Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un arrêt avant dire droit du 4 février 2025, la Cour a sursis à statuer sur la requête de M. A... C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia
du 7 juillet 2023 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 30 avril 2021 par laquelle le maire de Pianottoli-Caldarello ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de Mme B... C... en vue de la surélévation d'un mur sur la parcelle cadastrée section B n° 345, lieudit
" Viagenti ", ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de sa notification et dans l'attente, d'une part, de la mise en demeure adressée par M. C... et la commune de Pianotolli-Caldarello aux ayants droit de Mme B... C... de reprendre l'instance et, d'autre part, de la reprise de cette instance par ces derniers.
Procédure devant la Cour :
Par deux lettres enregistrées le 7 avril et le 14 mai 2025, M. C..., représenté par
Me Gras, fait état des démarches engagées pour identifier auprès du notaire en charge de la succession de Mme C... l'ensemble de ses ayant droits susceptibles de reprendre l'instance, et sollicite l'enrôlement de l'affaire.
Par une lettre du 20 juin 2025, la Cour a informé les parties, en application de l'article
L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce qu'elle était susceptible de mettre en œuvre ces dispositions et de surseoir à statuer sur la requête présentée par M. A... C..., dans l'attente de la régularisation du vice tenant au défaut de consultation de la Collectivité de Corse gestionnaire de la voie publique attenante au projet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, et compte tenu de la décision du Conseil d'Etat du 19 juin 2017 (n°s 394677, 397149).
Le 30 juin 2025, M. C... a présenté des observations sur la possibilité pour la Cour de faire usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qui ont été communiquées à la commune
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article
R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Germe, substituant Me Gras, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 avril 2021, Mme B... C..., propriétaire d'une parcelle cadastrée section B n° 345, située lieu-dit Viagenti à Pianottoli-Caldarello, et supportant une maison d'habitation, a déposé une déclaration préalable en vue de la surélévation de 80 cm d'un de ses murs de clôture sur une longueur de 45 mètres. Par un arrêté du 30 avril 2021, le maire de Pianottoli-Caldarello ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Par un jugement du
7 juillet 2023, dont M. A... C..., voisin direct du projet, relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et du rejet tacite de son recours gracieux contre cette décision. Par un arrêt du 4 février 2025, la Cour a sursis à statuer sur la requête d'appel de M. C..., jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de sa notification, dans l'attente, d'une part, de la mise en demeure adressée par M. C... et la commune de Pianotolli-Caldarello aux ayants droit de Mme B... C... de reprendre l'instance et, d'autre part, de la reprise de cette instance par ces derniers.
Sur la reprise d'instance :
2. Malgré le sursis à statuer prononcé par la Cour sur la requête de M. C... et les démarches entreprises par ce dernier pour identifier les ayants droit de Mme C..., le notaire en charge de déterminer la succession de celle-ci n'a pas été en mesure de communiquer au requérant l'identité de ces derniers, ni par conséquent de lui permettre de les mettre en demeure de reprendre l'instance, en lieu et place de Mme C....
3. Il y a donc lieu, non pas de constater un non-lieu à statuer sur la requête de
M. C..., l'autorisation en litige ayant été entièrement exécutée, mais de statuer immédiatement sur l'ensemble de ses conclusions.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
4. Contrairement à ce que soutient la commune de Pianotolli-Caldarello, M. C... a notifié sa requête d'appel, tant à ses services qu'à Mme C..., par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2023, soit dans le délai de quinze jours fixé par l'article
R. 600-1 du code de l'urbanisme pour accomplir la formalité de notification des recours qu'il institue. La requête d'appel est donc recevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen de nature à justifier l'annulation des décisions en litige :
5. Aux termes de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie. ". Par création ou modification d'un accès à une voie publique, il faut entendre tout changement dans la configuration matérielle des lieux ou dans l'usage qui en est fait permettant à un riverain d'utiliser cette voie avec un véhicule.
6. Il ressort des pièces du dossier de déclaration préalable, confirmées par les éléments produits par l'appelant, que le projet de surélévation de la clôture de Mme C..., qui porte sur un mur présentant une hauteur de 1 mètre 60 et qui doit la porter à 2 mètres 40, conduit à surélever de 80 cm l'un des deux points marquant l'accès, depuis la voie territoriale n° 122, notamment à la propriété de M. C.... Ce projet, qui emporte un changement dans la configuration matérielle des lieux permettant à un riverain d'utiliser la voie publique avec un véhicule, a donc pour effet de modifier cet accès et nécessitait, avant d'être autorisé, que le maire de la commune de Pianotolli-Caldarello, qui est dépourvue de plan local d'urbanisme ou de document en tenant lieu, consulte la Collectivité de Corse, gestionnaire de cette voie publique.
En s'en abstenant avant de prendre l'arrêté en litige, le maire a entaché sa décision d'un vice de procédure, qui a été en l'espèce de nature à exercer une influence sur le sens de cette décision et qui est dès lors de nature à l'entacher d'illégalité.
En ce qui concerne les autres moyens :
7. D'une part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". L'article R. 111-5 du même code dispose que : "Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie./ Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic.".
8. S'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de son implantation par rapport au muret de clôture, surmonté d'un grillage, de la propriété de Mme C... donnant directement sur la voie territoriale, le mur à surélever, d'une hauteur totale de 2 mètres 40, qui sépare ce terrain de la propriété de M. C..., aura pour effet de diminuer la visibilité de l'accès à cette voie depuis cette propriété, il n'en résulte en l'état de l'instruction ni une atteinte à la sécurité publique, ni un risque pour la sécurité des usagers de la voie publique, l'appelant ne précisant pas le type de prescription spéciale dont l'autorisation en litige aurait dû être assortie au titre de l'article
R. 111-5 du code de l'urbanisme, ni du reste au titre de l'article R. 111-2 du même code. C'est donc sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions que le maire de Pianotolli-Caldarello ne s'est pas opposé à la déclaration de clôture de Mme C....
9. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-29 du code de l'urbanisme : " Les murs séparatifs et les murs aveugles apparentés d'un bâtiment doivent, lorsqu'ils ne sont pas construits avec les mêmes matériaux que les murs de façades principales, avoir un aspect qui s'harmonise avec celui des façades ".
10. Il est constant que le mur de clôture à surélever, comme sa surélévation, est constitué de parpaings de ciment gris, tandis que la maison d'habitation de Mme C... présente des façades en pierre de taille de granit gris. Bien que de matériaux distincts, ces deux éléments de construction ne présentent pas des aspects en disharmonie l'un avec l'autre. M. C... n'est pas fondé à prétendre que les décisions en litige ont été prises en méconnaissance des dispositions citées au point précédent.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, pour le motif énoncé aux points 5 et 6,
M. C... est fondé à soutenir que les décisions en litige sont entachées d'illégalité.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
12. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation.
Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
13. Le vice entachant d'illégalité l'arrêté de non-opposition à la déclaration de clôture de Mme C..., qui consiste dans le défaut de consultation de la Collectivité de Corse au titre de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, est susceptible d'être régularisé par la commune de Pianatolli-Caldarello en procédant à cette consultation avant de prendre une nouvelle décision de non-opposition qui n'implique pas de changer la nature du projet en cause. Si, malgré une mise en demeure, aucun des ayants droit de Mme C... n'a repris l'instance après son décès, ainsi qu'il a été dit au point 2, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme doive solliciter de l'autorité compétente la délivrance de la mesure de régularisation que le juge administratif, statuant avant dire droit, a estimé nécessaire pour régulariser l'autorisation initiale. Dans ces conditions, et alors que le mur en litige a été édifié, il y a lieu, comme le demande la commune, de surseoir à statuer sur la demande de M. C... dirigée contre l'arrêté du maire de la commune de Pianatolli-Caldarello et le rejet tacite de son recours gracieux, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois, délai dans lequel il appartient aux éventuels ayants droit de Mme C... et à l'autorité administrative de régulariser le vice par une décision de non-opposition modificative et d'en justifier devant la Cour.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la demande de M. A... C... ainsi que sur les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, en vue de la notification de la mesure de régularisation prise selon les modalités mentionnées au point 13.
Article 2 : La commune de Pianottoli-Caldarello et les éventuels ayants droit de Mme C... devront justifier, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de l'éventuelle délivrance d'une décision de non-opposition de régularisation, qu'il leur appartiendra en outre de notifier sans délai au requérant, permettant d'assurer la conformité de l'autorisation en litige aux dispositions de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la commune de Pianottoli-Caldarello, à Me Pascal C..., et à Me Alexandre Santoni, chargé de la succession de
Mme B... C....
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2025, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
N° 23MA023192