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10/07/2025 | FRANCE | N°24MA01547

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 10 juillet 2025, 24MA01547


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2310991 du 26 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, après l'avoir a

dmis à l'aide juridictionnelle.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2310991 du 26 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2024, M. A..., représenté par Me Katz, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2310991 du 26 décembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 10 euros par jour et de réexaminer sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur de droit et méconnu les articles L. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur sa demande de titre de séjour ;

- s'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire, le préfet a méconnu les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de réponse à sa demande de titre de séjour ;

- compte tenu de sa situation familiale, il présentait des garanties de représentation.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 26 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. A... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- et les observations de Me Katz pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, a fait l'objet d'un arrêté du 16 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Il relève appel du jugement du 26 décembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie de sa présence en France à compter de l'année 2015 par la production, au titre de cette année, d'une carte d'admission à l'aide médicale de l'Etat et de plusieurs documents médicaux émanant de praticiens de l'hôpital européen de Marseille faisant état d'une opération et d'un suivi médical au sein de cet établissement au cours de l'année, puis, au titre de chacune des années suivantes, de documents nombreux et variés, tels que des cartes d'admission et de renouvellement à l'aide médicale de l'Etat, contrat de bail, quittances, factures, notamment de fournisseurs d'énergie, documents médicaux. Par ailleurs, M. A... est marié depuis le 8 janvier 2022 avec une compatriote dont il n'est pas contesté qu'elle réside régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans, et avec laquelle il justifie, d'une part, avoir vécu en concubinage depuis au moins l'année 2016 par la production notamment d'un contrat de bail souscrit le 5 juin 2016 et de quittances et factures aux deux noms au titre des années suivantes, ce que confirme une attestation de droits de la caisse d'allocations familiales du 12 février 2024 qui fait état d'une déclaration de couple depuis le 29 février 2016. Les époux ont, dès avant leur mariage, eu un enfant né en France le 13 janvier 2015 et résident encore ensemble à la date de l'arrêté contesté, avec les précédents enfants mineurs de l'épouse dont elle a la garde, celle-ci ayant cinq autres enfants, dont trois de nationalité française. Enfin, le préfet n'allègue pas que la présence en France de M. A... représenterait une menace à l'ordre public. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., et alors même que celui-ci se trouverait dans une catégorie d'étrangers pouvant prétendre au regroupement familial, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris. M. A... est ainsi fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône. Ce jugement et cet arrêté doivent dès lors être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. En vertu de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Katz, avocat de M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à la perception de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1 : L'article 2 du jugement n° 2310991 du 26 décembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 16 novembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Katz, avocat de M. A..., sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Katz et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.

2

N° 24MA01547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01547
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : KATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ma01547 ?
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