La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2025 | FRANCE | N°24MA01589

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 08 juillet 2025, 24MA01589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 26 avril 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le te

rritoire français pendant une durée de trois ans et l'a assigné à résidence pour une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 26 avril 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et l'a assigné à résidence pour une durée de

quarante-cinq jours, en troisième lieu, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2402233 du 6 mai 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a, d'une part, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'autre part, renvoyé à une formation collégiale ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 26 avril 2024 en tant qu'il porte refus de lui délivrer un titre de séjour et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de sa demande de première instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 12 août 2024, M. A..., représenté par Me Zouatcham, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 6 mai 2024 ;

3°) d'annuler cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 26 avril 2024 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, et sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, et sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la " décision " est entachée d'un défaut de motivation, en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a pris sa " décision " sans justifier d'un examen approfondi de son droit au séjour ; or, il s'agit d'une condition de validité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- les faits qui lui sont reprochés datent, pour les plus récents, du 2 décembre 2022 et il est resté, depuis, inconnu des services de police ; il ne semble donc plus constituer un danger pour l'ordre public ; la " décision " va à l'encontre de la circulaire du 5 février 2024 ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- en se bornant à examiner sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes s'est prononcé sur un fondement erroné ; la décision de refus de titre de séjour est, par suite, entachée d'une erreur de droit ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- la " décision " est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet des Alpes-Maritimes aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

. cette décision porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

. l'administration n'a pas tenu compte des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

. il ne constitue pas une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 février 2025, à 12 heures.

Par des lettres du 17 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés :

- de ce que la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A... est devenue sans objet depuis son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de judiciaire de Marseille ;

- de l'irrecevabilité, d'une part, des conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 6 mai 2024 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2024 en ce qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, de ces dernières conclusions réitérées en cause d'appel dès lors que ladite magistrate n'a pas statué sur ces mêmes conclusions dans ce jugement mais les a renvoyées à une formation collégiale.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 26 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Né le 19 juillet 2001 et de nationalité guinéenne, M. A... expose être entré sur le territoire français le 20 novembre 2018. Mineur, il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) avant de se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable

du 29 mars 2021 au 28 mars 2022. Le 7 novembre 2022, M. A... a sollicité des services de la préfecture des Alpes-Maritimes " le changement de statut de son titre de séjour, en qualité de salarié " ainsi qu'une autorisation de travail. Par un arrêté du 26 avril 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 6 mai 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a, après avoir admis M. A..., à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle et renvoyé devant une formation collégiale ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral

du 26 avril 2024 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour, rejeté le surplus de sa demande tendant principalement à l'annulation des autres décisions contenues dans cet acte.

M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par la décision susvisée du 26 juillet 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Dès lors, ses conclusions présentées devant la Cour tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Pour ce motif dont les parties ont été informées qu'il était susceptible d'être relevé d'office, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral contesté en ce qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour et de cette décision :

3. Ainsi qu'il a été rappelé, par le jugement attaqué, et conformément aux dispositions des articles L. 614-1, L. 614-3 et L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, alors applicables, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice ne s'est prononcée que sur les conclusions de M. A... dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, et a renvoyé les conclusions relatives à la décision portant refus de titre de séjour à une formation collégiale du tribunal. Par conséquent, ainsi que les parties en ont été informées conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les conclusions de M. A... présentées en appel et dirigées contre un jugement qui aurait statué sur une demande tendant à l'annulation de ce refus de titre de séjour sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables, ainsi que ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour réitérées en cause d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral contesté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

4. M. A..., compte tenu de la teneur de ses écritures, doit être regardé comme ayant entendu exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. En premier lieu, M. A... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle et du vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour. Il n'articule toutefois, au soutien de ces moyens, aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenus par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice. Par suite, et alors même que, le titre de séjour portant la mention " étudiant " délivré à M. A... ayant été valable jusqu'au 28 mars 2022 et sa demande datant

du 7 novembre 2022, cette magistrate a indiqué par erreur que la décision litigieuse portait refus de " renouvellement " de son titre de séjour, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par cette dernière aux points 7 à 10 de son jugement attaqué.

6. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du 5 février 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer, et de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, relative à l'admission au séjour des ressortissants étrangers justifiant d'une expérience professionnelle salariée dans des métiers en tension, dès lors qu'un ressortissant étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation. Ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles

L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail. " Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; / b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ; / 2° S'agissant de l'employeur mentionné au II de l'article R. 5221-1 du présent code : / a) Il respecte les obligations déclaratives sociales liées à son statut ou son activité ; / b) Il n'a pas fait l'objet de condamnation pénale pour le motif de travail illégal tel que défini par l'article L. 8211-1 ou pour avoir méconnu des règles générales de santé et de sécurité en vertu de l'article L. 4741-1 et l'administration n'a pas constaté de manquement grave de sa part en ces matières ; / c) Il n'a pas fait l'objet de sanction administrative prononcée en application des articles L. 1264-3, et L. 8272-2 à L. 8272-4 ; / 3° L'employeur, l'utilisateur ou l'entreprise d'accueil et le salarié satisfont aux conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée, quand de telles conditions sont exigées ; / 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil ;

/ 5° Lorsque l'étranger est titulaire d'une carte de séjour portant les mentions "étudiant" ou "étudiant-programme de mobilité" prévue à l'article L. 422-1, L. 422-2, L. 422-5, L. 422-26 et

L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a achevé son cursus en France ou lorsqu'il est titulaire de la carte de séjour portant la mention "recherche d'emploi ou création d'entreprise" prévue à l'article L. 422-14 du même code, l'emploi proposé est en adéquation avec les diplômes et l'expérience acquise en France ou à l'étranger. "

8. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au seul préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger, résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour, d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée et signée par son futur employeur, de statuer sur cette double demande. S'il lui est loisible de donner délégation de signature au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en matière de délivrance des autorisations de travail des ressortissants étrangers et ainsi de charger cette administration plutôt que ses propres services de l'instruction de telles demandes, il ne peut, sans méconnaître l'étendue de sa propre compétence opposer à l'intéressé un défaut d'autorisation de travail.

9. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet des Alpes-Maritimes lui a reproché, dans son arrêté en litige, de ne pas avoir démontré bénéficier de l'autorisation de travail mentionnée à l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a, après avoir relevé que l'appelant avait versé aux débats un certificat de dépôt d'une demande d'autorisation de travail, présentée le 19 juillet 2023, pour un emploi à durée indéterminée auprès de la société OGS Restauration, censuré ce motif puis l'a, à bon droit, neutralisé, le refus de titre de séjour opposé à M. A... ayant été également fondé, dans l'arrêté en litige, sur les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et donc sur la circonstance que l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public. En effet, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné,

le 10 mai 2023, par le tribunal correctionnel de Valence, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, pour des faits de violence sur une personne se livrant à la prostitution suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, puis le 15 juin 2023, par le tribunal correctionnel de Nice, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de proxénétisme aggravé. Eu égard à la gravité et au caractère récent de ces faits, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que la présence de l'intéressé en France constituait une menace pour l'ordre public.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas de la lecture de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce versée aux débats, que le préfet des Alpes-Maritimes aurait fondé sa décision sur des informations recueillies en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.

11. En cinquième et dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est irrégulièrement entré sur le territoire français le 20 novembre 2018 et qu'alors encore mineur, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) avant de se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable du 29 mars 2021 au 28 mars 2022. Il n'a pas réussi à obtenir un certificat d'aptitude professionnelle spécialité " électricien ". S'il a enchaîné plusieurs contrats de travail durant les années 2021, 2022 et 2023, il ne justifie pas d'une intégration professionnelle ancienne et durable en France. En outre, M. A... est célibataire et sans charge de famille. Il ne se prévaut que de relations amicales sur le territoire français et il n'établit pas avoir rompu tout lien avec l'ensemble de sa famille qui est resté vivre dans son pays d'origine. L'appelant ne justifie pas davantage faire l'objet de menaces en Guinée, ni ne pouvoir se réinsérer dans ce pays. Eu égard par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 9, à la menace à l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision contestée, laquelle ne méconnaît, par suite, pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il suit de là que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour, seul moyen dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français repris en cause d'appel, doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral contesté en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement :

14. La décision portant refus d'admission au séjour n'étant pas entachée des illégalités alléguées, M. A... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Ce moyen doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral contesté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans :

15. D'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé

à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter

le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de

quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. "

Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

16. Il résulte des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 15, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés par les dispositions de l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

17. En l'espèce, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet des Alpes-Maritimes a tenu compte des critères mentionnés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'est fondé, après avoir retenu qu'il ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière, sur les circonstances tirées, d'une part, de ce qu'il était célibataire, sans enfant et ne justifiait pas de l'intensité de ses liens sur le territoire français et, d'autre part, de ce que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Il ressort également des termes de cette décision que le représentant de l'Etat a tenu compte de la durée de présence en France de l'intéressé ainsi que des éléments relatifs à son intégration socio-professionnelle. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas pris en compte les quatre critères prévus par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen doit être écarté tout comme doit l'être, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus au point 9 du présent arrêt, celui tiré de ce qu'il ne représenterait pas une menace pour l'ordre public.

18. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêt ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

19. Alors qu'il n'invoque aucun moyen au soutien de sa contestation des décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 avril 2024 en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement, prononce une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et l'assigne à résidence pour cette durée de quarante-cinq jours.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

20. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de

M. A... tendant à l'application combinée des articles 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Hubert Zouatcham et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

2

No 24MA01589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01589
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ZOUATCHAM

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;24ma01589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award