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08/07/2025 | FRANCE | N°23MA01146

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 08 juillet 2025, 23MA01146


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la maire de la commune de Lauzet-Ubaye a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, et d'autre part d'enjoindre à la commune de Lauzet-Ubaye de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 9 août 2019 au titre de cette maladie, à compter de la notification du jugement à intervenir.



Par un

jugement n° 2100104 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la maire de la commune de Lauzet-Ubaye a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, et d'autre part d'enjoindre à la commune de Lauzet-Ubaye de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 9 août 2019 au titre de cette maladie, à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2100104 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la commune de Lauzet-Ubaye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2023, M. B..., représenté par Me Heulin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Lauzet-Ubaye de prendre en charge ses arrêts de travail depuis le 9 août 2019 au titre d'une maladie imputable au service ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lauzet-Ubaye la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en écartant sans motivation pertinente les trois avis d'experts et de la commission de réforme qu'il avait produits à l'appui de son recours et qui n'étaient pas contestés par la commune, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- l'arrêté en litige n'est pas motivé faute d'indiquer les raisons pour lesquelles le maire n'a pas suivi l'avis favorable de la commission de réforme ;

- sa maladie dépressive résulte directement du harcèlement moral et des agissements dont il a été victime de la part de sa hiérarchie ayant consisté en sa mise à l'écart, une sanction disciplinaire infondée, le retrait de matériels sans communication ni explications préalables, le refus de formations et l'assignation de tâches ingrates, sans rapport avec sa classification ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance de la règle non bis in idem.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, la commune de Lauzet-Ubaye, représentée par Me Singer, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel, y compris le nouveau moyen, ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2025, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Heulin, représentant M. B... et de Me Singer, représentant la commune de Lauzet-Ubaye.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique territorial, affecté au service technique de la commune de Lauzet-Ubaye, a demandé le 10 septembre 2019 l'imputabilité au service des arrêts de travail depuis le 9 août 2019 au titre de sa maladie dépressive. Par un arrêté du 12 novembre 2020, pris après avis favorable à cette demande rendu par la commission de réforme le 23 janvier 2020, la maire de la commune de Lauzet-Ubaye a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement du 18 avril 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint à la maire de Lauzet-Ubaye de prendre en charge ses arrêts de travail depuis le 9 août 2019 au titre d'une maladie imputable au service.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen tiré par M. B... de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige doit être écarté par adoption du motif retenu à bon droit et avec suffisamment de précision par le tribunal au point 3 de son jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la date à laquelle la maladie dont M. B... demande l'imputabilité au service a été diagnostiquée : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ".

4. Pour prétendre que le symptôme mélancoliforme réactionnel dont il a souffert du 9 août 2019 à sa reprise de service le 16 novembre 2019 est directement imputable au service, M. B... affirme qu'il a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de la maire de la commune de Lauzet-Ubaye à compter de son élection en mars 2014, qui ont consisté en une mise à l'écart injustifiée, en une sanction disciplinaire infondée, en un retrait de matériels sans communication ni explications préalables, en un refus de formations et l'assignation de tâches ingrates sans rapport avec ses attributions.

5. Mais premièrement, s'il est constant que M. B... a été placé en congé de longue maladie du 28 juillet 2014 au 28 juillet 2017 au titre d'une dépression et qu'il a repris son service en mi-temps thérapeutique, il ne livre aucune précision ni aucune pièce relative aux agissements de sa hiérarchie à son encontre au cours de la période allant de mars à juillet 2014. Le courrier intitulé " pourvoi gracieux " du 8 juin 2014, dans lequel M. B... demande à la maire la communication écrite de ses obligations de service, de ses tâches et de son emploi du temps précis, et rappelle la législation applicable à l'interdiction de soumettre un fonctionnaire à un harcèlement moral, ne désigne précisément aucun fait qui serait alors reproché à son employeur, alors d'ailleurs que, dans sa réponse à cette demande, l'autorité territoriale a indiqué avoir pris des mesures d'organisation du service concernant tous les agents techniques, qu'il n'était pas personnellement visé, et que les tâches qui lui étaient confiées étaient de celles prévues par le décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux. Ainsi, au titre de cette période, M. B... ne livre pas d'éléments permettant de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

6. Deuxièmement, en se bornant à dénoncer, pour la période de juillet 2017 à août 2019, une mise à l'écart dont il ne précise ni la date ni les caractéristiques, des refus de formations dont il n'indique ni le nombre ni la nature, et l'accomplissement de tâches difficiles et sans rapport avec ses attributions, sans autre description, M. B... n'assortit pas ses allégations des précisions suffisantes permettant de faire présumer l'existence, sous ce rapport, d'agissements de harcèlement moral. Il en va de même de son affirmation relative à de prétendus retraits de matériels sans communication préalable.

7. Troisièmement, contrairement à ce que soutient l'intéressé, la sanction disciplinaire d'exclusion de fonctions d'un jour que lui a infligée la maire le 2 février 2018, en raison de son comportement à l'égard de ses collègues et d'elle-même, n'était pas sans fondement dès lors que son recours tendant à son annulation a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juin 2021 devenu définitif.

8. Quatrièmement, en admettant que par la production au dossier d'instance du planning de la semaine du 27 au 31 janvier 2020, M. B... a entendu se plaindre de ne pas avoir pu obtenir le tractopelle pour l'accomplissement, les deux premiers jours, de travaux de dégagement d'un mètre et avoir dû accomplir cette tâche à l'aide d'une pioche, d'une pelle et d'un balai, il ne résulte ni de cette pièce, ni des écritures de l'intéressé qui ne comportent à cet égard aucune autre précision, que l'usage de ce véhicule dans une telle hypothèse était indispensable et conforme à l'exercice normal de ces missions. Il ressort en outre des pièces du dossier que si la demande non datée d'autorisation d'utiliser le véhicule du service technique présentée par M. B... pour se rendre à une visite médicale le 12 décembre 2019 à la demande de son employeur, telle que produite au dossier d'instance, n'a pas été examinée par ce dernier, l'intéressé a également versé à l'instance son courrier du 10 décembre 2019, reçu le même jour, annonçant qu'il participerait le 12 décembre à un mouvement de grève. Il résulte des indications mêmes apportées par la maire sur la demande de M. B... tendant à l'autorisation d'utiliser le véhicule de service pour se rendre à la visite médicale du 20 janvier 2020, qu'il y a été fait droit au titre du véhicule diesel et du véhicule électrique, et que le requérant a refusé d'utiliser ces deux véhicules pour des raisons qui lui sont propres. Compte tenu des éléments qu'il apporte lui-même à l'appui de ses allégations, le requérant n'est donc pas fondé à prétendre avoir été victime de harcèlement moral du fait de prétendus refus de l'autoriser à utiliser un des véhicules du service.

9. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que la maire a adressé à M. B... le 26 février 2018 deux rappels de consignes concernant les dépôts de graviers et l'usage des poubelles, le 22 février 2019, un rappel du règlement intérieur s'agissant de son tabagisme pendant les heures de service, et le 16 mai 2019 un rappel de ses horaires de service, et s'il considère que la multiplication de ces mesures doit s'analyser comme des agissements de harcèlement, il n'allègue pas que de tels rappels ne sont pas justifiés par des manquements de sa part à ses obligations de service.

10. Il suit de là que pris isolément ou conjointement, les faits invoqués par M. B... ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime et qui auraient été à l'origine directe de sa maladie dépressive.

11. En troisième lieu, ni les certificats de psychiatres des 12 septembre et 10 octobre 2019, qui se bornent à indiquer respectivement que la maladie de M. B... présente un caractère professionnel, et que sa demande de requalification de congé de maladie ordinaire en maladie professionnelle est justifiée, ni l'avis favorable de la commission de réforme du 23 janvier 2020, dépourvu de toute motivation, ne démontrent l'existence d'un lien direct et essentiel de la maladie de M. B... avec l'exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de cette affection. En tout état de cause, si comme le soutient l'appelant, son premier arrêt de travail pour dépression est intervenu quatre mois après l'élection de la maire et si, compte tenu du certificat médical du 6 juin 2017, il ne peut être exclu que la dégradation de son état de santé ait été causée par la détérioration de ses relations avec la nouvelle autorité territoriale, il ressort des pièces du dossier qu'après la décision de la commune en avril 2014 de revoir l'organisation du travail de tous les agents techniques et le rappel de ses propres obligations, M. B... a manifesté à l'égard de la maire une attitude systématique d'opposition, qu'il a de nouveau adoptée à sa reprise de fonctions en juillet 2017 et qui s'est traduite, comme avant son premier placement en congé de maladie, par des refus d'obéir ou d'exécuter les tâches, et des marques d'impolitesse et d'irrespect. Par conséquent, ainsi que l'a considéré le tribunal, le refus d'admettre l'autorité de la nouvelle maire et le comportement de M. B... ont été la cause déterminante de la dégradation de ses conditions d'exercice professionnel, et constituent un fait personnel de l'agent de nature à détacher du service la survenance de la maladie. Le moyen de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la maire de Lauzet-Ubaye en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dépressive de M. B... ne peut donc être accueilli.

12. En dernier lieu, la mesure en litige ne constituant pas une sanction disciplinaire, même déguisée compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par cette décision de la règle non bis in idem.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la maire de Lauzet-Ubaye du 12 novembre 2020 refusant l'imputabilité au service de sa maladie et à ce qu'il soit enjoint à celle-ci de prendre en charge ses arrêts de travail depuis le 9 août 2019 au titre de cette maladie.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Lauzet-Ubaye, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Lauzet-Ubaye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Lauzet-Ubaye.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

N° 23MA011462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01146
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;23ma01146 ?
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