui est immédiatement applicable, y compris lorsque la décision prononçant l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme est intervenue avant son entrée en vigueur, ne commence à courir, pour les plans d'occupation des sols remis en vigueur par des annulations prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'à la date de son entrée en vigueur.

6. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme que lorsque l'autorité chargée de délivrer des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols ne peut appliquer le document d'urbanisme en vigueur ou certaines de ses dispositions, il lui appartient de se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur. Dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature fait obstacle à ce qu'il en soit fait application, elle est tenue de se fonder sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

7. Le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Tropez, approuvé par une délibération du 25 juin 2013, a été partiellement annulé, notamment en ce qui concerne le classement de la zone UE qui s'étend de la périphérie sud-ouest de l'agglomération de Saint-Tropez, à partir des quartiers de Belle-Isnarde et de Belle-Vue et qui remonte ensuite vers les quartiers de Maneby et des Canebiers, par un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Toulon du 1er février 2016. L'annulation contentieuse de ce document d'urbanisme a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols antérieurement applicable, approuvé en 1997 et révisé partiellement en 2000, sur les parcelles litigieuses. Si ce plan d'occupation des sols était remis en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté contesté du 12 octobre 2020, la commune fait valoir que la zone UF de ce plan recouvre exactement la zone UE du PLU annulée par le tribunal administratif au motif qu'elle était incompatible avec les dispositions de la loi littoral codifiées à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, devenu L. 121-8, et prévoit des règles de constructibilité identiques, à savoir une superficie minimale des terrains constructible de 5 000 m², une hauteur maximale de 6 mètres et un coefficient maximum fixé à 0,08. Par suite, la commune de Saint-Tropez est fondée à soutenir que le plan d'occupation des sols est, s'agissant, du secteur UF dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet, illégal, que son application doit être écartée et que les dispositions d'urbanisme applicables sont celle du règlement national d'urbanisme

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. ". Il résulte de ces dispositions, qui n'ont pas pour vocation de suppléer les délégations que le maire peut consentir à ses adjoints en vertu de l'article L. 2122-18 du même code, qu'elles ne donnent compétence au suppléant que pour les actes dont l'accomplissement, au moment où il s'impose, serait empêché par l'absence du maire et ne permettrait donc pas un fonctionnement normal de l'administration municipale.

9. L'arrêté du 12 octobre 2020 a été signé par Mme B..., première adjointe, pour le maire empêché. Il ressort du certificat administratif établi le 21 février 2024 par le nouveau maire de Saint-Tropez que M. F..., ancien maire de la commune, était absent du 10 au 16 octobre 2020 pour motif médical. Si Mme I... fait valoir qu'elle a complété son dossier de demande de permis de construire le 7 octobre 2020, de telle sorte que le délai d'instruction, fixé à trois mois, n'expirait que le 7 janvier 2021, il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux du conseil municipal des 16 juillet, 30 juillet et 8 octobre 2020, faisant état de l'absence de M. F..., et du courrier de l'intéressé adressé aux tropéziens le 30 octobre 2020 annonçant sa démission pour raisons de santé, qu'il existait, à la date à laquelle l'arrêté a été pris, une grande incertitude sur les perspectives de retour du maire. Dans ces conditions, et alors que l'instruction du dossier, complet, était terminée, Mme B..., première adjointe, a pu compétemment signer l'arrêté du 12 octobre 2020. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. (...) Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif (...) ". Selon l'article L. 422-5 de ce même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".

11. En application de ces dispositions, le maire de la commune de Saint-Tropez a saisi pour avis conforme le préfet du Var de la demande de permis de construire déposée par Mme I.... Le préfet du Var a rendu, le 2 septembre 2020, un avis conforme défavorable au projet.

12. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

13. Mme I... a excipé, en première instance, de l'illégalité de cet avis.

14. D'une part, l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme dispose que les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues par le même code. En vertu du premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, les dispositions du chapitre relatif à l'aménagement et à la protection du littoral sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, ajouté par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre [relatif à l'aménagement et protection du littoral]. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ".

15. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, applicable aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021, conformément au V de l'article 42 de cette loi : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

16. Il résulte des dispositions énoncées aux points 13 et 14 qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser que soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés ainsi que des hameaux nouveaux intégrés à l'environnement et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

17. Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) applicable à la date de l'arrêté en litige est le SCoT des cantons de Grimaud et Saint-Tropez, approuvé par délibération du 12 juillet 2006 dès lors que le caractère exécutoire du SCoT du Golfe de Saint-Tropez, approuvé le 2 octobre 2019 a été suspendu par le préfet du Var en application de l'article L. 143-25 du code de l'urbanisme jusqu'à l'approbation de sa modification n° 1, intervenue le 21 juin 2023. Ce document, s'il définit dans la rubrique du rapport de présentation consacrée à l'application de la loi littorale, les espaces proches du rivage, les espaces naturels remarquables et les coupures d'urbanisation, et identifie, sur les cartes associées, ces deux derniers éléments, ne précise pas les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés sur le territoire qu'il couvre pour l'application de l'article L. 121-8, et ne définit pas leur localisation sur les cartes associées. Par ailleurs, le terrain d'assiette du projet de Mme I... n'est pas situé dans le périmètre de la zone urbaine matérialisée dans les documents graphiques du SCoT mais dans la zone pavillonnaire matérialisée sur ces documents, qui évoque au demeurant une urbanisation diffuse, et ne peut, en tout état de cause, être regardée comme correspondant aux villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés du territoire communal. Dans ces conditions, la conformité du permis de construire en litige aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peut être appréciée au regard des dispositions du SCoT des cantons de Grimaud et Saint-Tropez.

18. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AO nos 25 et 98, d'une superficie d'environ 6 400 m², actuellement boisées, sur lesquelles la construction doit être implantée, se situent à plusieurs kilomètres, du centre de la commune de Saint-Tropez, dans un compartiment d'environ 4,3 hectares comprenant des terrains non construits et seulement cinq constructions implantées sur de vastes parcelles, caractérisant un habitat pavillonnaire diffus. Dans ces conditions, le secteur dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du projet, au demeurant classé en zone naturelle du plan local d'urbanisme approuvé en 2021, ne comporte pas un nombre et une densité significatifs de constructions au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a censuré le motif du refus de permis de construire en litige fondé sur la méconnaissance l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ressortant de l'avis conforme du préfet et repris par le maire de la commune, qui était en situation de compétence liée.

19. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme I... devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 12 octobre 2020.

20. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) ".

21. L'avis défavorable du 2 septembre 2020 a été signé, pour le préfet du Var, par Mme E... A..., exerçant l'intérim de M. G... H..., chef de service à la direction départementale des territoires et de la mer du Var. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 31 décembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 84 du 2 janvier 2017, le préfet du Var a donné délégation à M. C... D..., directeur départemental des territoires et de la mer du Var, à l'effet de signer notamment " tous actes (...) dans les limites des missions et attributions relevant de cette direction ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les avis conformes émis sur le fondement du a) de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme. Par un arrêté du 23 juillet 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 71 du 24 juillet suivant, le préfet du Var a subdélégué la délégation de signature donnée à M. D... " aux chefs de service et collaborateurs dont les noms sont indiqués dans les tableaux annexés ". Il ressort de la rubrique H5 du tableau H annexé à cet arrêté du 23 juillet 2020 que M. H... a été habilité à signer les avis conformes émis sur le fondement du a) de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, et en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, Mme E... A.... Il n'est ni établi ni même allégué que M. H... n'était pas absent ou empêché le 2 septembre 2020. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis conforme défavorable émis à cette date doit être écarté.

22. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'avis du 2 septembre 2020 et de l'arrêté du 12 octobre 2020, ni des pièces du dossier, que le préfet du Var et le maire de Saint-Tropez n'auraient pas procédé à un examen réel et sérieux du dossier de demande de permis de construire de Mme I..., une divergence d'appréciation sur le caractère urbanisé ou nom du secteur dans lequel se situe le projet ne permettant aucunement, au demeurant, de caractériser le défaut d'examen allégué.

23. En troisième lieu, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet dans son avis conforme au regard de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme doit être écarté comme inopérant, ce motif n'ayant pas été opposé par le maire de Saint-Tropez dans l'arrêté du 12 octobre 2020.

24. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par l'architecte des bâtiments de France, dans son avis simple du 10 octobre 2020, quant à l'insertion du projet de construction dans le site, doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant, le maire de Saint-Tropez ne s'étant pas davantage fondé sur ce motif pour refuser le permis de construire sollicité.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur la demande de substitution de motif présentée à titre subsidiaire par la commune de Saint-Tropez, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel son maire a refusé de délivrer un permis de construire à Mme I....

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Tropez, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme I... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Tropez et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2003599 du tribunal administratif de Toulon du 26 décembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Mme I... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Tropez en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme I... sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... I..., à la commune de Saint-Tropez et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2025.

2

N° 24MA00430

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00430
Date de la décision : 17/07/2025

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CABINET LEGAL PERFORMANCES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;24ma00430 ?
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