Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eldorado a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la convention d'occupation du domaine public conclue le 11 mars 2021 entre la commune de Saint-Paul de Vence et la SARL Un cœur en Italie (enseigne " Cœur en Provence "), d'enjoindre à la commune de Saint-Paul de Vence d'organiser une procédure de sélection préalable des offres conformément aux dispositions de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul de Vence une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2104899 du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Nice a annulé la convention d'occupation du domaine public du 11 mars 2021 conclue entre la commune de Saint-Paul de Vence et la SARL Un cœur en Italie, condamné la commune à verser à la société Eldorado la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2024, la commune de Saint-Paul de Vence, représentée par Me Euvrard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 2104899 du 23 juillet 2024 ;
2°) de rejeter les demandes de la société Eldorado ;
3°) de mettre à la charge de la société Eldorado la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice était tardive ;
- la société Eldoraro n'avait pas intérêt à agir contre la convention d'occupation du domaine public conclue entre la commune de Saint-Paul-de-Vence et la SARL Un cœur en Italie le 11 mars 2021 ;
- la convention en litige était licite ; l'urgence justifiait l'absence de procédure de sélection préalable et de mesures de publicité ; la convention a été conclue dans le contexte de l'état d'urgence sanitaire ;
- les emplacements de terrasse avaient des caractéristiques particulières les destinant plus particulièrement aux commerces situés à proximité immédiate ;
- l'annulation de la convention prononcée par le tribunal est injustifiée ; la convention avait épuisé ses effets ; aucun motif d'intérêt général ne justifiait l'annulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, la société Eldorado, représentée par Me Del Rio, demande à la Cour de confirmer le jugement, de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul de Vence la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance en date du 21 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Point, rapporteur,
- les conclusions de M. Olivier Guillaumont, rapporteur public,
- les observations de Me Euvrard, pour la commune de Saint-Paul de Vence,
- et les observations de Me Ouardazi, substituant Me Del Rio, pour la SARL Eldorado.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention signée le 11 mars 2021, la commune de Saint-Paul de Vence a autorisé la SARL Un cœur en Italie à occuper une portion du domaine public de la commune d'une surface de 25 m², située au bastion Saint-Remy du rempart Ouest du village historique, en vue d'une exploitation sous forme de terrasse. La convention a été conclue pour une durée d'un an, du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021. La société Eldorado a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler cette convention d'occupation du domaine public. Par un jugement n° 2104899 du 23 juillet 2024, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande. La commune de Saint-Paul de Vence relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. Lorsque l'occupation ou l'utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d'autorisations disponibles pour l'exercice de l'activité économique projetée n'est pas limité, l'autorité compétente n'est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d'un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d'attribution ". Aux termes de l'article L. 2122-1-2 du même code : " L'article L. 2122-1-1 n'est pas applicable : (...) / 3° Lorsque l'urgence le justifie. La durée du titre ne peut alors excéder un an ; (...) ".
3. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat. Il ne peut invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont il se prévaut ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Saisi par un tiers, dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
4. Il résulte de l'instruction que la volonté de la commune de Saint-Paul de Vence de mettre à disposition des restaurateurs une portion de son domaine public trouve son origine dans un contexte général de difficultés économiques rencontrées par ces derniers, du fait des mesures de confinement et de limitation de l'accueil du public, prises dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de COVID-19. A la date de signature de la convention attaquée, l'état d'urgence sanitaire, déclaré le 17 octobre 2020, avait été prorogé jusqu'au 16 février 2021 puis jusqu'au 1er juin 2021. Dans ce cadre spécifique, les restaurants disposant de terrasses ou d'espaces extérieurs étaient susceptibles d'accueillir du public dans des conditions moins restrictives que celles définies pour les espaces intérieurs. Ainsi, pour choisir les attributaires d'emplacements, la commune de Saint-Paul de Vence a pris pour critère les restaurants qui ne bénéficiaient pas d'espaces en plein air, en considérant qu'une terrasse leur permettrait de maintenir un niveau minimal d'activité. Contrairement à ce qu'affirme la société Eldorado dans ses écritures, les restaurants qui ont bénéficié d'un titre d'occupation, en particulier celui géré par la SARL Un cœur en Italie, ne disposaient pas au préalable d'un espace extérieur en terrasse, susceptible de garantir l'accueil des clients en cas de mesure restrictive concernant l'accueil du public. Il est constant que le restaurant " Le Sierra ", exploité par la société Eldorado, disposait pour sa part de deux espaces en plein air lui permettant de recevoir sa clientèle et maintenir son activité, même en cas de limitation de l'accueil du public dans les espaces intérieurs. En outre, il résulte de l'instruction que la convention en litige vise les dispositions du 3° de l'article L. 2122-1-2 du code général de la propriété des personnes publiques, qui dispose que l'article L. 2122-1-1 n'est pas applicable lorsque l'urgence le justifie, et que la commune, au regard du contexte de l'épidémie de COVID-19, s'est crue de bonne foi dans une telle situation d'urgence. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction qu'en s'abstenant de soumettre l'attribution des emplacements à une procédure de sélection préalable et à des mesures de publicité, la commune aurait eu la volonté de favoriser un candidat par rapport à d'autres, en particulier au détriment de la société Eldorado. Par suite, la commune de Saint-Paul de Vence est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, pour annuler la convention d'occupation en litige, ont considéré que le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques était de nature à caractériser en l'espèce une intention de favoriser un candidat, affectant gravement la légalité du choix de l'administration.
5. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société Eldorado à l'appui de sa contestation de la validité du contrat.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par une délibération en date du 29 juin 2020, le maire de la commune de Saint-Paul de Vence a reçu délégation du conseil municipal pour conclure les conventions se rapportant au louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans. Il était dès lors compétent pour conclure la convention en litige. Dans ces conditions, le maire n'était pas tenu d'informer au préalable le conseil municipal de la signature de cette convention.
7. En deuxième lieu, la société Eldorado ne disposait d'aucun droit, fondé sur le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, à exercer une activité économique sur le domaine public. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment au point 4 qu'au regard de l'objectif recherché par la commune, les restaurateurs disposant d'espaces extérieurs et ceux n'en disposant pas n'étaient pas dans la même situation. Par ailleurs, les emplacements disponibles pour l'installation de terrasses, pris sur un espace habituellement affecté à l'usage de parking et d'une surface d'environ 100 m2, étaient en nombre limité. Par suite, la société Eldorado n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû se voir proposer un emplacement au même titre que les autres restaurants situés à proximité et que le principe d'égalité aurait été méconnu.
8. En troisième lieu, la société Eldorado ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa contestation de la convention litigieuse, du principe d'égalité des usagers du domaine public, ni de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales, relatives à la police de la circulation et du stationnement.
9. En dernier lieu, à supposer que l'attribution d'une convention d'occupation privative du domaine public à la SARL Un cœur en Italie ait créé une distorsion de concurrence, susceptible d'affecter les conditions d'exercice de l'activité du restaurant " Le Sierra " géré par la société Eldorado, cette circonstance n'est pas de nature à entacher l'objet de la convention d'illicéité, justifiant l'annulation de cette convention.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la convention en litige n'a pas un contenu illicite, qu'elle n'est pas affectée d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge devrait relever d'office. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance de la société Eldorado, la commune de Saint-Paul de Vence est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de cette société tendant à l'annulation de la convention d'occupation du domaine public conclue le 11 mars 2021 entre la commune et la SARL Un cœur en Italie.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Paul de Vence, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser une somme à la société Eldorado sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eldorado la somme que la commune de Saint-Paul de Vence réclame sur ce même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nice n° 2104899 du 23 juillet 2024 sont annulés.
Article 2 : Les demandes auxquelles ces dispositions font droit sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Paul de Vence, à la société Eldorado et à la SARL Un cœur en Italie.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2025.
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N° 24MA02493