Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Groupe Chiroptères de Provence a demandé au tribunal administratif de Toulon :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé de faire droit à sa demande réceptionnée le 1er septembre 2020, tendant à ce que soient imposées à l'exploitant de la carrière Provence Granulats située sur la commune de Mazaugues des prescriptions complémentaires propres à éviter, réduire ou compenser l'impact de l'exploitation sur les chiroptères, le dépôt d'une demande de dérogation telle que prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement et la réalisation d'une évaluation des incidences Natura 2000 ;
2°) d'imposer ces obligations à l'exploitant ;
3°) à défaut, d'enjoindre sous astreinte au préfet du Var d'imposer de telles obligations.
Par un jugement n° 2100007 du 27 mai 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 juillet 2024, 20 mars et 24 avril 2025, l'association Groupe Chiroptères de Provence, représentée par la SELARL Victoria-Bronzani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite refusant de faire droit à sa demande réceptionnée le 1er septembre 2020 ;
3°) d'imposer à l'exploitant lesdites obligations ou à défaut d'enjoindre au préfet du Var ou au ministre chargé de la transition écologique de le faire, dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Provence Granulats une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande s'inscrit dans son objet statutaire ;
- les mines dites de Mazaugues - de la Caïre, des Trois Pins et des Fouilles - autrefois exploitées et au-dessus desquelles se trouve l'exploitation, constituent un réseau communiquant de gîtes et de transit d'intérêt majeur pour les chiroptères, dont plusieurs espèces rares et menacées, certaines d'intérêt communautaire, colonisent les lieux ; l'exploitation de la carrière à proximité immédiate, et même en intersection, aggrave le risque d'effondrement de ce réseau ; les conséquences des tirs récemment opérés le confirment ; elle induira en tous les cas, par la fermeture des galeries d'intersection, une altération de l'habitat ; en outre elle détruira des habitats de chasse et d'alimentation de ces animaux et génère un risque de destruction d'individus ; une dérogation telle que prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement est nécessaire ;
- l'autorisation environnementale devait comporter des prescriptions d'évitement, réduction ou compensation des impacts ainsi qu'une telle dérogation dès l'origine ; l'intérêt du site pour les chiroptères et l'impact de l'exploitation sur celui-ci étaient identifiés lors de sa délivrance ; toutes les investigations nécessaires n'avaient pas été conduites et toutes les mesures nécessaires n'avaient pas été prises ;
- les éléments postérieurs, notamment des études, justifient a fortiori la nécessité d'une telle dérogation ; le réseau minier a été classé en aléa fort d'effondrement ; les tirs récents ont conduit à des effondrements ; l'existence de liaisons entre le lapiaz de surface dans la zone de projet et le réseau minier, ainsi que le caractère communiquant de l'ensemble de ce réseau, ont été établis ; l'importance du réseau de cavités pour les chiroptères, notamment au niveau de la mine des Trois Pins, a été confirmée ;
- l'exécution de l'autorisation d'exploiter a déjà commencé et génère des impacts non maîtrisés ; en tout état de cause, les dispositions de l'article R. 181-52 du code de l'environnement ne font pas obstacle à ce que des prescriptions supplémentaires soient adoptées avant mise en service complète de l'installation ;
- la validation d'un porter-à-connaissance par le préfet le 13 janvier 2025 confirme l'existence du risque ; l'éloignement des tirs envisagé est insuffisant et il n'est pas démontré techniquement que les mesures prises réduiront le risque résiduel de tel sorte qu'il soit faible ; le risque de dérangement significatif est même envisagé par le protocole de suivi ; aucune évaluation des impacts sur l'ensemble des mines n'a été effectuée ; les résultats du protocole de suivi suite aux tirs effectués n'ont pas été communiqués ;
- le risque d'atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000 justifie également la réalisation d'une évaluation à ce titre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- en application des articles L. 181-14 et R. 181-52 et comme l'a jugé le tribunal, les tiers intéressés ne peuvent demander au préfet d'édicter des prescriptions complémentaires antérieurement à la mise en service du projet autorisé ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par des mémoires enregistrés les 25 novembre 2024, 1er avril et 14 mai 2025, la SAS Provence Granulats, représentée par la SELARL Grimaldi et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de l'association Groupe Chiroptères de Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'association requérante a été créée postérieurement à la délivrance de l'autorisation d'exploiter ; son objet est trop large ; son unique moyen a déjà été écarté par un arrêt définitif de la cour du 13 octobre 2017 ainsi que par une ordonnance de référé du 13 mai 2020 ; pour ces motifs, elle n'a pas intérêt à agir ;
- la qualité du président pour agir au nom de l'association n'est pas établie ; la délibération du conseil d'administration produite à cet égard est insuffisamment précise et ne porte pas sur son site d'exploitation mais sur la seule mine de la Caïre ; à tout le moins, il n'a pas qualité pour se prévaloir d'impacts sur la mine des Trois Pins ;
- la demande préalable adressée au préfet et la demande enregistrée au tribunal ne concernaient que l'impact de son activité sur la mine de la Caïre ; l'association n'est pas recevable à se prévaloir dans ses dernières écritures devant le tribunal et devant la cour de l'impact de son activité sur la mine des Trois Pins ; contrairement aux conclusions des études partisanes produites par la requérante, il n'existe aucune communication entre ces deux mines, une mesure de bouchon de prévention ayant en outre été prévue ;
- les demandes de l'association se heurtent à l'autorité de chose jugée ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Victoria, représentant l'association Groupe Chiroptères de Provence, et de Me Dubecq, représentant la SAS Provence Granulats.
Une note en délibéré a été enregistrée le 1er juillet 2025 pour l'association Groupe Chiroptères de Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes d'un arrêté préfectoral du 29 juin 2012, la SAS Provence Granulats a été autorisée à exploiter une carrière de calcaire dolomitique à ciel ouvert, sur une superficie d'environ 44 ha, ainsi qu'une installation de traitement de minéraux au lieu-dit " A... ", à Mazaugues, sur un ancien site minier souterrain. Par un courrier réceptionné le 1er septembre 2020, l'association Groupe Chiroptères de Provence a demandé au préfet du Var d'imposer à cette société de respecter des prescriptions complémentaires afin d'éviter, réduire ou compenser l'impact de l'exploitation sur les chiroptères, de déposer une demande de dérogation telle que prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement et de réaliser une évaluation des incidences Natura 2000. L'association Groupe Chiroptères de Provence relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite qui lui a été opposé par le préfet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la nécessité d'assortir l'autorisation d'exploiter de prescriptions complémentaires et d'une dérogation telle que prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
S'agissant du droit applicable :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ", au nombre desquels figurent les dangers ou inconvénients pour la protection de la nature et de l'environnement. Selon l'article L. 181-4 du même code : " Les projets soumis à autorisation environnementale (...) restent soumis, sous réserve des dispositions du présent titre : / (...) /2° Aux législations spécifiques aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments dont l'autorisation environnementale tient lieu lorsqu'ils sont exigés et qui sont énumérés par l'article L. 181-2, ainsi que, le cas échéant, aux autres dispositions législatives et réglementaires particulières qui les régissent ". En vertu de l'article L. 181-12 de ce code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent (...) sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. / (...) ". Aux termes de son article L. 181-14 du même code : " (...) / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de prendre, à tout moment, à l'égard de l'exploitant, les mesures qui se révèleraient nécessaires à la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment la protection de la nature et de l'environnement. Il lui appartient, à cette fin, de prendre les mesures de nature à préserver les espèces animales non domestiques protégées ainsi que leurs habitats.
4. D'autre part, le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits : " 1° La mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ; / 2° La destruction (...) de végétaux de ces espèces (...) ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...) ". Toutefois, le 4° de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
5. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 411-2-1 du même code : " La dérogation mentionnée au 4° du I de l'article L. 411-2 n'est pas requise lorsqu'un projet comporte des mesures d'évitement et de réduction présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces mentionnées à l'article L. 411-1 au point que ce risque apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé et lorsque ce projet intègre un dispositif de suivi permettant d'évaluer l'efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l'absence d'incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées ".
6. Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations (...) sont accordées par le préfet (...). / (...) / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale (...) ". En vertu du I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 ; / (...) ". Aux termes du II de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) / 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; / (...) ". Aux termes du 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les autorisations délivrées (...) avant le 1er mars 2017 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'un arrêté en cours de validité à la date du 1er mars 2017 autorisant une installation classée pour la protection de l'environnement est considéré, à compter de cette date, comme une autorisation environnementale. Dès lors que cette autorisation environnementale tient lieu des divers actes énumérés au I de l'article L. 181-2, au nombre desquels figure la dérogation " espèces protégées ", est opérant le moyen tiré de ce que l'autorisation environnementale issue de l'autorisation d'exploiter est illégale en tant qu'elle n'incorpore pas, à la date à laquelle le juge administratif statue, une telle dérogation, dont il est soutenu qu'elle était requise pour le projet en cause.
8. En outre, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure (...) ".
9. Les dispositions des articles L. 181-2, L. 181-3, L. 181-12, L. 411-2, L. 411-2-1 et R. 411-6 du code de l'environnement imposent, à tout moment, la délivrance d'une dérogation à la destruction ou à la perturbation d'espèces protégées dès lors que l'activité, l'installation, l'ouvrage ou les travaux faisant l'objet d'une autorisation environnementale ou d'une autorisation en tenant lieu comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, peu important la circonstance que l'autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d'une modification de cette autorisation. Lorsque la modification de l'autorisation conduit l'autorité administrative à imposer des prescriptions complémentaires dont l'objet est d'assurer ou de renforcer la conservation d'espèces protégées sur le fondement des dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, il lui appartient de s'assurer que ces prescriptions présentent un caractère suffisant et, dans ce cadre, de rechercher si elles justifient, lorsqu'il demeure un risque caractérisé pour les espèces, d'imposer au bénéficiaire de solliciter une telle dérogation sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement.
S'agissant des faits de l'espèce :
10. L'étude d'impact établie en 2008 à l'occasion de la demande d'autorisation d'exploiter reprenait les constations réalisées par l'association Groupe Chiroptères de Provence dans le cadre de l'étude qui lui avait été confiée par la SAS Provence Granulats et indiquait qu'avaient été recensées, à 200 mètres au nord-ouest de la limite du site d'exploitation, dans les cavités de l'exploitation de bauxite de la Caïre ancienne, sept espèces protégées de chiroptères, soit le grand rhinolophe, le petit rhinolophe, le minioptère de schreibers, le murin à oreilles échancrées, le petit murin, le murin de daubenton et le murin de natterer. Elle précisait que les cavités de la Caïre récente, situées à 150 mètres au sud-ouest de la limite du site d'exploitation, abritaient également le petit rhinolophe. Elle mentionnait enfin que les mines de la Caïre, ancienne et récente, présentaient des connexions avec la mine des Trois Pins, essentiellement située sous la zone d'exploitation de la carrière, mais qu'aucune espèce n'avait été recensée dans cette dernière mine qui en elle-même présentait un enjeu de conservation faible.
11. Diverses mesures ont été prévues afin d'éviter tout impact sur les habitats situés ainsi à proximité de la zone d'exploitation, certaines proposées par l'association Groupe Chiroptères de Provence elle-même, et notamment le bouchage de la galerie ouest avant son effondrement pour isoler la Caïre récente et la préserver des effets de l'exploitation, le recul des fronts dans le coin nord-ouest de la zone d'extraction d'environ 100 mètres vers l'est pour préserver le secteur à Minioptères de Schreibers de la Caïre ancienne, le maintien d'une épaisseur de 20 mètres de calcaire au-dessus des galeries en principe effondrées de la Caïre récente qui doivent être concernées par la dernière des quatre phases d'extraction, au sud-ouest de la zone, la réduction des charges lors des tirs de mine ou la réalisation d'un suivi sismique de l'impact des vibrations et d'un suivi de la fréquentation du site de la Caïre pendant l'exploitation.
12. S'il ressortait également de cette étude que, pour ces espèces ainsi que pour cinq autres contactées sur le site, les milieux naturels de surface étaient favorables à la chasse, la destruction des milieux devrait être limitée en superficie en raison de l'exploitation par phase, suivie par une reconstitution progressive par réaménagement de la partie exploitée à la fin de chaque phase.
13. Postérieurement à la délivrance de l'autorisation, l'occupation par des chiroptères d'une partie non abattue des galeries de l'ancienne mine des Trois Pins a été détectée. Les investigations conduites ont confirmé que cette partie, située en limite nord du périmètre d'extraction et au-dessus de laquelle les travaux devaient intervenir au cours des deuxième et troisième phases, jouait un rôle d'accueil pour plusieurs espèces protégées, notamment, en sus des précédentes, l'oreillard gris ou le grand murin, sans toutefois, a priori, accueillir de colonies.
14. D'une part, dans l'attente de la réalisation d'une étude plus précise sur l'intérêt de cette zone, par porter-à-connaissance du 18 décembre 2023 dont le préfet a pris acte par décision du 13 janvier 2025, la SAS Provence Granulats a informé l'administration de la réduction du périmètre d'extraction initial pour éloigner les travaux de terrassement et d'extraction desdites galeries. Elle a également prévu, par ce même acte, la réduction de la vitesse maximale de vibration à 5 mm/s lors des tirs de mines, au lieu des 10 mm/s initialement autorisés et l'extension des suivis sismiques et de fréquentation à cette zone.
15. D'autre part, il ressort du rapport de suivi établi à la suite des premiers tirs de la première phase, intervenus notamment les 14 novembre 2024 et 5 février 2025, que les pièges photos, appareils de suivi acoustique et sismographes installés à l'intérieur et à l'entrée de la cavité, n'ont révélé aucune vibration au niveau des galeries, ni aucun mouvement ou enregistrement sonore d'animal à l'occasion desdits tirs. Ces résultats ne sont pas incohérents avec ceux dont se prévaut l'association requérante, qui évoque une mesure de vibration maximale de 1,11 mm/s à 835 mètres du lieu de tir, sans qu'on ne connaisse précisément les conditions de la mesure pratiquée visiblement en surface. En outre, la SAS Provence Granulats se prévaut de diverses études, notamment l'une réalisée par l'association requérante en 2015, dont il résulte que les tirs d'explosif pratiqués par un carrier à proximité d'une colonie de chiroptères ne semblent pas avoir d'incidence sur les animaux.
16. Si les galeries et cavités minières de Mazaugues sont elles-mêmes sujettes à des phénomènes d'affaissement ou d'effondrement documentés, il ne résulte pas des photographies produites par l'association requérante, qu'ainsi qu'elle le soutient, des blocs se seraient détachés à la suite des tirs pratiqués par la SAS Provence Granulats et que l'activité de cette dernière aggraverait ce risque, susceptible de porter préjudice aux chiroptères.
17. Dans ces circonstances, alors même que les animaux pourraient circuler entre les différentes mines ou accéder à celle des Trois Pins via des fentes du lapiaz en surface, l'exploitation projetée ne comporte pas à ce jour, même sans prendre en compte la mesure de compensation prescrite, un risque suffisamment caractérisé pour les espèces en cause, justifiant que des prescriptions complémentaires soient imposées afin d'assurer ou de renforcer leur conservation ou que la délivrance d'une dérogation à la destruction ou à la perturbation d'espèces protégées soit sollicitée.
En ce qui concerne la nécessité de réaliser une évaluation des incidences Natura 2000 :
18. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) ".
19. Si la requérante se prévaut de ce que, postérieurement à l'autorisation de l'exploitation et par un arrêté du 26 juin 2014, le " site Natura 2000 massif de la Sainte-Baume " a été désigné, incluant le secteur d'exploitation, en raison notamment de la présence identifiée des chiroptères protégés, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que l'exploitation de la carrière litigieuse, dans les conditions fixées par l'autorisation, serait, par elle-même, susceptible d'affecter de manière significative ledit site à raison de l'atteinte qu'elle porterait aux chiroptères. Il n'y a dès lors, en tout état de cause, pas lieu de prescrire la réalisation d'une évaluation des incidences Natura 2000 a posteriori.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'association Groupe Chiroptères de Provence n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la SAS Provence Granulats qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Groupe Chiroptères de Provence une somme de 2 000 euros à verser à la SAS Provence Granulats sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Groupe Chiroptères de Provence est rejetée.
Article 2 : L'association Groupe Chiroptères de Provence versera une somme de 2 000 euros à la SAS Provence Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Groupe Chiroptères de Provence, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la SAS Provence Granulats.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2025.
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N° 24MA01997
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