Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limité (SARL) 1 + En Plus a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge d'une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011, d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, des majorations correspondantes et de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par une ordonnance no 2100840 du 13 novembre 2023, la présidente de la troisième chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2024, la SARL 1 + En Plus, représentée par Me Evrard, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 novembre 2023 de la présidente de la troisième chambre du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, des majorations et de l'amende en litige ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- sa demande n'est pas tardive, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance de la décision de rejet de la réclamation ;
- elle se prévaut de la réponse ministérielle à la question écrite n° 54423 de M. B... A... publiée au Journal officiel le 2 septembre 2014 et de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-80 n° 190 ;
- la tardiveté qui lui a été opposée méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le délai de recouvrement excède le droit à un délai raisonnable de jugement ;
- la méthode de reconstitution retenue par l'administration est radicalement viciée, dès lors qu'elle ne prend pas en compte son activité de traiteur et de vente à emporter ;
- le rapport entre les ventes de boissons alcoolisées et les ventes totales n'est pas établi ;
- le nombre de consommations vendues et le prix moyen de vente du secteur ne sont pas déterminés ;
- le service n'a pas retenu les réfactions d'usage pour les offerts et l'utilisation de boissons en cuisine ;
- l'absence de stock à l'ouverture et à la clôture de l'exercice est contraire au principe de réalité ;
- la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires a rejeté la méthode employée par le service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence de la remise intervenue en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reprendre les moyens invoqués en première instance ;
- l'amende pour distributions occultes a fait l'objet d'une remise en application de l'article 1756 du code général des impôts ;
- la demande présentée par la SARL 1 + En Plus devant le tribunal administratif de Nice est tardive ;
- les moyens soulevés par la SARL 1 + En Plus ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux et l'arrêté du 15 avril 2020 le modifiant ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL 1+ En Plus exploite une activité de restauration et de café-bar sous l'enseigne " La Gauloise " à Nice. Elle exerce par ailleurs une activité de traiteur et de vente à emporter. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 25 novembre 2013, a écarté sa comptabilité comme non probante, reconstitué le chiffre d'affaires de son activité de restauration, et l'a assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011, ainsi qu'à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011. Elle fait appel de l'ordonnance du 13 novembre 2023 par laquelle la présidente de la troisième chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions pour tardiveté.
Sur l'étendue du litige :
2. Le ministre fait valoir que la SARL 1 + En Plus a été placée en redressement judiciaire et que les amendes fiscales auraient fait l'objet d'une remise en application de l'article 1756 du code général des impôts sans apporter de pièces à l'appui de ses affirmations. Il ne résulte pas de l'instruction que le litige aurait partiellement perdu son objet en cours d'instance.
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. " Le premier alinéa de l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. "
4. L'arrêté du 15 avril 2020, visé ci-dessus, modifie l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 de la façon suivante : " Dans l'hypothèse où le destinataire est absent, le prestataire l'informe par tout moyen que l'envoi postal est mis en instance ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Les envois mis en instance depuis le 20 mars 2020 seront conservés en instance pendant une durée égale à la durée d'application de l'état d'urgence sanitaire déclaré à l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisé, allongée de quinze jours ouvrables. / (...) " Il modifie également l'article 7 du même arrêté de la façon suivante : " " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : / - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; / - la date de distribution ; / - le numéro d'identification de l'envoi ; - l'identification du prestataire ayant effectué la distribution, s'il est différent de celui auprès duquel l'envoi a été déposé. "
5. L'administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse de la SARL 1 + En Plus par une décision du 15 mai 2020 mentionnant les voies et délais de recours, expédiée par pli recommandé à l'adresse du siège social de la SARL 1 + En Plus. Le pli a été retourné à l'administration fiscale le 31 juillet 2020 accompagné d'un avis de réception comportant la mention : " présenté / avisé le 20/05/2020 ". L'enveloppe du pli était revêtue d'une étiquette intitulée " Restitution de l'information à l'expéditeur " sur laquelle la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, était cochée. Cette étiquette comportait également le numéro d'identification de l'envoi. En outre, le ministre produit une attestation de la Poste du 23 avril 2021, selon laquelle le pli a été présenté et avisé le 20 mai 2020, mis en instance dans une agence postale, retourné à l'expéditeur le 30 juillet 2020 et distribué le jour suivant. La notification du 20 mai 2020, qui répond à l'ensemble des exigences pertinentes de la réglementation postale, est régulière et de nature à faire courir le délai de recours prévu à l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales. La demande de la SARL 1 + En Plus a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 15 février 2021, après l'expiration du délai de deux mois, prévu par les dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales. La demande de la SARL 1 + En Plus devant le tribunal administratif de Nice était donc tardive.
6. La société requérante fait valoir que cette tardiveté résulte d'un formalisme excessif méconnaissant le droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour la partie du litige entrant dans le champ d'application de cet article. Elle fait valoir que les restaurants étaient fermés dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire à la date à laquelle la notification a été effectuée, et que compte tenu de l'ancienneté de sa réclamation, elle n'était pas en mesure d'anticiper un pli de l'administration fiscale. Toutefois, outre son activité de restauration et de bar, la SARL 1 + En Plus, ainsi qu'il a été dit, exerçait également une activité de traiteur et de vente à emporter, dont elle souligne d'ailleurs l'importance. Cette activité était exclue de la mesure générale de fermeture des établissements visés au 1° du I de l'article 10 du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Il n'est pas établi que l'établissement de la SARL 1 + En Plus ait cessé toute activité et qu'elle n'ait pas été en mesure de prendre connaissance de son courrier pendant cette période. En outre, la fermeture des établissements de restauration a pris fin le 2 juin 2020, date à laquelle il était possible de prendre connaissance de l'avis de passage et de retirer le pli recommandé, devant être mis en instance dans une agence postale jusqu'au 29 juillet 2020 conformément au deuxième alinéa de l'article 4 de l'arrêté du 15 avril 2020 cité ci-dessus. Par suite, la SARL 1 + En Plus était effectivement à même de retirer le pli recommandé adressé par l'administration fiscale et de contester en temps utile la décision de rejet de sa réclamation devant le tribunal administratif de Nice. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait d'un formalisme excessif doit donc être écarté.
7. Enfin, la SARL 1 + En Plus n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse à la question écrite n° 54423 de M. B... A... publiée au Journal officiel le 2 septembre 2014 et de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-80 n° 190, qui ne portent pas sur l'interprétation d'un texte fiscal.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense, la SARL 1 + En Plus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL 1 + En Plus est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) 1 + En Plus et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
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No 24MA00095