Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 10 novembre 2021 par laquelle les chefs de la cour d'appel de Bastia ont refusé de lui attribuer l'indemnité temporaire de mobilité instituée par le décret n° 2008-369 du 17 avril 2008.
Par un jugement n° 2101491 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Brière, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er février 2024 ;
2°) d'annuler cette décision des chefs de la cour d'appel de Bastia du 10 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre à l'administration régionale judiciaire de Bastia de lui verser le montant de cette indemnité temporaire de mobilité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur l'irrégularité du jugement attaqué :
- il appartient à la Cour de s'assurer du respect des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative et, à défaut de comporter les mentions exigées par ces dispositions, ce jugement devra être annulé ;
- ce jugement a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
Sur l'absence de bien-fondé du jugement attaqué :
- en jugeant que les agents affectés dans un service administratif régional n'étaient pas éligibles au bénéfice de l'indemnité de mobilité temporaire motif pris de ce que ce service ne participerait pas " directement à l'exercice de fonctions juridictionnelles " et ne constituerait donc pas une " juridiction " au sens de l'annexe A de l'arrêté du 30 juillet 2009 pris en application du décret n° 2008-369 du 17 avril 2008, les premiers juges ont ajouté un critère d'attribution au dispositif prévu par les textes et ce critère est en tout état de cause contraire à ces textes ; ils ont donc commis des erreurs de droit et leur raisonnement est dépourvu de base légale dès lors qu'aucun texte ne définit un " service judiciaire " ;
- les premiers juges ont également commis une erreur d'appréciation en considérant qu'elle ne pouvait pas invoquer une rupture d'égalité de traitement entre agents ;
Sur l'effet dévolutif de l'appel et l'illégalité de la décision contestée :
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est affectée au service administratif régional qui est un service judiciaire ;
- dans l'hypothèse où l'analyse des premiers juges tirée de ce qu'en application de l'arrêté du 30 juillet 2009, l'indemnité temporaire de mobilité ne peut être accordée qu'aux agents affectés dans un service juridictionnel serait retenue, elle excipe de l'illégalité de cet arrêté, lui-même entaché d'une erreur de droit et portant atteinte au principe d'égalité de traitement entre agents.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés et, s'agissant de l'effet dévolutif de l'appel, il s'en remet, en tant que de besoin, aux écritures qu'il a produites en première instance ;
- les conclusions principales devant être rejetées, les conclusions accessoires de la requête le seront également par voie de conséquence.
Par une ordonnance du 19 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2025, à 12 heures.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, a été invité, le 27 mai 2025, à produire la circulaire du
8 juillet 1996 par laquelle les services administratifs régionaux ont été créés ainsi que la circulaire SJ-12-37-RHG3 du 6 février 2012.
En réponse, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, a produit,
le 28 mai 2025, la circulaire du 8 juillet 1996 par laquelle les services administratifs régionaux ont été créés et la circulaire SJ-12-38-RHG3 du 6 février 2012 relative à la mise en œuvre du dispositif des personnels placés au sein des services judiciaires.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, a de nouveau été invité, le 2 juin 2025, à produire la circulaire SJ-12-37-RHG3 du 6 février 2012.
En réponse, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, a produit,
le 3 juin 2025, la circulaire SJ-12-37-RHG3 du 6 février 2012 relative aux secrétaires administratifs relevant du ministère de la justice affectés dans les services judiciaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le décret n° 2008-369 du 17 avril 2008 et l'arrêté de la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du 30 juillet 2009 pris en application de ce décret ;
- le décret n° 2011-1252 du 7 octobre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations Me Brière, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté de la ministre des armées du 18 octobre 2019, Mme A... a été, à compter du 1er novembre 2019, titularisée dans le corps des secrétaires administratifs du ministère de la défense. Par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 12 février 2021, elle a ensuite été détachée dans le corps des secrétaires administratifs du ministère de la justice et affectée au service administratif régional de la cour d'appel de Bastia, pour une durée d'un an, à compter du 1er mars 2021, et en qualité d'adjointe responsable chargée de la gestion des ressources humaines. Le 29 octobre 2021, Mme A... a sollicité auprès du premier président de la cour d'appel de Bastia et du procureur général près cette cour le versement de l'indemnité temporaire de mobilité instituée par le décret n° 2008-369 du 17 avril 2008. Par une décision du
10 novembre 2021, les chefs de la cour d'appel de Bastia ont refusé de faire droit à cette demande. Mme A... relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "
3. Il ressort du dossier de première instance communiqué à la Cour par le greffe du tribunal administratif de Bastia que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière d'audience, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent du présent arrêt ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "
5. Contrairement à ce que Mme A... soutient, il apparaît que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens qu'elle a soulevés devant eux, au vu de l'argumentation qui les assortissait. Leur jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative doit être écarté.
6. Enfin, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis des erreurs de droit et une erreur manifeste d'appréciation sont inopérants. Pour ce motif, ils doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 17 avril 2008 portant création d'une indemnité temporaire de mobilité : " Dans les administrations de l'Etat, dans ses établissements publics ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement, une indemnité temporaire de mobilité peut être accordée, dans le cadre d'une mobilité fonctionnelle ou géographique, aux fonctionnaires, aux personnels ouvriers des établissements industriels de l'Etat relevant du décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, à l'exception des personnels ouvriers du ministère de la défense, et aux agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée et régis par le décret du 17 janvier 1986 susvisé. " Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " L'indemnité est attribuée à la double condition de l'exercice réel d'une mobilité décidée à la demande de l'administration et de l'existence d'une difficulté particulière à pourvoir un emploi. Le ou les emplois susceptibles de donner lieu à l'attribution d'une indemnité temporaire de mobilité sont déterminés par arrêté du ministre intéressé. Cet arrêté fixe également la période de référence pour le versement de l'indemnité dans la limite de six années, sans que cette période puisse être inférieure à trois ans. " Pour l'application de ces dispositions, la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a pris un arrêté du 30 juillet 2009 qui prévoit, sous réserve des conditions réglementaires, l'attribution de cette indemnité temporaire de mobilité aux agents du ministère de la justice affectés dans les services judiciaires, dans l'un des emplois mentionnés dans le tableau figurant en annexe A de cet arrêté.
8. En premier lieu, par la décision contestée du 10 novembre 2021, les chefs de la cour d'appel de Bastia ont refusé d'attribuer à Mme A... cette indemnité temporaire de mobilité au motif qu'au regard de ce tableau figurant en annexe A de cet arrêté de la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du 30 juillet 2009, seules les juridictions de la cour d'appel de Bastia étaient concernées par ce dispositif et que le service administratif régional au sein duquel elle est affectée n'en constituait pas une.
9. En tout état de cause, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
10. Dans son mémoire en défense produit devant les premiers juges, le garde des sceaux, ministre de la justice, fait valoir que Mme A... ne remplissait pas la condition relative à l'exercice réel d'une mobilité décidée à la demande de l'administration, dès lors qu'elle avait été détachée à sa propre demande. Or, il ressort des pièces du dossier que l'appelante a été affectée au sein du service administratif régional de la cour d'appel de Bastia à la suite d'un détachement qu'elle a sollicité. Contrairement à ce qu'elle soutient, l'appelante ne saurait dès lors être regardée comme ayant effectuée une mobilité décidée à la demande de l'administration au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 2 du décret susvisé du 17 avril 2008, alors même que son précédent poste au ministère de la défense aurait fait l'objet d'une restructuration. Ce motif étant à lui seul de nature à fonder légalement la décision de refus contestée, et la substitution de ce motif ne privant Mme A... d'aucune garantie procédurale, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution présentée par le garde des sceaux, ministre de la justice.
11. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des textes portant statut particulier des agents affectés au sein du ministère de la justice, et en particulier du décret susvisé du 7 octobre 2011 portant statut particulier des secrétaires administratifs, ou encore des dispositions du code de l'organisation judiciaire, que la situation et les fonctions dévolues à ceux d'entre eux affectés dans un service administratif régional soient similaires à celles de ceux en poste dans d'autres services de ce ministère. D'autre part, si Mme A... se prévaut de la situation d'agents qui ont bénéficié de l'indemnité temporaire de mobilité, la seule circonstance, dépourvue de toute autre précision, que ces derniers aient été, à son instar, affectés au sein du service administratif régional de la cour d'appel de Bastia est insuffisante pour les regarder comme étant placés dans la même situation que l'appelante. Par ailleurs, en admettant que ces agents aient été bénéficiaires de l'indemnité litigieuse alors que leur mobilité n'avait pas été décidée à la demande de l'administration, cette circonstance n'est pas davantage de nature à entacher d'illégalité la décision contestée du 10 novembre 2021 dès lors que le principe d'égalité ne peut être utilement invoqué à l'appui d'une demande tendant à l'octroi d'un avantage illégalement accordé. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.
12. En troisième et dernier lieu, il résulte des dispositions précitées des articles 1er et 2 du décret du 17 avril 2008 que les arrêtés dont elles prévoient l'intervention ont uniquement pour objet de définir, au sein des ministères concernés, les emplois répondant à la double condition qu'elles posent, susceptibles de donner lieu à l'octroi de l'indemnité temporaire de mobilité instituée par ce texte ainsi que les règles de durée de versement applicables.
13. D'une part, par son arrêté du 30 juillet 2009, la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, s'est bornée à déterminer, pour les agents relevant de son ministère, les emplois réputés remplir la condition de difficulté particulière à être pourvus, au sens et pour l'application de l'article 2 du décret susvisé du 17 avril 2008 et donc éligibles à l'indemnité temporaire de mobilité, sans ajouter une condition supplémentaire à celles prévues par ce même décret. A cet égard, cet arrêté n'est pas, en conséquence, contrairement à ce que soutient
Mme A..., entaché d'une erreur de droit. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés au point précédent du présent arrêt, cet arrêté n'est pas davantage entaché d'une méconnaissance du principe d'égalité entre agents publics. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 30 juillet 2009, soulevé à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision en litige du 10 novembre 2021, doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions, y compris et par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
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No 24MA00760