Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prorogé, pour une durée de cinq ans, son arrêté du 8 septembre 2016 déclarant d'utilité publique, sur le territoire de la commune de Marseille, les travaux de réalisation du boulevard urbain sud au bénéfice de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Marseille et, d'autre part d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer le dossier à fin d'organiser une nouvelle étude environnementale.
Par un jugement n° 2108205 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par la métropole d'Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2024 et le 24 février 2025, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 mai 2024 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer le dossier du boulevard urbain sud aux fins d'organiser une nouvelle étude environnementale indispensable à la prise en considération des enjeux environnementaux et humains liés à la réalisation de ces travaux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- sa requête est motivée et donc recevable ;
- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article L. 121-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dès lors que le projet d'aménagement de boulevard sud urbain, significativement modifié par délibération de la métropole du 12 octobre 2023, a perdu son utilité publique, laquelle ne consiste plus dans le désengorgement de la circulation ni dans le désenclavement des quartiers sud, et que cette modification substantielle, qui s'est traduite par une augmentation du budget des travaux dans un contexte de nouveaux objectifs nationaux en matière d'environnement et de difficultés de réalisation du tracé initial, et qui s'est accompagnée de l'apparition d'une nouvelle alternative au tracé actuel, aurait dû donner lieu à nouvelle enquête publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2025, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, représentée par Mes Mialot et Guarrigue de la selarl Mialot avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- la requête d'appel n'est pas motivée et doit donc être rejetée comme irrecevable ;
- le moyen d'appel tiré d'un changement de circonstance lié à une délibération du
12 octobre 2023 est inopérant et les autres moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- les autres moyens développés en première instance doivent être écartés, le moyen tiré du défaut de motivation étant inopérant.
Par une ordonnance du 10 janvier 2025 la clôture d'instruction a été fixée au
11 février 2025, à 12 heures, puis par une ordonnance du 10 février 2025, a été reportée au
25 février 2025, à 12 heures.
Le ministre de l'intérieur a produit un mémoire le 13 juin 2025, soit après la clôture, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Woimant, substituant Me Mendes Constante, représentant la commune de Marseille et Me Mialot, représentant la métropole d'Aix-Marseille Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 décembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, les travaux nécessaires à la réalisation du boulevard urbain sud à Marseille et a mis en compatibilité le document d'urbanisme de cette commune. Le recours d'une association contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mars 2019, puis par un arrêt de la Cour du 3 novembre 2020, contre lequel le pourvoi en cassation de cette association n'a pas été admis. Par un arrêté du 20 juillet 2021, pris à la demande de la présidente de la métropole d'Aix-Marseille-Provence du 22 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part prorogé pour un durée de cinq années à compter du 8 septembre 2021 les effets de cette déclaration d'utilité publique et, d'autre part mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de la commune de Marseille. Par un jugement du
7 mai 2024, dont la commune relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer le dossier à fin d'organiser une nouvelle étude environnementale.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 121-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n'est pas supérieure à cinq ans. Cette prorogation peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l'absence de circonstances nouvelles. / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente peut proroger les effets d'un acte déclaratif d'utilité publique, sauf si l'opération n'est plus susceptible d'être légalement réalisée en raison de l'évolution du droit applicable ou s'il apparaît que le projet a perdu son caractère d'utilité publique par suite d'un changement des circonstances de fait.
Cette prorogation peut être décidée sans procéder à une nouvelle enquête publique, alors même que le contexte dans lequel s'inscrit l'opération aurait connu des évolutions significatives, sauf si les caractéristiques du projet sont substantiellement modifiées. A cet égard, une augmentation de son coût dans des proportions de nature à en affecter l'économie générale doit être regardée comme une modification substantielle.
En ce qui concerne la soumission à une enquête publique :
3. Pour prétendre que préalablement à sa décision de proroger les effets de la déclaration d'utilité publique des travaux de réalisation du boulevard urbain sud, le préfet aurait dû soumettre ce projet à enquête publique, la commune de Marseille se prévaut d'une augmentation du coût de l'opération, du contexte général de la prorogation, des difficultés rencontrées par la métropole dans l'acquisition des parcelles, et des modifications apportées au projet par la métropole.
4. Mais en premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas du rapport de la commission d'enquête publique établi le 14 juillet 2021 dans le cadre de l'élaboration du plan de déplacements urbains de la métropole, que celle-ci aurait modifié la nature de l'opération dans son troisième tronçon situé dans le 8ème arrondissement de Marseille à la date de l'arrêté en litige, en optant, comme elle a compté le faire par délibération du 12 octobre 2023, pour un boulevard urbain vert adapté aux mobilités douces, avec aménagements cyclables et cheminements piétonniers. En tout état de cause, une telle modification des caractéristiques de cette partie du boulevard, bien que portant sur 20 % du trajet, n'a pas pour objet ou pour effet de remettre en cause l'économie générale de l'opération ni ses caractéristiques essentielles, dès lors qu'elle demeure conforme à ses objectifs initiaux de contournement et de désengorgement de la circulation routière, de maintien de la liaison des quartiers sud et littoral au réseau primaire de voirie et de rééquilibrage des différents modes de déplacement au profit des modes doux.
5. En deuxième lieu, l'allégation de la commune de Marseille selon laquelle le budget des travaux de réalisation du boulevard urbain sud, fixé à 30 millions d'euros, a significativement augmenté depuis l'arrêté du 8 septembre 2016, n'est pas assortie des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la pertinence.
6. En troisième lieu, la seule circonstance que, en application de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, postérieure à l'arrêté en litige, un objectif de réduction de l'artificialisation des sols a été imposé aux collectivités publiques, n'est pas à elle seule de nature à modifier le projet en litige dont il n'est ni établi ni même allégué qu'il serait rendu impossible ou sérieusement compromis par la réglementation d'urbanisme issue de ces lois nouvelles.
7. En dernier lieu, s'il ressort des motifs mêmes de l'arrêté en litige qu'à la date de son édiction, toutes les expropriations nécessaires à la réalisation du boulevard urbain sud n'ont pas été menées à terme, et s'il est constant que par une délibération du 9 juillet 2021, d'ailleurs annulée par arrêt de la Cour du 8 juillet 2025, le conseil municipal de Marseille a décidé de résilier unilatéralement les conventions par lesquelles elle avait mis à la disposition de la métropole, de manière anticipée, 51 parcelles nécessaires aux travaux de voirie, il ne résulte pas de ces seules circonstances que le tracé du boulevard devrait être modifié en conséquence, et soumis à une nouvelle " étude environnementale ".
8. Ainsi la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du
20 juillet 2021 aurait été adopté au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence d'enquête publique préalable.
En ce qui concerne l'utilité publique de l'opération en litige :
9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le projet de boulevard urbain sud n'a pas fait l'objet de modifications substantielles au jour de l'arrêté prorogeant pour une durée de cinq ans sa déclaration d'utilité publique. La commune de Marseille ne peut donc en tout état de cause prétendre que la modification de l'opération décidée par la délibération du conseil de métropole du 12 octobre 2023 serait une circonstance de fait nouvelle de nature à faire perdre à cette opération son caractère d'utilité publique.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 20 juillet 2021. Ses conclusions de première instance et d'appel aux fins d'annulation et d'injonction ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Marseille et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune, au bénéfice de la métropole
d'Aix-Marseille-Provence, une somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.
Article 2 : La commune de Marseille versera à la métropole d'Aix-Marseille-Provence une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, et à la métropole
d'Aix-Marseille-Provence.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
N° 24MA017262